(Daegu, Corée du Sud et Hiroshima, Japon) Des meneuses de claque. Un maître de cérémonie qui chante et danse. Une foule complètement conquise, qui suit la parade avec un enthousiasme contagieux. Oui, voilà, vous êtes exactement là où cette description porte votre imagination : en train d’assister à un match de baseball professionnel.
Mais, évidemment, pas n’importe lequel. On vous transporte au Samsung Lions Park de Daegu, en Corée du Sud. Les Samsung Lions, équipe locale dont on vous laisse deviner qui en est propriétaire, affrontent le KT Wiz de Suwon. On est à la fin de juillet, dans la ville reconnue comme étant la plus chaude du pays. Les éventails à main se font aller dans les gradins.
Après la venue sur le terrain de pas moins de quatre mascottes en avant-match (les Coréens adorent les mascottes), la rencontre commence doucement. Les partisans de l’équipe en visite, rassemblés dans une section éloignée du stade, encouragent les leurs du mieux qu’ils le peuvent, soit en musique. Déjà, on est loin de l’ambiance nord-américaine.
Mais c’est quand les Lions se présentent au bâton que l’on comprend l’étendue de la folie des Coréens pour le baseball. À la demi-manche, une scène installée aux abords du terrain se remplit. Quatre meneuses de claque et un MC s’installent devant des partisans locaux maintenant debout. Et tout ce beau monde est gonflé à bloc.
C’est que chaque joueur au bâton a sa chanson, liée à une chorégraphie. On ne parle pas ici d’un simple « go, Kim Ji-Chan, go ! » répété ad nauseam. Il s’agit d’un refrain en bonne et due forme, chanté par l’animateur, bien connu par la foule et le tout accompagné de musique.
Les cheerleaders, absolument infatigables malgré la chaleur et l’humidité, démontrent les mouvements précis. Et ça n’arrête jamais, pendant toute la demi-manche des locaux. Quand le frappeur réussit un coup sûr ou est retiré, on repart le manège pour son successeur. Le spectacle continue, sans temps mort, le son des haut-parleurs dans le tapis, l’énergie du stade semblant émaner d’un puits sans fond.
On rappelle ici que ce texte traite d’un match de baseball, non pas d’un concert de K-pop. Justement, le match, il a l’air de quoi ? Parce qu’il faut le dire, avec toutes ces distractions hors du terrain, il devient difficile de suivre l’action dans le diamant. Les tentations culinaires sont tout aussi nombreuses, d’ailleurs – on est en Corée, n’est-ce pas ?
Et pourtant, il s’en passe, des choses, dans ce match. Il y a même du divertissement à la reprise vidéo : on fait jouer la chanson thème du Sherlock Holmes de Benedict Cumberbatch avec de l’animation à l’écran géant. On examine un cas douteux, après tout.
Malgré un bel effort en fin de joute pour tenter d’effectuer une remontée de quatre points, les Lions se sont inclinés 8-7. Peu importe. L’important, semble-t-il, n’était que de lâcher son fou avec des chants et des mouvements de danse d’une absurdité et d’un sérieux assumés.
Chez le Toyo Carp d’Hiroshima
Certes, vous avez déjà entendu parler d’un match sans point ni coup sûr. Mais avez-vous déjà entendu parler d’un match… sans point ?
Nous avons le malheur de vous annoncer que c’est effectivement une possibilité. Au Japon, lorsqu’il y a égalité après 9 manches, on poursuit jusqu’à la 12e. Si l’égalité persiste, on déclare un match nul. C’est bien beau. Ce l’est un peu moins quand l’égalité est de… 0-0. Au baseball, un 0-0, c’est long longtemps, peu importe dans quel pays vous vous trouvez.
Mais nous sommes à Hiroshima, où le Toyo Carp est roi ! Au Mazda Zoom-Zoom Stadium – oui, oui ! –, il y a une mer de rouge dans les gradins et aux alentours. Le rouge étant la couleur du club et de toutes les babioles vendues dans la boutique officielle, très occupée en avant-match.
De nos sièges en hauteur derrière le marbre, la vue sur les montagnes entourant la ville est magnifique. Avec le train à grande vitesse qui passe en arrière-plan, nous avons devant nous une scène typique du Japon moderne.
Parce que comme les Coréens, les Japonais sont fous du baseball. Pour les deux pays, c’est le sport national. Le Japon a remporté trois fois la Classique mondiale de baseball, dont le tournoi de 2023. D’ailleurs, l’ambiance dont nous avons été témoins à Hiroshima reflète peut-être un peu plus le sérieux avec lequel ils suivent leur sport.
Il y a bel et bien une section complète, au fond du champ droit, destinée aux partisans les plus passionnés, qui s’activent du début à la fin du match comme le font les groupes de supporteurs derrière les buts au stade Saputo. Entre chaque lancer, il y a un crescendo dans les chants. Puis on baisse le ton juste avant le lancer, poliment. On est au Japon, après tout.
Le moment le plus excitant de la rencontre est venu à la septième manche : le temps était venu de gonfler les ballons – rouges, évidemment – et de les laisser se vider dans les airs. Tradition qui se répète dans la plupart des stades de la ligue japonaise. Sympathique moment que de voir tous ces ballons virevolter dans le stade pendant quelques secondes !
Sinon, l’absence de divertissement constant laisse plus de place pour apprécier le match, oui, c’est vrai. Encore faut-il qu’il y ait quelque chose à apprécier. On envie un peu le cher monsieur, à notre gauche, qui est parvenu à commencer sa nuit après quelques lancers.
Des lancers qui ont pris la forme de fausses balles à garder en souvenirs. Les seuls qui resteront de cette rencontre.