(Pékin) Chaque matin vers 6 h 30, je vais voir Gorge Profonde au rez-de-chaussée de l’hôtel. C’est le nom que je lui ai donné. Pas pour protéger son anonymat, déjà garanti par un habit de protection intégral. Mais parce qu’elle va vraiment au fond des choses, question prélèvement.

Les premiers jours, j’avais le pharynx un peu crispé.

« Faites aaaah », m’a-t-elle dit.

En fait, elle a juste dit « aaaah ». J’essaie de socialiser un peu, mais c’est malaisé, elle avec son habit, moi avec mon masque.

Certains matins, elle a le prélèvement feutré, d’autres matins, sa tige est punitive. Mais peut-être que ce n’est pas toujours Gorge Profonde. Impossible de savoir, sous leur habit.

Par la fenêtre ouverte sur une ruelle, elle passe les échantillons dûment numérisés à une collègue.

Un collègue photographe, que j’appellerai Glotte Sensible, a demandé après quatre jours qu’on lui fasse ça dans le nez. Chacun ses goûts. En fait, ça passe par le nez, mais à la longueur de la tige, je me demande s’ils ne se rendent pas dans l’estomac.

Les chambres et corridors sont nettoyés, ou plutôt désinfectés, par du personnel également en habit de protection intégral qui pulvérise des gouttelettes mystérieuses anti-COVID.

Tout ça pour dire que la bulle olympique « zéro COVID » est très strictement contrôlée.

À Tokyo, une fois le test de l’aéroport négatif obtenu, on s’en remettait à la bonne foi des participants, qui fournissaient eux-mêmes des échantillons de salive versés dans une éprouvette par leurs propres soins.

À Pékin, rien, mais absolument rien n’est laissé à la bonne volonté des participants, et si l’on « oublie » de passer le test avant l’heure fatidique, bonne chance pour la suite.

Après une semaine à Pékin, et deux jours de compétitions, on est témoins : ça fonctionne… jusqu’ici.

Depuis le 23 janvier, 358 cas positifs ont été recensés. La plupart, dès l’arrivée à l’aéroport. Sur plus de 10 000 visiteurs étrangers, avec un virus de plus en plus contagieux, ce n’est pas beaucoup.

Les cas positifs sont placés en isolement. C’est le cas de plusieurs athlètes, et pas des moindres : la triple médaillée américaine en bobsleigh Elena Mayers Taylor, le champion du monde de patinage de vitesse sur courte piste Shaoang Liu, des athlètes polonais, russes, allemands…

Mais sur 2900 athlètes présents, ça ne représente pas beaucoup de gens, et presque tous pourront sortir d’isolement à temps pour leur compétition.

Ça ne veut pas dire que les conditions d’isolement sont à la hauteur : les athlètes se plaignent de ne recevoir que des pâtes insipides, de la viande, pas de légumes, d’être dans des chambres trop petites et insalubres, parfois sans internet ou alors vacillant.

Reste que fort peu sont absents des compétitions. Aucun athlète (sur 215) ou membre du personnel de l’équipe canadienne n’est actuellement isolé. Le seul tenu à l’écart, mais au Canada, le patineur artistique Keegan Messing, a obtenu un test négatif et se trouve dans l’avion vers Pékin au moment où j’écris ceci.

Aux dernières nouvelles, aucune éclosion n’a eu lieu à l’intérieur de la bulle, où le port du masque N95 est obligatoire en tout temps – dans la rue comme sur les sites de compétition, intérieurs ou extérieurs.

Le plan chinois COVID zéro, s’il a donné lieu à des ratés, et s’il est lourd, voire pénible pour les séquestrés, a somme toute causé peu de dommages athlétiques collatéraux. Plusieurs le croyaient illusoire en temps d’Omicron, mais ça tient encore.

Gorge Profonde veille.