La flamme olympique brillera sous le soleil brésilien en 2016. Rio de Janeiro a remporté vendredi le titre de ville hôte des 31es Jeux olympiques d'été, devant Chicago, Madrid et Tokyo. Une décision historique et audacieuse en faveur de la métropole en proie à de graves problèmes de pauvreté et de criminalité.

Réunis à Copenhague, les délégués du Comité international olympique (CIO) ont préféré la capitale de la samba et du carnaval à la ville de Madrid, en votant à 66 voix en sa faveur contre 32 pour la cité espagnole au troisième tour du scrutin. Ce sera la première fois dans l'histoire qu'une ville de l'Amérique du Sud accueillera les olympiades.

La victoire du Brésil a retenti jusque sur la plage de Copacabana vendredi après-midi, où près de 50 000 personnes ont explosé de joie lors de l'annonce de la ville gagnante. Les habitants de la ville «maravilhosa» se sont trémoussés sous une pluie de confettis et dans une ambiance de carnaval. Une immense banderole avec une image de l'emblématique statue du Christ rédempteur et les mots «Rio loves you» a été déployée par les manifestants.

Le président brésilien, Luiz Inacio Lula da Silva, peinait à retenir ses larmes de joie après l'annonce du verdict.

«J'ai 63 ans, j'ai vu beaucoup de choses dans ma vie et je pensais que je ne pourrais jamais devenir émotif, mais là, je pleure plus que toute autre personne présente. C'est le jour le plus émouvant de ma vie», a-t-il confié en essuyant ses larmes lors de la conférence de presse qui a suivi l'annonce de la victoire à Copenhague.

«Je voudrais dire à mon ami le premier ministre espagnol Jose Luis Rodriguez Zapatero, à Barack Obama, en qui je fonde de grands espoirs, et au premier ministre japonais que je suis désolé d'être heureux quand ils sont tristes, mais qu'ils ont été par le passé si souvent heureux lorsque nous étions tristes», a poursuivi le chef d'État.

Le président du Comité international olympique (CIO), Jacques Rogge, a quant à lui avoué que l'idée d'allouer au Brésil les premiers Jeux olympiques sud-américains avait fait pencher la balance en faveur de Rio.

«Le CIO a choisi une candidature très forte avec la superbe valeur ajoutée apportée par le fait de donner les Jeux pour la première fois à un continent.»

Défi de taille

L'organisation des Jeux olympiques dans la métropole carioca risque toutefois d'être un pari ambitieux.

Selon le plan présenté par les dirigeants brésiliens, plus du tiers du budget de Rio, soit environ 5 milliards de dollars, sera consacré à améliorer le système de transport, réputé chaotique. Au cours des sept prochaines années, environ 14 milliards de dollars seront dégagés pour améliorer la vie quotidienne des citadins et Rio doublera sa capacité hôtelière.

«Avec la Coupe du monde de soccer qui s'en vient en 2014 et les Jeux olympiques en 2016, j'ai du mal à imaginer comment une mégapole comme Rio de Janeiro, qui possède des problèmes inhérents de démographie, d'urbanisme et de criminalité, va être en mesure de faire le doublé et d'injecter autant d'argent en si peu de temps», a noté l'auteur et spécialiste des questions olympiques Paul Ohl.

«De 10% à 15% de la population vit dans les favelas. Il va devoir y avoir une réorganisation complète de l'espace urbain, un nettoyage monstre de cette cité. C'est un choix très audacieux», a-t-il poursuivi.

Malgré sa grande joie, le président brésilien a reconnu les nouvelles responsabilités qui incombent à son pays. «Je n'ai pas peur des responsabilités. Je pense que tous les jours, les êtres humains devraient affronter de nouveaux défis.»

«C'est une belle occasion pour le CIO de montrer que les Jeux sont universels», croit pour sa part le directeur du Centre de recherche sur le sport dans la société canadienne de l'Université d'Ottawa, Jean Harvey.

«Dans les 10 ou 15 dernières années, il a souvent été accusé du fait que seules les grandes puissances pouvaient s'offrir des Jeux, à cause du coût inhérent et des risques financiers qui y sont liés. Dans le contexte actuel, le choix d'une puissance émergente comme le Brésil devient intéressante.»

À la surprise de plusieurs, la candidature de Chicago a été éliminée dès le premier tour, et ce, malgré le fait que le président Barack Obama se soit rendu à Copenhague pour défendre sa candidature.

«Je pense que cela démontre, malgré le capital de sympathie envers Obama, à quel point les États-Unis sont impopulaires en ce moment», affirme Paul Ohl.

«C'est une nation en guerre. Les délégués qui représentent les pays moyen-orientaux et les pays arabes ont probablement voté en bloc contre la candidature de Chicago. Par ailleurs, le vote latino-américain, qui représentait quand même neuf voix, est évidemment allé à Rio et l'on croit entendre un peu partout dans les milieux politiques que da Silva est parvenu à convaincre les 15 membres représentant les pays africains. Je pense que le CIO voulait marquer l'histoire, et il l'a fait. C'est un risque, mais un beau risque.»

Avec Agence France-Presse et Associated Press

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Rio de Janeiro

Population: 6 millions (agglomération 12 millions) Dates proposées : 5 au 21 août (Jeux olympiques) 7 au 18 septembre (Jeux paralympiques) Budget prévu : 2,82 milliards US

Atouts

> Les Jeux olympiques n'ont jamais été présentés en Amérique du Sud.

> La géographie spectaculaire.

> L'utilisation de la célèbre plage de Copacabana.

> L'organisation des Jeux panaméricains de 2007, couronnés

de succès.

> L'accueil de la Coupe du monde de football de 2014 procurera une précieuse expérience et accélérera le développement des infrastructures.

> Le vaste plan de transport, dont le financement est garanti et qui améliorerait les liaisons entre les zones défavorisées.

> L'économie en pleine croissance.

> La vision des Jeux comme moteur de «changement social ».

> Le bilan environnemental favorable de Rio de Janeiro, notamment en matière d'utilisation de sources d'énergie propres.

Faiblesses

> Les interrogations par rapport à la sécurité publique.

> La présentation de la Coupe du monde de football en 2014 pourrait couper le souffle à la ville avant la tenue de Jeux d'été, deux ans plus tard.

> La topographie particulière de Rio soulève des questions sur la longueur du trajet entre les quatre zones olympiques.

> Le nombre insuffisant de chambres d'hôtel et l'absence de garanties pour les chambres prévues sur des bateaux de croisière.

> Rio de Janeiro vient d'annuler une épreuve de Coupe du monde de natation, faute de fonds pour l'organiser.