Robert Gesink, la bouche grande ouverte, s'arrachant le coeur sur Camilien-Houde: les cyclosportifs montréalais ont une nouvelle image pour s'inspirer la prochaine fois qu'ils souffriront sur la célèbre montée du mont Royal.

Auteur d'une attaque dévastatrice dans la dernière ascension de la journée, Gesink a su résister à la poursuite menée par le Canadien Ryder Hesjedal pour remporter le premier Grand Prix cycliste ProTour de Montréal, dimanche après-midi.

«C'est la plus grande victoire dans une course d'un jour du ProTour. C'est très spécial», a déclaré le grimpeur néerlandais de 24 ans, sixième du dernier Tour de France. «Sur un tel parcours, on doit être très fort pour se rendre jusqu'à l'arrivée.»

Les milliers de spectateurs massés sur l'avenue du Parc ont eu droit à un final haletant. Hesjedal et quatre autres poursuivants, dont le champion olympique Samuel Sanchez, sont venus souffler dans le cou de Gesink dans la dernière ascension de la côte Polytechnique. Il a fallu attendre le dernier virage en épingle, à 500 mètres du fil, pour comprendre que le Néerlandais ne serait pas rejoint.

Quatrième vendredi à Québec, Hesjedal a cette fois eu le bonheur de monter sur la troisième marche du podium. Le Slovaque Peter Sagan, 20 ans seulement, a pris le deuxième rang.

Acclamé par le public qui scandait son prénom, Hesjedal n'a pas boudé son plaisir. «C'est plus que satisfaisant, a dit le coureur de Victoria en conférence de presse. Ces deux courses représentent tout un apprentissage pour moi. J'avais le dossard numéro un, je n'avais jamais entendu mon nom comme ça. Qu'est-ce que je peux dire? J'ai couru du mieux que j'ai pu.»

Vedette

Avant qu'il ne finisse septième au Tour, il y a moins de deux mois, à peu près personne ne le connaissait au pays. Le voilà propulsé parmi les grandes vedettes sportives canadiennes. À Québec comme à Montréal, les gens se l'arrachaient. Encore dimanche, cinq minutes avant le départ, il signait les maillots de jeunes coureurs et acceptait de poser avec des adultes en pâmoison.

«Tout ça va changer ma vie, a souligné Hesjedal. D'arriver ici après la saison que j'ai connue, avec les gens que j'aime, ma famille, ma fiancée. Encore une fois, les fans ont été fantastiques. J'espère que cette expérience me servira.»

Manifestement anxieux, Hesjedal a tenté de s'envoler dans Camilien-Houde avec moins de trois tours à faire. Un groupe de quatre coureurs avait alors une avance de 40 secondes. Le peloton était encore assez massif. Plusieurs en ont payé le prix, dont les Québécois Dominique Rollin et David Boily. La plupart des gros canons ont pu garder la roue du Canadien.

Dans un moment de flottement, Gesink a lui aussi bondi de sa selle une première fois, avant de sagement se rasseoir. «C'était difficile d'attendre. Je voulais faire la différence», a expliqué Gesink, troisième à Québec. Le Néerlandais de la Rabobank y est parvenu deux tours plus tard dans une des sections les plus pentues de Camilien-Houde. Personne n'avait les jambes pour lui répondre. La façon dont il a franchi les 10 kilomètres en solitaire restera marquée dans les annales.

Après presque cinq heures d'effort, Gesink a pu lever le bras droit et crier sa joie. Hesjedal a suivi quatre secondes plus tard. Une montagne, deux héros.