On ne savait pas quand, on ne savait pas comment, mais Peng Shuai allait faire une apparition publique pendant les Jeux olympiques, histoire de la montrer aux médias internationaux et de confirmer que « tout va bien ».

Peut-être un gros plan à la cérémonie d’ouverture ? Une séance photo à la patinoire ?

C’est finalement à la une du quotidien L’Équipe que la star chinoise du tennis s’est présentée. Selon ce qu’a dit le Comité olympique chinois, seul le journal français avait fait une demande d’entrevue.

Aux journalistes Sophie Dorgan et Marc Ventouillac, qui avaient leur propre interprète dans cette chambre d’hôtel de la bulle olympique, elle a dit ce qu’elle répète depuis que « l’affaire » a éclaté. Tout ça est un malheureux malentendu.

Renie-t-elle ses propos, qui ont fait trembler le monde olympique, trois mois avant les Jeux de Pékin ? C’est plus subtil.

Agression sexuelle ? Elle n’a « jamais dit ça ». De fait, dans ce long texte plein d’émotion et de nuances, ces mots-là (selon la traduction qu’on en a eue) n’ont pas été littéralement écrits.

Il était tout de même question d’une relation sexuelle que l’ex-vice-premier ministre Zhang Gaoli l’a « forcée » à avoir, cependant. Dans sa propre maison, pendant qu’un homme montait la garde à l’extérieur, et que sa femme, apparemment au courant, y était. Un homme avec qui elle avait déjà eu une relation, et pour qui elle éprouvait des sentiments. Elle se traite de « mauvaise fille » autant qu’elle l’accuse.

Pourquoi a-t-elle effacé le « post » ? « Parce que j’en avais envie », dit-elle.

Pourquoi a-t-elle disparu pendant deux semaines, par la suite ? Elle n’a pas disparu : simplement, elle ne pouvait plus répondre à toutes les sollicitations ; ses amis proches savaient bien où elle était.

Bref, tout ça est un « malentendu »…

Peng Shuai dit être libre de ses mouvements et elle a rencontré le président du Comité international olympique, Thomas Bach, comme prévu. Elle a d’ailleurs été vue en sa compagnie mardi (heure de Pékin) à la compétition de grand saut à ski à la tribune des dignitaires.

Quand « la pandémie sera terminée », elle se rendra en Europe. Pour l’heure, l’ancienne numéro 1 mondiale en double annonce sa retraite du tennis. À 36 ans, elle est usée par les blessures.

PHOTO JAE C. HONG, ASSOCIATED PRESS

Thomas Bach et Peng Shuai assistant à l’épreuve du grand saut à ski féminin

Ces collègues français chevronnés ont beau avoir usé de toutes les techniques pour la faire sortir du script, elle n’a pas dévié. Elle ne veut plus qu’on l’embête avec cette histoire.

Voilà qui fera l’affaire du CIO et, bien sûr, des autorités chinoises.

Comme dit Thomas Bach, on ne peut pas déclencher une enquête, ou demander qu’on entreprenne une enquête, contre la volonté de Peng Shuai, n’est-ce pas ? Bien entendu.

Léger détail : nous sommes en Chine. Ce n’est pas comme si on pouvait s’en prendre au pouvoir impunément. Comme si elle allait se présenter au poste de police pour dénoncer un ancien haut dirigeant du Parti communiste…

À moins d’aller parler hors de la Chine, ce qui reviendrait à choisir l’exil, sa liberté de parole est inexistante.

On la comprend de vouloir avoir la paix : chaque question la met à risque, physiquement. L’abus de pouvoir n’a jamais pris fin. Le #metoo a duré une demi-heure. Les tourments continueront éternellement.

L’affaire est donc classée, étouffée, enterrée.

Mieux qu’effacée : réécrite.