C’était inévitable. Et pourtant, il s’en trouvera pour remettre en question le 67e Ballon d’or masculin, attribué lundi soir à Paris à Lionel Messi. C’était son huitième, un record. Trois de plus que le nombre de Ballons d’or féminins décernés depuis 2018 par le magazine France Football, qui a récompensé la championne du monde espagnole du FC Barcelone, Aitana Bonmatí.

« C’est un cadeau à toute l’équipe d’Argentine pour ce que nous avons accompli », a déclaré, lucide, le capitaine de l’Albiceleste, championne du monde 2022. Lionel Messi venait de recevoir le prix individuel le plus prestigieux du soccer mondial des mains de David Beckham, copropriétaire de l’Inter Miami, club où il joue désormais. Qui eût cru, il y a quelques années, qu’un joueur de la MLS gagnerait un jour le Ballon d’or ?

C’est une autre légende du soccer, de la MLS et de l’Impact de Montréal, Didier Drogba, qui coanimait au théâtre du Châtelet de Paris cette pompeuse cérémonie protocolaire ponctuée de malaises, dont les Français semblent connaître le secret.

La « Pulga » (la puce) a dédié son prix à son idole et compatriote, le regretté Diego Maradona, dont c’était lundi l’anniversaire de naissance (et qui n’a jamais remporté de Ballon d’or, le prix étant à son époque réservé au meilleur joueur européen).

À 36 ans, Lionel Messi vient sans doute de connaître son dernier sacre comme meilleur joueur de soccer de la planète. On croyait déjà qu’il avait passé le témoin, à sa première saison avec le Paris Saint-Germain, en 2021-2022, alors qu’il avait mal digéré son exil involontaire du FC Barcelone.

Il a retrouvé de sa superbe l’automne dernier, juste à temps pour la Coupe du monde au Qatar. Sans tout à fait convaincre à son retour à Paris en janvier, il a tout de même marqué 38 buts, toutes compétitions confondues, entre les mois d’août 2022 et de juillet 2023, la période d’admissibilité au scrutin du Ballon d’or, qui est déterminé par un système de points attribués par 100 journalistes.

En somme, ce huitième Ballon d’or récompense une Coupe du monde sensationnelle… qui n’a duré qu’un mois sur une saison qui en compte dix. Mais quel mois ! Le numéro 10 de l’Argentine a marqué sept buts au Qatar, dont deux en finale, avant d’être nommé joueur du tournoi. C’est le seul grand titre à sa portée qui manquait à son palmarès, après la défaite en finale de l’Argentine face à l’Allemagne au Mondial de 2014.

Le Ballon d’or récompense en principe le meilleur joueur de l’année. Il témoigne aussi de l’importance, peut-être démesurée, que l’on accorde aux trophées. Et en particulier au saint Graal de la Coupe du monde. Parlez-en à l’Italien Fabio Cannavaro, lauréat du Ballon d’or 2006. Ou à l’Argentin Emiliano Martínez, qui a remporté lundi le trophée Lev Yachine du meilleur gardien de but de l’année, même si Yassine Bounou, Marocain né à Montréal, était mieux classé que lui au palmarès général du Ballon d’or…

Après ses sacres de 2009, 2011, 2012, 2013, 2016, 2019 et 2021 – année où il a enfin remporté avec l’Argentine la Copa America –, Lionel Messi succède au Français Karim Benzema alors que le joueur le plus dominant de l’ensemble de la dernière saison est sans contredit le Norvégien de Manchester City, Erling Haaland.

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Le Norvégien Erling Haaland

Comme avant lui le Polonais Robert Lewandowski, qui aurait dû se voir attribuer le Ballon d’or en 2020 (la récompense n’a pas été attribuée en raison de la COVID-19), Erling Haaland doit se demander ce qu’il aurait pu faire de plus pour remporter le prix cette année.

L’attaquant de 23 ans a été le fer de lance d’un triplé historique de Manchester City (Premier League, FA Cup, Ligue des champions), marquant à sa première saison en Angleterre 36 buts en championnat, un nouveau record anglais, 12 buts en Ligue des champions ainsi qu’un total de 56 buts en 57 matchs, toutes compétitions confondues.

Si Messi n’avait pas remporté la Coupe du monde, le Ballon d’or était à lui. Éventuellement, sans doute, sa Norvège natale sera qualifiée pour un Euro ou pour une Coupe du monde (avec le meneur de jeu Martin Ødegaard à l’appui) et il ne sera pas écarté. Jouer pour une petite nation du soccer sera toujours une épine dans le pied de ceux qui aspirent à la plus grande consécration individuelle.

Haaland a pu se consoler (un peu) grâce au trophée Gerd Müller du meilleur buteur de l’année, devant Kylian Mbappé (54 buts). Au classement final du Ballon d’or, le Norvégien a aussi devancé le Français de 24 ans, qui aurait certainement été un prétendant très sérieux au titre si la France, plutôt que l’Argentine, avait remporté la finale de la plus récente Coupe du monde aux tirs au but.

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Le Français Kylian Mbappé

Mbappé, phénoménal, avait inscrit trois buts dans ce match d’anthologie. Son talon d’Achille, c’est qu’il joue au PSG, une équipe qui a survolé un championnat de second ordre, mais s’est éclipsée en huitièmes de finale de la Ligue des champions (avec Messi dans ses rangs). Éventuellement, Mbappé, Haaland ou l’Anglais Jude Bellingham, sensation du Real Madrid qui a remporté lundi le trophée Kopa du meilleur jeune joueur, remportera un Ballon d’or. Ça aussi, c’est inévitable.

Le huitième Ballon d’or de Lionel Messi en 15 ans vient confirmer, pour qui en doutait encore, qu’il est le plus grand joueur de soccer de tous les temps. C’est un prix pour l’ensemble de l’œuvre : une médaille d’or aux Jeux olympiques (à Pékin), quatre titres en Ligue des champions, une Copa America, une Coupe du monde et d’innombrables titres nationaux, dont la récente Leagues Cup avec l’Inter Miami, au cours de laquelle il a brillé de tous ses feux dans un scénario digne d’Hollywood.

Huit fois nommé le meilleur joueur du sport le plus pratiqué au monde. Verra-t-on un jour quelqu’un surpasser cette marque ? Certainement pas de sitôt. Ce Messi est d’or. Et il n’y en aura pas deux.