Nous voici dans le creux de la saison. Ce moment de l’année où entre les partys de bureau, la fin des classes, les spectacles des enfants, leurs tournois de hockey et la préparation de l’aspic de Noël, on ne sait plus trop qui le Canadien affronte ni quand.

Cette apathie n’affecte pas que la Ligue nationale de hockey. Toutes les grandes ligues nord-américaines, à l’exception de la NFL, traversent de telles périodes. C’est comme ça depuis 100 ans. Personne n’a jamais rien fait – jusqu’à cette année.

Ces derniers mois, deux ligues ont secoué le cocotier. Les deux fois, avec succès. J’espère que dans les bureaux de la LNH, quelqu’un a eu l’énergie de se lever de son fauteuil trop confortable pour saisir un calepin et un stylo et prendre des notes.

Puisque c’est encore tout chaud, commençons avec l’initiative de la NBA. C’était la finale, samedi dernier, de son premier tournoi intrasaison, la Coupe NBA.

Une compétition qui a d’abord été accueillie avec scepticisme. Non, scepticisme, c’est trop poli. Avec mépris et raillerie. « Une idée vraiment stupide », a titré le Miami Herald. « Ça ne sera pas beau », s’est avancé The Guardian. « À jeter aux poubelles », s’est indigné le San Francisco Chronicle. Maintenant que le tournoi est terminé, force est de reconnaître que ce n’était ni stupide ni laid. C’était même une excellente idée.

PHOTO CANDICE WARD, ARCHIVES USA TODAY SPORTS

LeBron James (au centre) célèbre la conquête de la Coupe NBA avec ses coéquipiers.

Le concept est simple. Six groupes de cinq équipes. Tous les clubs au sein d’un même groupe s’affrontent une fois. Le meneur de chaque section et les quatrièmes as passent aux quarts de finale. À partir de là, c’est un tournoi à élimination simple, comme au tennis. L’éclair de génie, c’est que toutes les parties, sauf la finale, comptent aussi pour le classement de la saison. L’intérêt est donc doublé.

Pour que les amateurs comprennent immédiatement qu’il s’agissait d’un match de la Coupe NBA, les joueurs portaient des uniformes spéciaux, et les parquets étaient recouverts de la couleur dominante de l’équipe locale. Comme si la glace du Centre Bell était peinte en rouge. Honnêtement, cette partie-là n’a pas plu à tout le monde. Les finalistes remportaient 200 000 $ chacun. Les gagnants, 500 000 $, et une belle médaille d’or qu’ils pourront exposer sur leur manteau de cheminée, à côté des bas de Noël.

Les joueurs se sont donnés à fond. Le niveau de jeu était intéressant. Meilleur que dans un match de saison normal. Les partisans ont eux aussi apprécié le concept, comme le révèlent les cotes d’écoute.

En moyenne, chaque partie a été vue par 1,67 million d’Américains. Selon Sports Media Watch, ça représente une hausse de 41 % par rapport aux matchs ordinaires disputés en novembre 2022. La finale entre les Lakers de Los Angeles et les Pacers de l’Indiana a été suivie par une moyenne de 4,5 millions d’Américains, avec une pointe à 5,7 millions. À l’exception des parties éliminatoires et de celles du jour de Noël, c’était la plus grande audience de la NBA depuis cinq ans. À Indianapolis, on a même enregistré les meilleurs résultats d’écoute en saison depuis 2002 !

Bien qu’imparfaite, cette première édition de la Coupe NBA fut une réussite.

L’autre circuit qui a innové cette année, c’est la MLS.

On peut lui reprocher bien des défauts, mais pas un manque d’audace. Depuis sa création, la ligue fonctionne comme une jeune pousse de la Silicon Valley. On prend des risques, on échoue, on se relève vite. Et on recommence.

Les tirs de pénalité de type hockey, en prolongation ?

Mauvaise idée. Aux poubelles.

La nouvelle Coupe des ligues, introduite cet été ?

Eurêka ! Pour parler comme un boss d’entreprise technologique, c’est un killer feature. Un concept qui permettra à la compagnie de passer à un niveau supérieur.

Le bon coup de la MLS, c’est d’avoir intégré les équipes de la ligue mexicaine dans un tournoi estival indépendant de sa saison. Cette coupe a déclenché les passions partout sur le continent. La victoire du CF Montréal en tirs de barrage contre les Pumas UNAM a été le moment fort de l’été au stade Saputo. Un match d’une très, très grande intensité.

PHOTO CHANDAN KHANNA, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Les joueurs de l’Inter Miami célèbrent leur conquête de la Coupe des ligues en soulevant Lionel Messi.

Ce tournoi a également été la porte d’entrée en MLS de Lionel Messi, avec l’Inter Miami. Impossible d’avoir une plus belle tête d’affiche pour lancer cette compétition. Le fait que Miami atteigne la finale et gagne la Coupe des ligues a fait exploser les cotes d’écoute. Nous n’avons pas les chiffres exacts, car Apple ne communique pas les siens, mais à elle seule, l’écoute de la finale sur Univision – une chaîne hispanophone – a atteint 1,75 million de spectateurs. On peut raisonnablement estimer que plus de 3 millions de personnes ont regardé la rencontre. C’est énorme. Pour vous donner une idée, la finale du championnat, l’année dernière, a été vue par 2,1 millions de personnes. C’était alors la meilleure audience de la MLS depuis un quart de siècle.

La MLS et la NBA ont fait preuve de vision. Elles ont réussi à faire bouger l’aiguille. La LNH doit réagir.

Rapidement.

J’ai déjà publié un plaidoyer pour un tournoi de mi-saison, il y a quatre ans. Je n’en démords pas. Ça ne peut qu’être bénéfique pour la LNH :

  • Plus de contenu intéressant pour les télédiffuseurs ;
  • Plus de possibilités pour la commandite ;
  • Une superbe vitrine pour les innovations ;
  • Un intérêt renouvelé dans tous les marchés, au moment le plus creux de la saison.

Il y a 60 ans, il n’y avait que six équipes dans la LNH. Mathématiquement, les partisans du Canadien pouvaient espérer un ou deux défilés par décennie. Aujourd’hui, la LNH compte 32 clubs. Un fan de 15 ans peut s’attendre à un ou deux défilés… dans sa vie. C’est un peu décourageant.

L’ajout d’un tournoi de mi-saison permettrait de doubler le nombre d’occasions de célébrer, sans pour autant porter ombrage à la Coupe Stanley, qui resterait la consécration ultime. Ce n’est pas une proposition inédite. Au soccer européen, une équipe peut participer à quatre compétitions au cours de la même saison. Personne ne place la Coupe Carabao sur le même pied que la Ligue des champions. Sauf que ça permet d’entretenir l’espoir des partisans des clubs de milieu de classement (et ceux de Tottenham) plus longtemps dans la saison.

Maintenant, aux dirigeants de la LNH d’enlever leurs pieds du pouf et de nous surprendre.