Je suis envieux.

De quoi ? De la formidable idée de mon collègue André Duchesne : raconter dans un livre l’histoire de tous les entraîneurs-chefs du Canadien, de Jack Laviolette à Martin St-Louis. Mais pas la grande Histoire, avec une majuscule. Plutôt la petite histoire de chacun. Leur enfance. Leurs 100 métiers. Leurs passions. Leurs combats. Leur mort.

Des récits fascinants.

Saviez-vous qu’un entraîneur-chef du Canadien fut illustrateur pour des journaux montréalais ? Qu’un autre a témoigné devant la Cour suprême du Canada pour obtenir la garde d’un enfant ? Que Claude Ruel avait tenté sa chance comme baseballeur au camp des Indians de Cleveland ? Qu’Adolphe Lecours était davantage reconnu comme un manufacturier de chaussures que comme dirigeant du Tricolore ?

C’est ce type d’anecdotes qu’on retrouve, page après page, dans Derrière le coach, en librairie à partir de ce jeudi. Du bonbon, tant pour les amateurs de hockey que d’histoire populaire.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

André Duchesne

« J’avais déjà intercepté quelques anecdotes il y a 12 ans, lors de la recherche pour mon premier livre sur le Canadien*, explique André. Je me souvenais de Napoléon Dorval, qui dessinait dans les journaux, ou de Piton Ruel, qui prenait son bain dans une baignoire ancestrale. Avec ce nouveau livre, je voulais montrer les coachs sous un angle différent. »

Michel Therrien raconte ainsi comment il a mis en contact un coéquipier et un voisin qui trippaient tous les deux sur la musique. Le premier s’appelait Stéphane Lessard. Le deuxième, Roch Voisine. Ensemble, le duo a composé une chanson qui portait le prénom de l’amoureuse de Lessard.

Le titre ?

Hélène.

Jean Perron, lui, fait une révélation étonnante. Pendant l’adolescence, il a songé à devenir… prêtre. « Ma mère était ultracatholique, et nous allions à la messe tous les dimanches », confie-t-il à l’auteur.

Quand tu vas dans un séminaire de Capucins, si tu n’as pas envie d’être un prêtre, ils ne t’acceptent pas. J’y suis allé, et j’ai découvert que le sport était bien plus intéressant que la prêtrise !

Jean Perron

D’autres destins sont toutefois plus dramatiques.

Le livre commence d’ailleurs avec un fait divers macabre : l’assassinat du frère de Jack Laviolette, Henri. Grâce à une recherche minutieuse, André Duchesne reconstitue la scène du meurtre dans le bar de l’hôtel Windsor, à Salaberry-de-Valleyfield, puis les heures suivantes, au cours desquelles l’entraîneur-chef du Canadien accompagne son frère jusqu’à l’Hôpital général de Montréal. L’assassin sera trouvé et pendu, quelques mois plus tard, devant une centaine de témoins.

Un chapitre entier est consacré à Babe Siebert, même s’il n’a jamais dirigé un seul match du Canadien. Pourquoi ? Parce que Siebert, nommé entraîneur-chef pendant l’été 1939, est mort avant le début de la saison. Il s’est noyé dans le lac Huron, probablement victime d’un malaise cardiaque, alors qu’il se reposait dans un pneu gonflable.

Est-il question de hockey, également ? Bien sûr. C’est un livre sur le Canadien, après tout. Maintenant, ne vous attendez pas à des récits de chaque conquête de la Coupe Stanley. L’auteur a préféré se concentrer sur quelques évènements marquants, souvent révélateurs d’une époque révolue.

Un des meilleurs passages du livre, c’est le récit d’une bagarre épique dans les années 1930 entre Sylvio Mantha, joueur-entraîneur du Canadien, et le propriétaire des Maple Leafs de Toronto, Connie Smythe, près du banc des pénalités.

Mantha était tellement en furie qu’il a menacé de trancher les pieds de Smythe avec ses patins. L’entraîneur-chef des Leafs, Dick Irvin, s’en est mêlé et a assené un violent coup à Mantha. Le président de la Ligue nationale, Frank Calder, a dû sauter sur la glace pour mettre fin aux hostilités. Comme quoi, non, tout n’était pas mieux dans l’ancien temps.

Mon chapitre préféré ?

Celui sur Dick Irvin, justement. Cet entraîneur légendaire, gagnant de trois Coupes avec le Canadien, était un passionné de colombophilie. C’est quoi, ça ? L’art de dresser des pigeons pour des courses. « Il lui arrive de profiter des déplacements en train de son équipe dans les autres villes de la LNH pour revenir à Montréal avec des cages de précieux oiseaux », raconte André Duchesne. Une nuit, un joueur recrue, Fernand Majeau, avait eu la très mauvaise idée d’aller observer les pigeons de près… et d’ouvrir les portes des cages. La suite ? Hé, ho, je ne vous dévoilerai pas tous les punchs, quand même.

Et l’histoire préférée d’André ?

Celle de Léo Dandurand, entraîneur et propriétaire du club, dans les années 1920 et 1930.

« C’est un autodidacte qui a réussi à une échelle très impressionnante. Il était très important. Il avait beaucoup de pouvoir. Il a acheté le Canadien. Il a acheté l’hippodrome Blue Bonnets. Il possédait des pistes de course un peu partout dans le nord-est de l’Amérique du Nord. Quand je suis tombé sur l’histoire des Alouettes [dont il est cofondateur], je me suis dit : ben voyons donc. Je voudrais tellement en savoir plus sur lui. Quelqu’un doit écrire une nouvelle biographie sur lui. »

D’ici là, je vous suggère vivement le livre d’André Duchesne. Une jolie lecture du champ gauche qui nous rappelle, comme l’a déjà dit Stéphane Richer, qu’il n’y a pas que le hockey dans la vie…

* Le Canadien, un siècle de hockey à La Presse

Derrière le coach

Derrière le coach

Éditions La Presse

352 pages