Rendons aujourd’hui hommage aux dadaïstes. Aux fantaisistes. Aux impertinents. Aux héros de ligues de garage qui, un soir, après une, deux ou cinq bières, ont débaptisé leur équipe de balle-molle pour honorer la dernière blague entendue. Merci de nous rappeler qu’un nom de club peut être inspiré d’autre chose qu’un mammifère griffé ou un oiseau de proie.

D’un légume, par exemple.

Ou d’un nom d’acteur.

Quels sont les meilleurs noms d’équipe au Québec ? L’enveloppe, s’il vous plaît !

La première fois que j’ai entendu parler des Pogos rancuniers, c’était au camp des Expos, en 2000. Je marchais dans le stade avec mon collègue Richard Milo, de La Presse Canadienne, lorsqu’un homme s’est mis à hurler : « Monsieur Milo, monsieur Milo. LES POGOS RANCUNIERS ! ! ! ! ! ! » Spectateurs, joueurs, entraîneurs, tous se sont retournés vers les sièges du champ gauche pour savoir qui criait comme une adolescente dans un spectacle de Shawn Mendes.

« Euh. Explications, Richard ?

— Les Pogos rancuniers, c’est un club de ballon-balai que je connais… »

Lorsque j’ai raconté la scène à l’ancien capitaine des Pogos, René Lebuis, il n’était pas surpris. « Disons que l’équipe est un genre de secte. Impossible d’en sortir. » Et d’où vient le nom de ce club intronisé au Temple de la renommée de la Fédération canadienne de ballon sur glace ?

« En 1992, deux des fondateurs du club cherchaient un nom. Alors qu’ils écoutaient la chanson Nuit apache, du groupe Bérurier Noir, les paroles suivantes vinrent à leurs oreilles :

Danse, danse, danse avec nous/Danse, danse, la danse des Sioux/Danse le Pogo de la revanche. »

Les Pogos ne sont donc pas un hommage à la célèbre saucisse entourée de pâte cuite, mais plutôt un clin d’œil à une danse des années 1970 s’apparentant au trash des années 1990. Nous nous coucherons tous moins niaiseux ce soir. Et salutations aux anciens rivaux des Pogos, les Saucissons perturbateurs.

La Ligue de balle-molle Voyageurs, à Montréal, est une institution. Fondée en 1965, elle regroupe une centaine d’équipes, de tous les niveaux. Plus on s’enfonce dans les divisions inférieures, meilleurs sont les noms d’équipe.

Quelques perles ?

Les Roteux 0,89 $, les Pleins de marbre et les Bichons d’Alsace State State.

« Les Bichons, ça vient d’un voyage entre chums, explique le gérant Francis Hogue. Un des gars disait n’importe quoi. Quelqu’un l’a traité de bichon. Lorsqu’un autre gars embarquait dans ses niaiseries, lui aussi devenait un bichon. À la fin, tout le monde était devenu un bichon. »

D’accord. Mais Alsace State State ?

« La même gang, on organise un tournoi de golf une fois par année. La saison de la fondation de l’équipe, un des gars a apporté un magnum d’un bon vin alsacien, qu’on a bu pendant la ronde. »

Et State ?

« Plusieurs joueurs du club suivent le sport universitaire aux États-Unis. Dans les pires équipes, il y a plusieurs universités d’État dont le nom se termine par State. On a donc adopté State. On a collé les trois mots ensemble. Ça donne les Bichons d’Alsace State State. »

Parmi leurs adversaires, on retrouve les Claude Mailloche. Un mot-valise inspiré du commentateur sportif Claude Mailhot et de l’excroissance au bout d’un bâton de baseball, appelée la mailloche. « Avant chaque saison, se souvient Benjamin Olivier, nous avions une rencontre entre les capitaines et le propriétaire de la ligue. Lorsque nous sommes arrivés dans la ligue, le propriétaire a dit : “Cette année, il y a une nouvelle équipe qui s’appelle les Claude Mailloche. Sérieux, pourriez-vous avoir des noms plus normaux, comme les Red Sox ou les Blue Jays ?” Une chance qu’on n’a pas présenté notre deuxième choix. »

Qui était ?

« Un jeu de mots avec le nom d’un acteur porno… »

Une bonne source d’inspiration : la culture populaire.

Dans la ligue Econohockey de Laval, cet été, il y avait les Piwis et des hommes, référence, bien sûr, à l’ancienne émission culinaire Des kiwis et des hommes. Or, ce n’est pas la seule équipe lavalloise qui s’est inspirée de l’émission animée par Francis Reddy et Boucar Diouf.

