En natation, il y a l'avant et l'après-février 2008, date de l'entrée en scène du nouveau maillot Speedo LZR Racer, cette seconde peau qui a mené à la réécriture du livre des records. D'autres manufacturiers ont embarqué dans le wagon technologique. Si bien qu'en cette année post-olympique, les chronos continuent de baisser à un rythme jamais vu. Prise de court, la FINA n'a eu d'autre choix que d'édicter en catastrophe de nouvelles règles d'approbation en vue des Mondiaux de Rome. Certains maillots ont passé le test, d'autres ont été recalés, hier, à Lausanne. État de la situation.

Le week-end dernier, à Charlotte, en Caroline-du-Nord, le nageur montréalais Thomas Kindler a fait l'essai de la nouvelle combinaison Jaked 01, le même maillot qui a permis au Français Frédérick Bousquet et à l'Espagnol Rafael Munoz d'établir de nouvelles marques mondiales sur 50 mètres.

Comment s'est-il senti? «Comme dans un gros ballon de caoutchouc», a répondu Kindler, soulignant l'imperméabilité et la flottabilité du produit entièrement conçu en polyuréthane.

En préliminaires du 100 mètres papillon, il a réalisé, sans trop forcer, un chrono de 54,6 secondes, soit le même temps qu'il avait enregistré en préliminaires des sélections olympiques d'avril 2008, alors qu'il était complètement reposé et rasé. Bref, le test a été concluant, d'autant que le maillot, mal ajusté à sa taille, s'est rempli de quelques bulles d'eau pendant la course.

Kindler l'admet candidement: «C'est tellement illégal...»

Pourtant, quand La Presse l'a joint hier après-midi, Kindler ne savait pas que la Fédération internationale de natation amateur (FINA) venait de dévoiler la liste des maillots approuvés en vue des Mondiaux de Rome, en juillet prochain. Et la Jaked 01 n'en fait pas partie.

Or, Kindler dit avoir reçu la garantie du manufacturier italien que la combinaison serait retenue. «J'ai un courriel pour le prouver. Sinon, je le retournerai et j'obtiendrai un remboursement complet», a-t-il dit au sujet du maillot commandé sur l'internet au coût de 660 $ CAN.

À Charlotte, Kindler a mis une grosse demi-heure pour l'enfiler. Il était donc peu enthousiaste à l'idée de le remettre pour une photo hier. «Tu le mets une fois et il commence à étirer. C'est très fragile. Le moindre trou et il se déchirera complètement», a-t-il expliqué.

Parmi les 348 maillots soumis à la FINA par 21 manufacturiers, 202 ont été approuvés. Dix modèles ont été carrément rejetés, tandis que 136 autres devront être modifiés d'ici un mois afin de répondre aux critères de la FINA.

Outre le Jaked 01, le X-Glide d'Arena est l'autre maillot de renom qui n'a pas reçu le sceau d'approbation. En demi-finale des championnats de France, le mois dernier, le Français Alain Bernard avait utilisé le X-Glide pour établir un nouveau temps de référence sur la distance mythique du 100 m libre (46.94). La FINA n'a pas précisé si ce record et ceux de Bousquet (50 m libre) et Munoz (50 m papillon) seront homologués.

Chose certaine, le resserrement des critères de la FINA devrait être bien accueilli dans le milieu. «Les nageurs ne devraient pas avoir une armure sur le corps», a résumé Benoit Lebrun, entraîneur au centre national de la piscine olympique. À Charlotte, en finale du 50 m libre, Lebrun a vu sa nageuse Victoria Poon, qui portait un maillot LZR Racer de Speedo, être battue d'un dixième par l'Américaine Amanda Weir, vêtue d'un maillot qui n'a pas été homologué.

De retour à la base?

Présent à Lausanne, Pierre Lafontaine, patron de Natation Canada, se félicitait que la FINA ait, pour une fois, consulté les entraîneurs et les nageurs pour établir sa nouvelle politique. «C'est une première dans l'histoire», a-t-il affirmé.

La liste des maillots approuvés n'est valide que pour 2009. À partir du 1er janvier 2010, de nouvelles règles seront mises en application. Elles seront établies lors du prochain congrès de la FINA précédant les Mondiaux de Rome.

Lafontaine s'attend à une politique encore plus restrictive. Appuyé par le représentant américain, Lafontaine a suggéré que les combinaisons s'arrêtent aux genoux et aux épaules et qu'elles soient composées de matériaux entièrement perméables. «Pour moi, plus il y a de peau, mieux c'est, a-t-il expliqué. On ne veut pas nécessairement le retour des petits costumes, mais quelque chose de plus conservateur sur le plan technologique.»

Nicholas Perron, entraîneur-chef du Rouge et Or de l'Université Laval, est bien d'accord. «Personnellement, je retournerais à la base, mais on sait tous qu'il y a des enjeux politiques et économiques derrière ça», a-t-il souligné. À titre d'exemple, Speedo, joueur majeur sur la scène internationale, est aussi un important partenaire de la FINA. Jaked est par ailleurs associé à la fédération italienne, qui accueille les Mondiaux cet été.

S'il n'en tenait qu'à Thomas Kindler, tout le monde nagerait dans les maillots minimaux des années 80. En attendant, il se prépare à toute éventualité. «Si ça ne marche pas avec le Jaked, j'ai deux ou trois maillots dans mon sac qui feront l'affaire», a-t-il conclu avant son entraînement au centre aquatique de l'île Sainte-Hélène.