Comme amateurs de tennis, nous avons été gâtés ces dernières années.

Victoires de Bianca Andreescu à New York et Toronto. Finales d’Eugenie Bouchard et Milos Raonic à Wimbledon. Finale de Leylah Annie Fernandez à Flushing Meadows. Demi-finales de Denis Shapovalov à Montréal et de Félix Auger-Aliassime aux Internationaux des États-Unis.

Est-ce que j’en oublie ?

Ah oui. Les Canadiens ont aussi remporté la Coupe Davis et la Coupe ATP en 2022. Un palmarès exceptionnel. Surtout sur une si courte période, après un demi-siècle de vaches maigres en simple.

Nous sommes tellement choyés, en fait, que je me demande parfois si nous ne devenons pas un peu indifférents face aux victoires canadiennes.

Pas celles face aux favoris dans les tournois du Grand Chelem, bien sûr. Une Canadienne qui se faufile jusqu’en finale à New York, ou Félix Auger-Aliassime qui bat Carlos Alcaraz, ça fera toujours son effet. Mais qu’en est-il des autres compétitions ? Des matchs avant les quarts de finale ? Nous avons déjà été plus enthousiastes, non ?

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Leylah Annie Fernandez au service durant son match de deuxième tour, mercredi, contre Beatriz Haddad Maia

J’ai assisté cette semaine aux trois parties de Leylah Annie Fernandez sur le court central du parc Jarry, à Montréal. Les trois fois, la foule s’est rangée d’un bloc derrière elle. « Olé, olé, olé », a-t-on entendu, mercredi, après sa remarquable victoire contre Beatriz Haddad Maia, 11e tête de série. « C’était mon match préféré, a commenté la Québécoise. Gagner à la maison, devant un stade rempli, ça me motive. »

Tant mieux si c’est ce qu’elle a ressenti sur le terrain. Parce qu’en toute objectivité, du haut de la galerie de presse, non, le stade n’était pas plein. Ni mardi. Ni mercredi. Ni jeudi. Les billets étaient peut-être tous vendus, mais les sièges, eux, n’étaient pas tous occupés.

La météo n’a pas aidé, c’est vrai. Il a plu deux des trois jours. Sauf que Montréal n’a pas été soufflé par un derecho non plus. Une fois l’orage passé, jeudi soir, la nuit était belle. Le stade, magnifique, comme toujours. Or, malgré l’enjeu – une joueuse locale au troisième tour –, des milliers de détenteurs de billets ont préféré rester à la maison. Des sections étaient à moitié vides. Dommage.

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La pluie s’est invitée à quelques reprises, cette semaine, dans le tableau principal de l’Omnium Banque Nationale, au stade IGA.

J’ai souvenir de foules montréalaises épiques. En 2003, après deux éditions consécutives sans gain des Canadiens en simple à Montréal, Simon Larose s’était faufilé jusqu’au troisième tour. Le parc Jarry était sens dessus dessous. Même chose en 2017, lorsque Denis Shapovalov a atteint la demi-finale. Ou en 2019, lors du passage de Félix Auger-Aliassime. La foule était déchaînée.

L’énergie aux matchs de Leylah Annie Fernandez, cette semaine, était différente.

Pourquoi ?

D’autres parties, notamment celle opposant Aryna Sabalenka à Petra Martić, mercredi soir, ont attiré plus de spectateurs. Donc peut-être que les sièges vides lors des duels de Fernandez étaient vraiment le résultat d’une météo incertaine. Je le souhaite. C’est un scénario que je préfère à celui d’une désensibilisation face à la victoire.

Leylah Annie Fernandez, elle, a offert un spectacle de qualité. J’ai aimé ce que j’ai vu, surtout lors de ses deux victoires. Elle a connu de bons moments au service (huit as). Elle s’est portée à l’attaque. Lorsqu’elle restait en fond de terrain, elle visait souvent les lignes, et les atteignait. Mentalement, elle est parvenue à garder sa concentration, même dans les moments les plus frustrants, jeudi, face à Danielle Collins.

Rendons ce qui lui revient à l’Américaine, aussi tombeuse d’Eugenie Bouchard à Montréal : elle a beaucoup mieux joué qu’une 48e joueuse au classement général. Contre Leylah Annie Fernandez, Collins nous a plutôt rappelé pourquoi elle était classée 7e au monde l’été dernier.

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Leylah Annie Fernandez au terme de sa défaite, jeudi soir, contre l’Américaine Danielle Collins

Fernandez peut quitter Montréal la tête haute. Malgré ce qu’on peut penser, ce n’est pas plus facile de jouer à domicile, devant parents et amis.

Les distractions sont plus grandes. La pression, aussi. Souvenez-vous d’Eugenie Bouchard qui, quelques jours après avoir disputé la finale à Wimbledon en 2014, s’était inclinée à son premier match ici face à une qualifiée. La Québécoise avait perdu deux des trois manches par un pointage de 0-6.

Fernandez, qui connaît une année difficile, a très bien réagi à la pression. Si elle peut conserver cet enthousiasme, cette qualité de jeu et ce niveau de confiance, c’est franchement encourageant pour les derniers tournois de sa saison.