À cinq kilomètres de l'arrivée, quand il a compris que le Tour de l'Avenir allait lui échapper, David Boily a pensé à Laurent Fignon.

Le Tour de l'Avenir n'est pas le Tour de France, seulement son petit frère. Et Boily n'était pas né quand le regretté Fignon s'est écroulé sur le bitume des Champs-Élysées après avoir perdu la Grande Boucle par 8 secondes.

Quand même... «Imagine-toi donc que j'y ai pensé!», a lancé Boily, joint au téléphone hier, au lendemain de son retour d'Europe. L'effondrement de Fignon, il l'a vu des dizaines de fois sur vidéocassette pendant l'entraînement hivernal.

Après une déception bien légitime d'avoir concédé la victoire par 17 secondes, dimanche, en Italie, Boily a pu mieux mesurer l'ampleur de son exploit. Même le douanier l'a félicité à son arrivée à Québec.

«Avec le recul, à tête refroidie, j'ai vu qu'il y avait pas mal juste moi qui étais un peu déçu, a-t-il noté. Tout le monde était abasourdi, émerveillé. On a réussi une semaine qui a marqué l'histoire. On peut en être fier. Ça aurait été dur de faire mieux.»

Disposant d'une mince avance de 7 secondes pour la dernière étape, Boily savait qu'il serait l'objet de multiples attaques, surtout quand il s'est retrouvé isolé, sans coéquipier, à 70 km de l'arrivée. Le coup fatal a été porté par les Colombiens dans un col de deuxième catégorie, à 25 km de la ligne. Rapidement, le petit groupe de trois, qui incluait le futur gagnant, le grimpeur de poche colombien Esteban Chavez, a pris 20 secondes.

Contrairement à une information parue dimanche, Boily explique qu'il n'a pas été piégé: «Ma tête était là, la motivation aussi, et ce n'était pas une question de jambes - j'avais probablement mes meilleures de la semaine. C'était une question de positionnement. Je n'ai pas eu le temps de me faufiler. J'ai été coincé.»

Isolé et émoussé par une journée à couvrir les coups, Boily a ensuite appuyé sur le «bouton panique» et chassé du mieux qu'il a pu avec, dans sa roue, un groupe d'une vingtaine de coureurs pas intéressés à collaborer. Il n'a pu que stabiliser l'écart.

Intérêt et convoitise

De cette «semaine de rêve», marquée par quatre jours en jaune, Boily retient l'ascension du Salève, principale difficulté du 48e Tour de l'Avenir, une montée de 9,5 km à 7,5%. Décroché au pied, il a réussi à reprendre du temps dans la seconde portion, qu'il a été le plus vite à grimper. «Quand ils disent qu'un maillot jaune, ça fait voler, que ça change complètement les choses, je l'ai compris là.»

Boily a ramené quelques exemplaires du fameux maillot dans ses valises. Il compte en remettre à ses coéquipiers de l'équipe canadienne, dont Hugo Houle et Antoine Duchesne, derniers rescapés d'une course éprouvante.

Deuxième du Tour de l'Avenir, il n'y a pas de quoi rougir. Un simple regard sur le palmarès des 10 dernières années suffit pour s'en convaincre. À cette seule deuxième place, on retrouve des gagnants d'étape au Tour de France (Pierrick Fédrigo (3), Christophe Riblon, Tony Martin, Rui Costa) et les deux gagnants du Grand Prix cycliste de Montréal (Costa et Robert Gesink).

À 21 ans, voilà déjà David Boily sur la trace des grands. S'il écoulera en 2012 la deuxième année de son contrat de néo-pro avec SpiderTech propulsée par C10, le jeune homme n'est pas sans savoir que sa performance suscitera intérêt et convoitise de la part d'équipes ProTeam.

«C'est considéré comme la plus grosse course du monde chez les moins de 23 ans, a-t-il convenu. Comme me l'a dit le soigneur de l'équipe canadienne: si, avec un résultat comme ça, je ne suis pas capable de me trouver un contrat, il y a de fortes chances que je n'en trouverai jamais...»