Pendant l’hiver 2023, le CF Montréal s’est entraîné 51 fois sur la nouvelle pelouse nec plus plus plus plus plus plus plus ultra du Stade olympique. Cette année ? Ce sera impossible. Le Parc olympique a annulé les locations du club sans préavis, le mois dernier, pour procéder à des travaux. Conséquence : le CFM passera l’écrasante majorité des 90 prochains jours sur la route, aux États-Unis.

« C’est un casse-tête énorme », m’a confié le président Gabriel Gervais.

Un casse-tête logistique, évidemment. Il faut réserver de nouveaux terrains. Noliser des avions. Réserver des chambres d’hôtel. Mais c’est aussi un casse-tête de gestion. La direction devra s’assurer que les joueurs, les entraîneurs et les membres de l’équipe technique, qui vivront dans leurs valises pendant trois mois, conserveront leur entrain et leur motivation.

Le périple commencera dès lundi, avec un déplacement non prévu de deux semaines en Arizona. Le directeur des opérations, Daniel Pozzi, a travaillé fort pour y trouver un terrain disponible qui répond aux besoins de l’équipe. Le groupe reviendra à Montréal le 28 janvier, pour une semaine. Il s’entraînera sur un terrain intérieur, possiblement celui du cégep Marie-Victorin. « Dans la convention collective, nous devons offrir des journées de congé pendant le camp. Ce sera dans cette semaine-là », explique Gabriel Gervais.

Le 4 février, le club s’envolera vers la Floride, pour trois autres semaines de camp. Il y restera jusqu’au 24 février, date du premier match de la saison, contre Orlando City.

Après ?

C’est brumeux.

Le CFM disputera ses six premières parties sur la route. D’abord, dans le sud des États-Unis, à Orlando, Dallas et Miami. Puis à Chicago, Washington et Seattle. Dans le plan initial, cette séquence était entrecoupée d’un match et d’entraînements au Stade olympique. Maintenant que c’est impossible, plusieurs scénarios sont sur la table.

« On regarde la possibilité d’allonger certains voyages. Si on joue [dans le Sud], par exemple, on pourrait étirer notre présence d’une semaine et se rendre directement vers la ville suivante. » Dans cette période d’un mois et demi, le CFM n’aura qu’une seule semaine sans partie, après le match contre Chicago.

La solution facile serait de revenir à Montréal entre les parties et de s’entraîner dans un complexe sportif intérieur, comme celui du cégep Marie-Victorin (le stade Saputo et le centre Nutrilait, qui ne sont pas hivernisés, ne sont pas des options à la fin de l’hiver). La réalité est toutefois plus complexe, précise Gabriel Gervais.

« On ne peut pas trop s’entraîner sur des terrains synthétiques qui ne sont pas aux normes de la FIFA », comme l’est celui du Stade olympique. « Tu peux risquer des blessures. Il y a aussi un enjeu avec la grandeur des terrains, pour que les joueurs trouvent ensuite facilement leurs repères. »

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, ARCHIVES LA PRESSE

Le président du CF Montréal, Gabriel Gervais

Un casse-tête, disions-nous.

Tout ce temps passé loin de la maison, des partenaires, des enfants et des amis, avec une routine bouleversée, risque d’avoir un impact sur le moral des troupes. Bon, peut-être pas dès les premiers jours. Les joueurs vont retrouver leurs coéquipiers, accueillir les petits nouveaux et découvrir leur nouvel entraîneur-chef, Laurent Courtois. « On va être ensemble, indique le coach français. On va apprendre à se connaître tellement plus rapidement qu’en passant quelques heures [sur le terrain] avant de rentrer chez soi. »

« Comme ancien joueur, j’aimais bien commencer le camp à l’extérieur. C’est bon pour la chimie de l’équipe », renchérit Gabriel Gervais.

Sauf qu’après huit, dix, douze semaines, l’enthousiasme sera sûrement plus modéré. Comme me l’a raconté une joueuse de l’équipe canadienne de water-polo, qui a passé 92 jours consécutifs (!) sur la route avant les Jeux de Tokyo, « après deux mois de voyage, on voulait juste des chambres individuelles pour pouvoir ne pas se parler pendant quelques heures ».

Gabriel Gervais est conscient des risques. Surtout pour les joueurs et les entraîneurs qui ont une famille. Le CFM a tiré des leçons des longs séjours des clubs canadiens de la MLS aux États-Unis, pendant le confinement de 2020. Une période pénible. Marc Dos Santos, qui dirigeait alors les Whitecaps de Vancouver, m’avait dit vivre les moments les plus difficiles de sa carrière. Plusieurs de ses joueurs avaient mal vécu l’éloignement, surtout les jeunes parents.

« On a vécu le plus dur de la COVID-19 au Canada, explique Gabriel Gervais. Nous étions à l’étranger tout le temps. C’est encore frais dans l’esprit de nos gens. »

Il faut trouver un équilibre travail-famille, prendre soin de la santé mentale des employés. On va gérer ça.

Gabriel Gervais, président du CF Montréal

Bien sûr, ce sera un peu mieux cette fois-ci. Les joueurs ne seront pas confinés dans des chambres d’hôtel. Ils feront quelques courts retours à Montréal avant le premier match local au stade Saputo, le 13 avril. Et personne ne sera séparé de ses enfants pendant des mois, comme ce fut le cas pour Thierry Henry pendant le confinement de 2020.

N’empêche, le CFM préfère être proactif. Le club réfléchit à un système de rotation pour éviter que des employés (à part les joueurs) ne partent trop longtemps. « On envisage aussi d’amener les familles des joueurs et des membres du personnel avec nous pour les premières semaines, ajoute Gabriel Gervais. Nous devrons être créatifs. Si c’est trop long, tu peux perdre des joueurs mentalement. Il faut penser à cela. »

Et cette tuile a-t-elle eu un impact sur le recrutement ? A-t-on ciblé spécifiquement des jeunes joueurs célibataires, par exemple ?

« Non. D’autres clubs font de longues tournées et jouent beaucoup sur la route. Ça fait partie du métier de footballeur. Nous, ce qu’on cherche, c’est avant tout de bons joueurs. »