José Berríos connaissait un départ du tonnerre. Un de ses meilleurs de la saison. Les puissants cogneurs des Twins du Minnesota, premiers de la Ligue américaine pour les circuits, peinaient à faire contact.

Après 47 lancers, le partant des Blue Jays de Toronto avait déjà réussi cinq retraits sur des prises et limité ses adversaires à trois maigres simples. Il était dans sa zone. Exactement là où l’équipe le visualisait, lorsqu’elle lui a offert un contrat de 131 millions. Au monticule, en plein contrôle, dans le match le plus important de la saison.

Au début de la quatrième manche, Berríos s’est retrouvé face au meilleur frappeur des Twins, Royce Lewis, auteur de deux circuits mardi. Gros duel. Au bout de huit lancers, Lewis a soutiré un but sur balles. C’est à ce moment que le gérant des Jays, John Schneider, est sorti de l’abri.

Non. Non, non, non, non, non. Impossible. Il n’osera pas. Il ne remplacera pas Berríos si tôt dans la rencontre ? Eh bien, oui. Les algorithmes n’ont pas de sentiments. Les stats avancées démontraient que Yusei Kikuchi, un releveur gaucher, avait de meilleures chances de retirer le prochain frappeur, un gaucher. Par une marge assez significative, en plus. Près de 5 %.

Les gauchers contre les Jays

  • Contre José Berríos : ,261/,323/,774
  • Contre Yusei Kikuchi : ,214/,270/,659

Note : moyenne au bâton/moyenne de présences sur les buts/moyenne de puissance + présence

Je suis un grand partisan des statistiques avancées. J’ai été membre d’une association de nerds de stats de balle (oui, ça existe). Il m’arrive même d’écrire quelques paragraphes de mes chroniques dans Excel. Mais je suis capable de reconnaître qu’il y a des situations où l’intelligence émotionnelle doit primer l’intelligence artificielle. Berríos brillait.

Son niveau de confiance était semblable à celle de Rickey Henderson, dans sa période où le voltigeur des A’s d’Oakland parlait de lui à la troisième personne. Être le gérant des Jays, mercredi soir, j’aurais pris le plan préparé avant la rencontre, je l’aurais découpé en petits cubes, je l’aurais avalé et me serais fié à mon instinct.

Autrement, à quoi sert un entraîneur-chef ?

John Schneider a préféré se fier aux algorithmes. Dans les circonstances, ça prenait des couilles d’hippopotame. « J’ai tellement à dire, et pourtant, je n’ai pas de mots », a réagi l’ancien releveur John Axford sur le réseau X. « J’ai détesté cela », a commenté Whit Merrifield après la rencontre.

Cette décision rappelait celle de Kevin Cash, gérant des Rays de Tampa Bay, lorsqu’il avait retiré son as Blake Snell du sixième match de la Série mondiale de 2020, alors que ce dernier connaissait le match de sa vie. Les Dodgers de Los Angeles avaient immédiatement enchaîné avec deux points, en route vers le championnat.

Yusei Kikuchi s’est donc amené en relève. C’était 0-0, avec Lewis au premier but. Puis le ciel s’est effondré sur la tête des Torontois.

L’Allemand Kepler : simple.

Le substitut Solano : but sur balles.

Le blessé Correa : simple.

Kepler est venu marquer sur un double jeu.

Twins 2, Jays 0.

Ce furent les seuls points de la rencontre.

« Honnêtement, je ne sais pas pourquoi [j’ai été retiré] », a répondu Berríos aux journalistes présents. « Je ne contrôle pas cela. J’ai fait de mon mieux contre les 12 premiers frappeurs. »

Bon, évidemment, Yusei Kikuchi n’est pas le seul coupable. Les Blue Jays ont quand même eu cinq tours au bâton par la suite. Ils ont obtenu de superbes occasions. Mais les dieux du baseball les ont sévèrement punis.

La manche suivante, les Jays se sont retrouvés avec deux coureurs en position de marquer et leur meilleur frappeur, Bo Bichette, au bâton. Campé au deuxième coussin, Vladimir Guerrero fils a pris ses aises. Il était tellement à son aise qu’il n’a jamais vu l’arrêt-court Carlos Correa se faufiler dans son dos comme un voleur à la tire. Le lanceur Sonny Gray s’est viré de bord aussi vite que Lucky Luke, il a refilé la balle à Correa, et Guerrero s’est fait prendre à contrepied. Une exécution parfaite. Pour les Twins, bien sûr, pas pour Guerrero.

En sixième manche, les Torontois sont revenus à la charge. Ils ont rempli les buts, sauf que le cogneur Matt Chapman s’est fait coincer dans un double jeu. Autre occasion ratée.

Cette courte série deux de trois fut à l’image de la saison des Jays. Les lanceurs (sauf Kikuchi) ont assuré. Mais l’attaque a déçu, avec un seul petit point en deux matchs. La saison des Jays est terminée. Celle des Twins et d’Édouard Julien se poursuivra samedi contre les champions en titre, les Astros de Houston. Une très, très grosse bouchée.

Les Twins sont largement négligés selon… les algorithmes.

Édouard Julien : 1 en 4

PHOTO ABBIE PARR, ASSOCIATED PRESS

Édouard Julien

Le Québécois Édouard Julien est l’un des trois frappeurs des Twins à avoir réussi un simple face à José Berríos. C’était un beau coup, frappé au champ opposé, le long de la ligne du troisième but. Lors d’une autre présence, il a atteint le premier but à la suite d’un mauvais relais de Bo Bichette. Il a été retiré de la rencontre au profit de Kyle Farmer, un coureur suppléant.