Le champion de France qui gagne à sa grande surprise. Le favori local Ryder Hesjedal qui soulève la foule avec une fin de course endiablée. Et les Québécois qui sont là, bien actifs, du départ à l'arrivée, dans un peloton international des plus relevés. Comme pour le happening sportif, le premier Grand Prix cycliste ProTour a livré ses promesses à Québec.

Thomas Voeckler, gagnant d'étape au dernier Tour de France, s'était lui-même écarté des prétendants à la victoire mercredi dernier en conférence de presse. Manque de forme, ennuis gastriques, il conseillait plutôt de surveiller ses jeunes coéquipiers. Auteur d'une attaque opportune à un kilomètre du fil, juste avant le passage devant le Château Frontenac, Voeckler a su résister au retour des poursuivants.

Une seconde, ce fut tout ce qu'il lui restait quand il a traversé la ligne devant le super espoir norvégien Edvald Boasson Hagen et l'as grimpeur néerlandais Robert Gesink. Le faciès du vainqueur trahissait son étonnement. «Il faut croire que l'air du Québec me fait du bien!» a lancé Voeckler aux journalistes.

Facilement reconnaissable à son maillot bleu-blanc-rouge de champion national, Voeckler a été surpris d'entendre son nom si souvent dans les premières montées de la Côte de la montagne. Il s'est dit : Holà! Faut pas que je me traîne. Il se voyait dans les 10 premiers. Mais de là à gagner...

«Le vélo, ce n'est pas toujours une science exacte», a rappelé l'athlète de 31 ans avant d'ajouter, très honnête : «C'est vrai que je me suis entraîné depuis le Tour de France, mais je ne vais pas mentir, je n'ai pas vécu comme un moine non plus le reste de l'année. Je n'ai pas eu la meilleure hygiène de vie. Des fois ça marche quand même.»

Voeckler ne s'est pas fait prier pour reconnaître la supériorité athlétique de Hesjedal. Artisan d'un impressionnant travail de sape dans les côtes des deux derniers tours de circuit, l'athlète de Victoria a dû se satisfaire de la quatrième place. «Oui, c'est décevant, a reconnu Hesjedal. J'avais certainement de grandes attentes ici. Je ne veux pas diminuer à cette quatrième place, mais j'espérais vraiment monter sur le podium, peut-être sur la plus haute marche. En être si près... J'ai fait ce que j'ai pu à la fin en durcissant la course.»

Les Damiano Cunego, Fabian Wegmann, Matti Breschel, trois sérieux candidats à la victoire, en ont lourdement payé le prix. Ces trois-là peinaient à tenir le rythme du Canadien dans la dernière montée de la côte des Glacis. Hesjedal avait sans doute les meilleures jambes du peloton, mais il a été neutralisé par son statut de coureur ciblé et les considérations tactiques de ses adversaires.

À 500 mètres de la ligne, Hesjedal, serrant les dents, y est allé d'un ultime effort. À bout de ressources, il n'a pu que regarder Voeckler filer vers la victoire : «C'était dur de le regarder se sauver, mais il n'y pas grand-chose que je pouvais faire à ce moment-là.»

Point de mire depuis son arrivée à Québec, Hesjedal a été accueilli presque comme une rock star par le public. Son étonnante septième place au Tour de France n'est pas passée inaperçue chez les nombreux amateurs de vélo québécois. «La foule était fantastique, a-t-il souligné. C'est juste une grande journée, mais c'est aussi décevant.»

Hesjedal aura bien le temps de digérer cette déception dans le train qui ramène les coureurs samedi matin à Montréal. Avec une petite pensée pour le mont Royal, qu'il découvrira pour la première fois. Avec Gesink, qui l'a tout juste devancé au Tour, Hesjedal s'annonce comme le grand favori dimanche pour ce deuxième Grand Prix cycliste ProTour. Si les astres s'alignent...