Ce qui est bien avec le nouveau système de notation en patinage artistique, c'est la possibilité de mesurer l'ampleur d'une victoire.

Celle de Joannie Rochette, hier soir, à Ottawa, est à ranger dans la catégorie des triomphes absolus. La patineuse de l'île Dupas a laissé ses plus proches concurrentes à plus de 25 points pour remporter les Internationaux Patinage Canada pour la deuxième fois de sa carrière.

 

Rochette couronnait ainsi une journée grandiose pour les patineurs canadiens, marquée par la victoire de Patrick Chan chez les hommes et la médaille d'argent de Jessica Dubé et Bryce Davison en couple.

«J'avais gagné Skate Canada il y a deux ans (à Victoria) et c'était un objectif personnel de le regagner, surtout que c'était à Ottawa, avec mes parents et mes amis dans les gradins», a déclaré Rochette quelques minutes après la cérémonie des médailles.

La Japonaise Fumie Suguri, triple médaillée aux championnats du monde, a gagné l'argent, tandis que l'Américaine Alissa Czisny est remontée de la sixième place pour glaner le bronze.

Dernière à s'élancer en vertu de sa première place de la veille au programme court, Rochette a tenu les quelque 4000 spectateurs de la Place Banque Scotia rivés sur le bout de leur siège. On a même vu des nerveux se ronger le bout des ongles.

Pourtant, Rochette paraissait confiante et en plein contrôle. Elle n'a commis que deux petites fautes, un atterrissage un peu cahoteux sur une combinaison triple-triple et son dernier double Axel transformé en simple. Sinon, ça eu l'air facile au possible. «Ça l'était», a corroboré Manon Perron, l'entraîneuse de Rochette.

La quadruple championne canadienne s'est assurée de ne pas se faire jouer de tour par ses nerfs, comme ce fut parfois le cas dans le passé. Un peu nerveuse après l'entraînement de l'après-midi, Rochette a retraité à l'hôtel plus tôt que prévu. «J'ai pensé à tout sauf au patin. J'ai fait comme si c'était une journée normale à la maison. Quand je suis retournée sur la glace, j'ai pu faire ce que je fais à l'entraînement», a raconté la gagnante.

Rochette reprendra l'entraînement cette semaine en prévision de son deuxième rendez-vous sur le circuit Grand Prix, le trophée Éric Bompard, à Paris, dans deux semaines. Elle avait remporté cette compétition en 2004.

Neuvième à l'issue du programme court, Cynthia Phaneuf a grimpé d'un rang grâce à la septième performance de la soirée. Son interprétation de Cléopâtre a été parfois brillante, parfois laborieuse, comme ce triple Lutz transformé en simple en début de programme. «C'est quand même bon. Je suis très proche de mon but. J'étais beaucoup plus confiante qu'hier», a confié l'ancienne championne canadienne.

Chan aux neuf vies

Chez les hommes, la relève du nouveau retraité Jeffrey Buttle semble bel et bien assurée. Malgré des ennuis avec ses deux triples Axel, Patrick Chan s'est imposé de justesse devant les Américains Ryan Bradley et Evan Lysacek. Le Torontois de 17 ans a tiré profit de la déconfiture du Français Yannick Ponsero, leader après le programme court et dernier patineur à s'exécuter. À bout de ressources en fin de parcours, Ponsero a dû se contenter du quatrième rang.

«Je suis sans mot, a soufflé Chan, qui ne s'attendait pas à gagner. On dit que les chats ont neuf vies. Eh bien j'en ai utilisé une aujourd'hui... Je suis chanceux d'avoir bien patiné lors du programme court (ndlr: deuxième). Ça m'a servi de filet de sécurité.»

Cela dit, Chan, qui avait surpris le champion du monde Buttle aux derniers championnats nationaux, n'a pas volé son titre. Véritable naturel sur deux lames, il possède tous les atouts, les habiletés, la forme physique, le dynamisme et le charisme. L'ancien vice-champion mondial junior songe maintenant à ajouter un quadruple saut à son arsenal d'ici les Jeux olympiques de Vancouver en 2010.

Pour la petite histoire, le père de Chan, d'origine chinoise, a grandi à Montréal et a fait ses études à McGill. Il a été un excellent joueur et entraîneur de ping-pong. Le père et le fils se parlent toujours en français.

Chan a reçu un chèque de 18000$ pour sa victoire, somme qu'il comptait mettre de côté, peut-être en Bourse. «Ça ne va pas si bien en ce moment, mais money grows», a-t-il affirmé, sourire en coin.

Chan a mérité l'or, mais il ne pouvait être aussi heureux que Shawn Sawyer, surprenant gagnant du programme libre. Le Québécois d'origine acadienne est ainsi passé du septième au cinquième rang.

Cette performance représente une véritable délivrance pour Sawyer, qui éprouvait des problèmes de confiance depuis sa participation aux Jeux olympiques de Turin, où il avait fini 12e. «Je suis extrêmement content. J'ai obtenu 142 points, ce que je ne pensais même pas possible», a dit le patineur de 23 ans, ravi. Prochain étape pour lui: surpasser ses trois troisièmes places aux championnats canadiens. «Je suis tanné du bronze...»