Boy racer. Traduction libre d'un article de Wikipédia: un jeune homme qui se promène en ville dans une auto modifiée, avec de gros pneus, un énorme silencieux et la musique dans le tapis.

Boy Racer, c'est aussi le titre choisi par Mark Cavendish pour son autobiographie publiée l'an dernier, juste avant qu'il ne gagne six étapes au Tour de France. À en juger par les réactions qu'il provoque, ça lui va comme un gant.

Coloré, baveux, grande gueule, il aime attiser la controverse. Et il ne déteste pas la bravade. «Mark Cavendish. L'homme le plus rapide sur deux roues. Un fait», peut-on lire sur la page d'accueil de son site internet personnel.

En résumé, il est comme bien des grands sprinters avant lui, peu importe le sport.

Pourtant, hier, quand il pleurait comme un bébé sur le podium à Montargis, le Britannique avait l'air de tout sauf d'un boy racer.

Manifestement, sa défaite de la veille avait été dure à avaler. Surtout qu'elle survenait après une série de malchances et de mauvais coups, à commencer par sa chute lors de la première étape à Bruxelles, dimanche. En début d'année, il a été ralenti par une infection aux dents et aux glandes salivaires. Puis, il a fait un bras d'honneur en gagnant une étape au Tour de Romandie. Son équipe l'a retiré de la course.

Au plus récent Tour de Suisse, il a fait chuter tout le monde avec une manoeuvre casse-cou juste avant le fil d'arrivée. Il n'avait pas gagné depuis six mois.

Bref, le mauvais garnement semblait prenable. C'est le calcul fait par l'équipe Garmin-Transitions, qui espérait placer Julian Dean, avec Tyler Farrar, ralenti par un poignet douloureux, comme joker. Ça n'a pas marché. Parti trop tôt, le train Garmin a profité aux HTC-Columbia de Cavendish.

Plus patient que la veille à Reims et parfaitement lancé par Mark Renshaw, Cavendish n'a eu aucun mal à signer sa première victoire sur le Tour 2010.

Soyons honnêtes, ça donne lieu à des étapes plutôt ennuyantes, mais qu'est-ce que la préparation pour les sprints est fascinante dans les 10 derniers kilomètres. Quatre ou cinq équipes se sont mêlées à la bataille, sans compter les isolés mais rusés comme Freire et McEwen.

Traité de danger public et montré du doigt pour ses attaques verbales contre les Français l'été dernier, Cavendish n'a pas que des ennemis dans le peloton. Il n'avait pas cueilli son bouquet que plusieurs coureurs le félicitaient sur leur messagerie Twitter, hier.

Issu du BMX et de la piste, le Britannique de 25 ans a toujours rêvé de briller sur le Tour de France.

Cependant, au vu de ses résultats à des tests physiologiques, des entraîneurs lui ont rapidement fait comprendre qu'il ne réussirait jamais. L'anecdote nous est rapportée par le sprinter québécois Martin Gilbert, qui s'est souvent mesuré à Cavendish, tant sur piste que sur route.

«Sur papier, théoriquement, il n'allait pas gagner beaucoup de courses, raconte Gilbert. En Angleterre et en Australie, ils ont des théories où ils mesurent tes watts sur un computrainer. À partir de ça, ils disent: «Toi, t'es bon, toi, tu ne seras pas bon». J'ai toujours été contre ça.»

Sur un contre-la-montre ou une ascension, ces mesures ont de la valeur, reconnaît Gilbert. Mais pour une épreuve de piste comme le Madison ou une arrivée au sprint sur la route, elles ont leurs limites, prétend-il. «Il y a tellement de détails dont il faut tenir compte: ne pas partir trop tôt, ne pas se faire emboîter, ne pas avoir peur, jouer du coude au bon moment, ne pas perdre sa place dans un virage. Tous ces éléments techniques ne se mesurent pas sur papier.»

Cavendish a maintenant gagné 11 étapes au Tour de France, six au Giro d'Italie et deux titres mondiaux sur piste. «Il est petit, il sprinte vraiment de façon compacte et aérodynamique, et il a une pointe de vitesse très élevée, énumère Gilbert. Peut-être que ça ne demande pas tant de watts que ça.»

Au fait, il est aussi fou qu'on le dit? «Moi, quand j'ai couru contre lui, jamais il n'a fait de gestes dangereux, répond Gilbert. Il a toujours été raide, il garde sa place. Et des vagues, il en fait à toutes les deux secondes! Mais c'est comme ça. Si on veut gagner des courses, on n'a pas le choix.»

AUJOURD'HUI: sixième étape, Montargis-Gueugnon, 227,5 km. Dernière étape de transition avant les Alpes. La plus longue du Tour et plus bosselée que les deux précédentes. Avec la fatigue, la chaleur - Ryder Hesjedal a mesuré 42,2 degrés Celsius sur son appareil hier! - et les nombreuses blessures, la chasse aux échappés pourrait être plus éprouvante. Mais les HTC seront aussi motivés que leur as sprinter.

LE TWEET DU JOUR: Robbie McEwen: «Viens juste de découvrir que je suis probablement allergique aux médicaments contre le tétanos. Ils m'ont piqué après une chute - pas étonnant que je me sente comme de la merde. #jambesdeplomb»