Colossal. Renversant. Prodigieux.

Nous avons assisté, dimanche soir, à un moment d’anthologie de l’histoire sportive de Montréal. Non seulement les Alouettes ont remporté leur premier championnat depuis 2010, mais ils l’ont fait avec panache, 28-24, dans la toute dernière minute et, surtout, dans le rôle des négligés.

« Ils n’ont jamais cru en nous », s’est écrié le demi défensif Marc-Antoine Dequoy, émotif, dans le micro de RDS.

« Tu regardes partout, c’est écrit en anglais. Dans le télé-guide de TSN, c’était écrit Toronto contre Winnipeg […]. Ils n’ont jamais cru en nous. Eh bien, tu sais quoi, man ? Gardez-le, votre anglais. Parce qu’on va prendre cette coupe-là, pis on va la ramener à Montréal. On va la ramener au Québec. On va la ramener chez nous, parce qu’on est les f***ing champions ! »

Soyons francs, dans les derniers mois, il n’y a pas que les patrons de TSN et de la Ligue canadienne de football qui ne croyaient pas aux chances des Alouettes. L’hiver dernier, personne, mais absolument personne n’imaginait qu’il y aurait un défilé de la Coupe Grey à Montréal en 2023. Même pas le propriétaire du club ? Non. En fait, il n’y avait même plus de propriétaire. La franchise s’est retrouvée sous la tutelle de la ligue.

Souvenez-vous : dans l’impossibilité de pouvoir verser des bonis de signature aux joueurs autonomes, les Alouettes ont dû laisser partir leur quart-arrière titulaire et deux de leurs trois meilleurs receveurs de passes.

C’est dans ce contexte qu’est arrivé un nouveau quart, Cody Fajardo, auteur d’une saison pénible en Saskatchewan. L’Américain a connu des moments rock’n’roll cette saison aussi. Mais dimanche soir, dans le match le plus important de sa carrière dans la LCF, il a assuré. Comment ? Avec trois passes de touché, des gains de 290 verges par la passe et le titre de joueur du match.

PHOTO NATHAN DENETTE, LA PRESSE CANADIENNE

Cody Fajardo célébrant la victoire des Alouettes

Son brio, dans la dernière minute de jeu, aura fait la différence. Avec un troisième essai et cinq verges à franchir, il s’est retrouvé devant l’obligation d’un résultat. Il a repéré Cole Spieker pour un gain inespéré de 31 verges. Sur le jeu suivant, avec 13 secondes au cadran et plus de temps d’arrêt en banque, il a envoyé un laser à Tyson Philpot dans la zone des buts, pour le touché gagnant. Pour vous dire à quel point cette victoire était inattendue, l’attaque des Alouettes n’avait produit aucun touché dans ses deux autres affrontements contre les Blue Bombers cette saison.

J’ai beau chercher, je ne me souviens pas d’avoir vu une équipe montréalaise partir de si loin pour remporter le championnat de sa ligue. Les Alouettes de 2002, 2009 et 2010 avaient tous terminé en tête de leur division. Le Canadien de 1993 était négligé, mais il avait quand même terminé la saison avec 48 victoires. Le CH de 1924 ? Hé, ho, je veux bien croire que mon nouveau bloc photo me vieillit, mais pas tant que ça, quand même.

Sinon, peut-être l’Impact de 2009, dans la USL. C’était une grosse surprise. Par contre, l’équipe ne se remettait pas d’une tutelle dans la même année civile.

L’équipe de direction des Alouettes mérite des éloges. L’arrivée de Pierre Karl Péladeau comme propriétaire et de Mark Weightman comme président a permis de stabiliser la franchise, puis de la relancer sur des bases solides.

PHOTO NATHAN DENETTE, LA PRESSE CANADIENNE

Pierre Karl Peladeau, propriétaire des Alouettes

Le directeur général Danny Maciocia a accompli un miracle en améliorant son équipe, après la perte de trois vedettes offensives. L’acquisition de Fajardo s’est avérée payante. Les embauches Tyler Snead, Shawn Lemon et Kabion Ento aussi. Ento a d’ailleurs réussi une interception dans la zone des buts, dimanche. Maciocia a également eu du flair dans le choix de son successeur sur les lignes de touche. L’entraîneur-chef Jason Maas a su rallier ses joueurs à son plan, au point d’atteindre l’invincibilité dans les huit dernières parties.

Cette Coupe Grey fera du bien à Montréal. Aux fans. À l’organisation. Avec ce titre, les Alouettes sont enfin sortis de la zone d’indifférence dans laquelle ils étaient enlisés depuis trop longtemps. Ça aussi, c’est une grande victoire.

Lisez le compte rendu du match