En 2010, Christian Fecteau et ses amis se sont inscrits au tournoi de hockey d’Asbestos. « Nous désirions un nom original, qui sortirait de l’ordinaire. » À la même époque, un invité des Kiwis avait cuisiné une palourde royale à la forme très suggestive. L’extrait était devenu viral sur le web. « Les Palourdes royales sont nées. »

Après quelques années, les gars se sont tannés. Ils sont devenus Les Gilles – le prénom de leur gardien. La blague a duré un an. « On aimait bien les Gilles. Mais on aime aussi se renouveler en s’inspirant du passé. Lorsque nous jouons mal devant notre gardien, le vrai Gilles avait tendance à nous dire que nous jouions comme des graines. » Eurêka. C’est ainsi que les Gilles sont devenus les Graines Royales de Gilles.

Une autre vedette québécoise a inspiré des hockeyeurs d’ici. Claude Legault.

« Un samedi en février 2007, nous sommes sortis entre coéquipiers, se souvient Damien Pichereau. Nous avons terminé la soirée au Roi du Smoked Meat, à 3 h 15 du matin. On chantait bon anniversaire à un des copains. Claude Legault, qui était assis à la table derrière nous, s’est levé et a chanté. Comme j’étais le seul à trouver drôle notre ancien nom (les Puissants Pawners de Hochelaga), on a changé pour Les Claude Legault. »

Seize ans plus tard, l’équipe joue toujours.

Sans surprise, les ligues sportives intramurales dans nos cégeps et universités sont des terreaux très fertiles pour les surnoms déjantés.

« À l’université, raconte Dominic Chambers, j’ai affronté une équipe qui s’appelait Ta mère. Leur but, c’était qu’on dise des trucs du genre “On a perdu contre Ta mère”, ou “Ta mère est trop forte”. » Un ancien joueur de l’équipe, Stéphane Houle, renchérit, photo à l’appui. « On avait même le nom de notre mère dans le dos ! »

À l’Université de Montréal, les hockeyeurs du vendredi soir évoluent dans la Ligue le meilleur Dupire. « En l’honneur du fondateur Pierre Dupire, frère du comédien Serge Dupire, explique Martin Couillard. Les joueurs ont été soigneusement sélectionnés au fil des ans par Pierre pour leur bonne attitude. Il y a donc un mélange assez équilibré au niveau du talent, allant du meilleur jusqu’au pire. »

Quelques jolies trouvailles en rafale :

· Le tournoi de hockey de Coaticook a accueilli l’hiver dernier les Flyers de Philosophie. J’adore.

· La Ligue de soccer 2L, à Gatineau, compte dans ses rangs le Bayern Monique, les Unbelieve A Ball et le FC Ti-Coune.

· Simon Gauthier joue au dek hockey pour L’Ordi. « Dans les années 1990, si vous jouiez seul au jeu vidéo, votre adversaire s’appelait CPU. Mais tout le monde parlait d’affronter l’ordi. J’adore penser aujourd’hui que nos adversaires se disent qu’ils affrontent l’ordi. »

· À Montréal, plusieurs stars du petit écran ont joué au hockey dans la Ligue des poches. Le logo ? Une paire de couilles avec gants, bâton, patins et casque de hockey. Et quelques cheveux flottants. Chic.

· À Daveluyville, des hockeyeurs du dimanche jouent pour le HC Böns Rîëns – accent circonflexe et trémas compris.

· Le chef du Parti québécois, Paul St-Pierre Plamondon, est un mordu de balle. C’est aussi un sportif pince-sans-rire qui a jadis porté les couleurs des Pouliches Pirates et, plus récemment, des Castros. Les Castros ? À la fois un clin d’œil aux Astros de Houston, dont leur uniforme est inspiré, ainsi qu’à la révolution cubaine. Leur slogan : « L’équipe la plus révolutionnaire de la Ligue Voyageurs. »

Une petite dernière avant de se quitter. Grâce à vos nombreux tuyaux, j’aurais pu consacrer une chronique entière aux noms grivois. Peut-être même deux. Je me limiterai à un seul. Un incontournable. L’équipe féminine de balle-molle des Boules à mites, dans la Ligue en jupon de Montréal.

Plus culotté que ça, tu abandonnes ton nom pour le Club de foot.

Rectificatif
Dans une première version, il manquait un deuxième « State » aux Bichons d’Alsace State State.