Ce n'est peut-être pas le plus grand joueur, mais assurément la plus grande vedette de l'histoire des Expos qui vient de s'éteindre.

Le receveur Gary Carter, qui a marqué l'imaginaire de milliers d'amateurs de baseball du Québec dans les années 70 et 80, est décédé jeudi, à l'âge de 57 ans, des suites d'un cancer au cerveau.

Le Kid, comme on le surnommait, avait fait savoir en mai dernier qu'il souffrait de quatre tumeurs malignes inopérables au cerveau. Carter s'était soumis à des traitements de chimiothérapie afin d'en réduire la taille, mais de nouvelles tumeurs étaient apparues récemment.

«Il a été l'un des plus grands, sinon le plus grand joueur dans l'histoire des Expos en fonction du poste qu'il occupait. Car le poste de receveur est le plus important au sein d'une équipe», estime Jacques Doucet, qui a été descripteur des matchs des Expos à la radio de 1971 à 2004.

«Il a toujours eu la réputation d'un joueur qui était au rendez-vous, autant défensivement qu'offensivement, lorsque la situation le commandait.»



Voltigeur en attendant


Carter a été avec Johnny Bench le plus grand receveur de son époque. Il a d'ailleurs participé à 11 matchs des Étoiles durant sa carrière et a été au Temple de la Renommée en 2003, à sa sixième année d'admissibilité.

C'est pourtant comme voltigeur que Carter a fait ses premiers pas dans les ligues majeures, en 1975. Il patrouillait en effet le champ droit lors de sa saison recrue, saison au cours de laquelle il termina deuxième au scrutin de la recrue par excellence.

Il a fallu attendre le départ de Barry Foote - un receveur que les Expos voyaient à tort comme une future étoile - pour que Carter prenne place derrière le marbre.

À l'époque, les Expos misaient sur un trio de jeunes voltigeurs prometteurs en Andre Dawson, Warren Cromartie et Ellis Valentine. De concert avec Carter au poste de receveur, ils annonçaient des jours glorieux pour les Z'Amours.



Le Kid... Kodak


Carter frappait la longue balle, était extrêmement impliqué dans son jeu défensif et a su démontrer, lors de l'unique présence des Expos en séries, qu'il savait briller au moment opportun.

«Il était un féroce compétiteur. Il voulait toujours gagner, peu importe les circonstances», se souvient Tim Raines, qui a été son coéquipier au début des années 80.

C'est cependant par sa personnalité engageante qu'il a gagné le coeur des Québécois. Son sourire de gamin lui a valu le surnom de «Kid» dès son arrivée dans l'organisation des Expos. Généreux de son temps Carter a appris quelques mots de français et est devenu, vers la fin des années 70, le principal ambassadeur de l'équipe.

«De tous les joueurs que j'ai fréquentés pendant que j'étais chez les Expos, le plus populaire et le plus apprécié était sans contredit Carter», affirme Roger D. Landry, qui s'occupait du marketing chez les Expos à l'époque où l'équipe est arrivée au Stade olympique.

Or, toute l'attention dont Carter bénéficiait ne plaisait pas à tout le monde chez les Expos. Ses tensions avec Andre Dawson, un excellent joueur qui n'avait pas le verbe aussi facile, étaient de notoriété publique.

«Sa grande popularité auprès des partisans montréalais, son gros contrat et le plaisir qu'il éprouvait devant les caméras agaçaient parfois quelques-uns de ses coéquipiers, c'est vrai, mais il ralliait la majorité», assure Tim Raines, un ami de Dawson qui était lui-même devenu une vedette de l'équipe lorsque Carter a pris le chemin de New York, en décembre 1984.

«J'étais très proche de lui chez les Expos.»

Carter n'était pas le seul à aimer être le centre d'attraction. Le flamboyant Warren Cromartie était certes de ceux-là. Mais au début des années 80, aucun autre Expos ne pouvait prétendre rivaliser de popularité avec Guy Lafleur.

«Il y a certainement eu un moment où Carter a été aussi populaire que lui, oui, croit M. Landry. C'est parce qu'à l'époque, aussi absurde que cela puisse paraître aujourd'hui, les Expos c'était au moins aussi gros que le Canadien.»



Signé à gros prix, puis échangé


De 1979 à 1981, les Expos se sont retrouvés au coeur de palpitantes courses au championnat et, à chaque année, Carter s'est retrouvé au centre de l'action. Quand il a finalement aidé à propulser les Expos en séries, durant la saison écourtée de 1981, Carter a jugé qu'il était temps de faire valoir son statut de vedette. Il a réclamé un contrat de 2 millions par saison... qu'il a fini par obtenir.

Lorsque Montréal a accueilli le match des Étoiles, en 1982, Carter était l'un des cinq joueurs des Expos représentés, mais son salaire le plaçait dans une catégorie à part.

Mais après des saisons infructueuses en 1983 et 1984, les Expos se sont rendus à l'évidence: ils n'allaient pas gagner avec le noyau qu'ils avaient sous la main, et quelqu'un devait partir.

Ce quelqu'un, ça a été Gary Carter.

Le 10 décembre 1984, après sa meilleure saison en carrière à Montréal, il était échangé aux Mets de New York en retour de Hubie Brooks, Floyd Youmans, Mike Fitzgerald et Herm Winningham.

«Aucune organisation n'aime prendre ce genre de décision, mais les Expos devaient entamer un processus de reconstruction, rappelle Tim Raines. Il fallait comprendre la situation.»

«L'échange de Cary Carter a marqué le début de l'ère où les Expos développaient de bons joueurs et les échangeaient lorsqu'ils devenaient trop dispendieux, note Jacques Doucet. C'est à cette époque que les Expos ont commencé à être la filiale des autres clubs des majeures.»



Un retour mémorable


Même s'il a passé la majorité de ses années productives à Montréal, c'est avec les Mets de New York que Carter a remporté la Série mondiale, en 1986.

Carter aurait d'ailleurs voulu que la casquette des Mets soit associée à lui d'une quelconque façon à Cooperstown. Or, le Temple de la Renommée l'a accueilli en l'identifiant aux Expos.

«En toute justice, quand un club n'existe plus, la décision devient difficile car il n'y a personne pour vous rappeler lors d'activités spéciales», plaide Roger D. Landry.

C'est un Carter vieillissant et diminué par les blessures au genou qui est venu faire un dernier tour de piste avec les Expos durant la saison 1992.

«C'était un peu comme lorsque Rusty Staub était revenu avec les Expos, soutient Jacques Doucet. Bien sûr, Carter n'était plus du calibre qu'il était autrefois. Mais je n'oublierai jamais ce double frappé dans l'allée de droite, au-dessus de la tête d'Andre Dawson. Ça a été son dernier coup sûr.

«Ils l'ont retiré du match à la faveur d'un coureur suppléant et Carter en avait les larmes aux yeux...»

Carter a pris sa retraite au terme de la saison 1992 et a ensuite tenté de prolonger sa carrière en tant que gérant. Il

n'a cependant jamais atteint les majeures dans ces fonctions.

Depuis 2009, il s'occupait du programme de baseball de l'Université Palm Beach Atlantic où sa fille Kimmy dirigeait l'équipe féminine de balle-molle.