Sur le podium du Grand Prix cycliste de Charlevoix chez les 60 ans et plus, en juin dernier, trois hommes aux cheveux gris, habillés du même maillot bleu, blanc et orangé, lèvent les bras au ciel. Ces trois aînés aux mollets sculptés au couteau portent les couleurs de la Fédération de l'âge d'or du Québec.

À sa première année de compétition, l'équipe obtient de vénérables résultats. Pierre L'Écuyer, 61 ans, est champion canadien de sa catégorie. Roger Lessard, 62 ans, a remporté la Coupe des Amériques chez les vétérans D à Sutton au mois de juillet. Pour les sept membres de l'équipe baptisée «L'Énergie grise», pas question de jouer aux poches ou aux dards. «Notre grand plaisir, c'est d'aller chauffer les fesses du meneur des 50 ans et plus», dit le fondateur du club, Jean-Pascal Lion, 64 ans.

Lorsqu'il a reçu un formulaire pour avoir sa carte de la Fédération de l'âge d'or, M. Lion a lancé à la blague qu'il mettrait sur pied une équipe de vélo de route pour les «vieux» composée des meilleurs cyclistes de plus de 60 ans.

«Avec la retraite, j'ai plus le temps pour m'entraîner et je fais beaucoup plus attention à mon alimentation, dit M. Lion, en se préparant à participer au critérium hebdomadaire qui a lieu dans le quartier industriel de Laval. Cette année, j'ai fait mon meilleur temps à vie à Sutton.»

On se demande où l'ancien vice-président marketing du Groupe Pages Jaunes trouve le temps pour se faire aller les jambes. Après sa retraite, M. Lion s'est de nouveau lancé en affaires. Il a ouvert deux magasins de vélo à Boisbriand et à Laval, en plus d'être à la tête d'une entreprise de cardiovélo (spinning) qui embauche une soixantaine d'instructeurs.

Au sommet

Du haut de ses 61 ans, Pierre L'Écuyer est au sommet de sa forme. Son maillot rouge et blanc barré d'une feuille d'érable confirme son statut de champion national dans sa catégorie. Le chercheur en mathématiques et en informatique de l'Université de Montréal a commencé à faire de la compétition dans la quarantaine. Depuis, il n'a jamais cessé de progresser.

«Ça m'a pris cinq ans avant d'être à l'aise dans le peloton et d'atteindre le podium. Il fallait arrêter de tomber et comprendre la stratégie. Je me disais que plus je vieillirais, plus ma forme se dégraderait. Mais ça fait maintenant 20 ans que je me dis que je suis au meilleur de ma forme!»

Il parcourt d'ailleurs 55 km par jour pour se rendre au bureau. À la mi-juillet, son compteur affichait 9500 km. Le scientifique originaire de Sept-Îles a réalisé un petit rêve le mois dernier en terminant dans le peloton de tête aux Mardis cyclistes de Lachine. Personne de plus de 52 ans n'en a fait autant.

Plus qu'une course

La population québécoise vieillit et l'on peut s'attendre à voir de nombreux cyclistes sexagénaires se joindre aux pelotons au cours des prochaines années. «Avant, il fallait argumenter pour participer aux courses, se rappelle Pierre L'Écuyer. Dans la catégorie des 50 à 59 ans, on était cinq ou six à participer. Maintenant, les courses se font à 60 personnes. Toute la cohorte des baby-boomers s'en vient.»

La Fédération de l'âge d'or du Québec compte plus de 260 000 membres. Il s'agit du plus grand regroupement d'aînés au Canada. Outre remporter des courses, le mandat de l'Énergie grise est de faire la promotion de la bonne forme physique. «Même à 60 ans, on est presque capables de faire la même chose que les jeunes de 30 ans», dit M. L'Écuyer.

Le vélo est un sport idéal pour les aînés puisque les mouvements sont rotatifs. «Si on ne tombe pas, il n'y a pas d'impacts, dit Jean-Pascal Lion. En plus, c'est extrêmement bon pour les articulations.» Ironie du sort, il vient tout juste de se casser l'omoplate lors d'une mauvaise chute...

Après 60 ans, les cas de dopage sont très rares, même chez les meilleurs. Heureusement, puisque la drogue est l'une des choses que le corps d'un sexagénaire supporte le moins. «S'il y en a qui se dopent, ils sont vraiment nonos, affirme Pierre L'Écuyer, en s'étirant dans le gazon avant la course de Laval. On fait ça pour s'amuser. C'est comme tricher quand on joue au Monopoly. On aime bien gagner, mais après quelques mois, personne ne se souvient de nos petites performances!»