Quand Arnaud Papillon a demandé à le rencontrer, il y a une semaine ou deux, l'entraîneur André Breton s'attendait à ce que le cycliste lui annonce sa retraite. Celui qu'il entraînait depuis l'âge de 14 ans avait connu trois saisons difficiles, marquées par des blessures et des accidents, dont un dernier en course qui l'avait laissé pratiquement défiguré en juillet.

Au bord des larmes, Papillon a plutôt appris à son entraîneur personnel des huit dernières années qu'il avait consommé de l'EPO, qu'il s'était fait prendre, et que la nouvelle sortirait sous peu.

André Breton, 38 ans, a été surpris et très déçu. Il s'est aussi senti trahi. Il connaissait très bien le jeune homme, sa famille, ses proches. Il était devenu un ami, même un peu plus. «Quand ça fait huit ans que tu l'entraînes, forcément, tu viens à le connaître. C'est quasiment comme mon quatrième enfant. C'est ça qui est difficile aussi», a raconté Breton lors d'une entrevue téléphonique, hier.

Férocement opposé au dopage - «Les gens du milieu connaissent ma position» -, André Breton se souvient avoir eu des discussions spécifiques à ce sujet avec Papillon. «J'en ai même parlé à ses parents il y a un an ou deux, leur disant de faire attention.»

Entraîneur professionnel depuis 15 ans, André Breton exige un bilan sanguin bisannuel de chacun de ses clients. Pour des raisons de santé et à des fins de suivi comparatif. «Tous les entraîneurs devraient faire ça, c'est un minimum», pense-t-il. Accessoirement, ces valeurs sanguines peuvent aussi servir à détecter un comportement dopant.

Ironiquement, Breton s'est aperçu que Papillon n'avait pas passé ses tests en 2011, année où il a, semble-t-il, commencé à se doper. Le coach n'y voit qu'un hasard et un concours de circonstances. «En fait, je ne me souviens pas le lui avoir demandé (de passer des tests en 2011).»

Double ironie, depuis quelques années, l'entraîneur a décidé de s'éloigner du cyclisme, un sport qu'il adore toujours, pour se consacrer davantage au triathlon. En partie à cause des histoires de dopage, mais aussi à cause des particularités du milieu cycliste et des contraintes inhérentes associées à une équipe professionnelle.

S'il condamne le geste de son athlète, Breton se dit surtout triste pour lui. «Ce n'est jamais une excuse, mais les gens qui ont recours à des produits dopants sont généralement dans une situation de faiblesse psychologique, sont déprimés ou n'ont rien devant eux. Ce que je trouve triste pour Arnaud, c'est qu'il avait quelque chose devant lui. Il y avait ses études, un avenir professionnel qui pouvait être très bien. Il n'était pas obligé de faire du vélo. Il le faisait pour le plaisir.»

Bon athlète, Papillon était aussi fin stratège en course. «Sincèrement, n'eût été ses accidents, il serait probablement à un niveau supérieur qu'il l'a été cet été, sans rien prendre», croit Breton. «Il a peut-être juste voulu revenir trop vite. Je ne sais pas le cheminement qu'il a eu là-dedans.»

Au-delà des campagnes de sensibilisation et de prévention, Breton estime que les intervenants du milieu, notamment les fédérations et entraîneurs, ont leur part de responsabilités. «Ça va au-delà de la santé et d'un sport sain. Il y a des contrôles plus systématiques qui doivent être faits auprès de nos athlètes, pour les aider, les encadrer. Je sais qu'il y a une question de budgets, mais il y a un manque sur ce plan-là.»

Breton prévoit revoir Papillon prochainement. Pour parler, l'écouter. «Il a probablement perdu tous ses amis. Il était probablement sur le bord de lâcher l'école parce qu'il n'était plus capable de se concentrer. Savoir que ça va sortir dans les médias, qu'on sera jugé, c'est assez traumatisant pour quelqu'un de 22 ans. C'est vraiment dur, pire qu'un accident. En même temps, c'est le prix à payer pour l'erreur qu'il a commise.»