Le Granite Club, dans la banlieue nord de Toronto, est probablement le club de patinage artistique le plus huppé au Canada. Il a produit quatre champions du monde, des dizaines de patineurs de niveau national... et Josée Chouinard.

La patineuse a connu une belle carrière, avec notamment trois titres canadiens, deux victoires en Grand Prix et deux participations aux Jeux olympiques, à Albertville (1992) et Lillehammer (1994), où elle n'a malheureusement pas obtenu les succès espérés. Son talent et son sourire lui ont ensuite permis de poursuivre sa carrière chez les professionnels pendant plusieurs années.

«J'avais fait une tournée d'adieu en 2001, mais c'était à l'époque de l'attentat de New York et plusieurs spectacles étaient "passés dans le beurre", a-t-elle rappelé, récemment, à Toronto. On continuait à m'appeler et je n'ai finalement cessé de patiner qu'en 2004.»

En parallèle, elle avait entrepris des études dans le domaine de la mode et animait une émission sur le style à la télévision torontoise. Très sollicitée, elle avait aussi commencé à donner des cours de patinage au Granite Club.

«Avec le temps qui passait, j'avais envie de fonder une famille et je savais que ce serait difficile de concilier toutes ces activités, a-t-elle expliqué. Quand j'ai eu mes jumeaux - Fionah et Noah - en janvier 2005, j'ai décidé de me concentrer sur le patinage.

«J'avais tout à apprendre dans les communications, alors que j'étais dans le patinage depuis mon enfance, que je m'y étais bâti une belle réputation et que je pouvais appliquer directement tout ce que j'avais appris. Le choix n'a pas été difficile, surtout qu'on m'offrait un bon poste au Granite Club, sûrement le plus beau club au pays où l'on peut travailler.»

Beaucoup de travail

Aussi déterminée dans son travail que lorsqu'elle était athlète de haut niveau, Chouinard a vite gravi les échelons et s'est rapidement retrouvée directrice de tous les programmes de patinage du club. «Je m'occupais de tout, du patinage artistique au «power skating», des classes de débutants aux aspirants olympiques.

«Je me suis réveillée il y a une couple d'années, mère d'une famille monoparentale avec l'impression que je n'accordais pas assez de temps à mes enfants, se rappelle Josée. Je passais plus de temps avec certaines de mes patineuses qu'avec ma fille! J'ai donc décidé de ralentir (un peu...) et de laisser la direction à un autre.

Séparée de Jean-Michel Bombardier - un autre ancien patineur - Josée concilie aujourd'hui du mieux qu'elle le peut sa carrière d'entraîneuse et son rôle de mère. «C'est beaucoup de travail, mais c'est très stimulant. Le sport m'a beaucoup apporté et j'essaie d'offrir à mes enfants les mêmes possibilités que j'ai eues.

«Je ne voudrais pas qu'ils m'arrivent un jour en disant qu'ils auraient aimé jouer à un sport si j'avais eu le temps de les amener... Ma fille fait du patinage artistique trois fois par semaine, mon garçon joue au hockey deux fois et fait du karaté deux fois...

«Des deux, c'est probablement Fionah qui est la plus compétitive - comme je l'étais... -, alors que mon Noah est bon dans tout, mais n'a pas ce désir d'être toujours le meilleur.»

Les jeunes ont changé

Au Granite Club, Josée Chouinard est considérée comme une reine. Son nom est inscrit sur l'une des quatre bannières qui décorent le mur du centre de patinage - les autres sont pour Patrick Chan, Kurt Browning et le duo de Barbara Underhill et Paul Martini - et les membres se retournent tous pour la saluer.

À 42 ans, bien établie à Toronto depuis des années, elle est quand même restée la petite fille de Rosemont qui s'étonne du luxe du club où elle travaille et des cadeaux que reçoivent certaines de ses élèves à la moindre occasion.

«Moi, mon entraîneur pouvait me faire travailler pendant des mois en me promettant cinq dollars si je réussissais un saut, note-t-elle. Je vois parfois des élèves recevoir des bottes dispendieuses ou un week-end à New York simplement parce qu'elles ont eu une bonne séance d'entraînement...»

Josée constate que les jeunes ont bien changé. «Moi, je n'avais aucun appareil électronique, je ne regardais pas la télé. Quand je voulais me distraire, j'allais jouer dehors!

«Aujourd'hui, les jeunes sont tellement "branchés". Avec l'internet, les cellulaires, Facebook, ils sont toujours en contact les uns avec les autres et c'est beaucoup plus rare de voir des élèves qui se concentrent exclusivement sur les études et le patinage, comme je le faisais.»

Recentrée sur sa famille, à l'aise dans son boulot, Chouinard avoue qu'elle s'ennuie un peu de la compétition. «Ça me manque de toujours vouloir être la meilleure, dit-elle. J'avais été approchée pour participer à l'émission Battle of the Champions, mais c'était alors impossible en raison de mon emploi du temps trop chargé. C'est le genre de défi que j'aimerais relever, un jour...»