Montréal est-il une ville de sports ?

De l’avis de la majorité, non. Même pas proche. Montréal n’a pas d’équipe de la NFL, de la NBA ou des ligues majeures de baseball. Tout au plus, c’est une ville de hockey – et encore. Depuis un demi-siècle, le Canadien avale comme un trou noir toutes les équipes de hockey dans son orbite. Comme me le soulignait mon collègue Patrick Lagacé, dans un débat sur cette question en 2019 : « La ville est Canadien. »

À l’époque, Patrick avait tout à fait raison. Les Alouettes battaient de l’aile. Leur survie était menacée. L’Impact, incapable de remplir le stade Saputo, venait de retirer 1000 sièges. Seul le Canadien jouait devant des salles combles à répétition.

Cinq ans plus tard ?

Le monde a changé. Montréal, aussi. La fragmentation des auditoires, observée en télévision et en musique, balaie le sport professionnel. Les niches trouvent de plus en plus leur public. La hausse du coût de la vie incite aussi les jeunes parents à trouver des sorties en famille moins chères qu’un match du samedi soir entre le Canadien et les Maple Leafs de Toronto au Centre Bell. Si bien qu’aujourd’hui, combien d’équipes du Grand Montréal jouent fréquemment à guichets fermés ?

Pas une.

Pas deux.

Pas trois.

Pas quatre.

Pas cinq.

Six équipes. Et bientôt, peut-être sept, après le triomphe des Alouettes à la Coupe Grey.

Lesquelles ?

Le Canadien, bien sûr, meilleur vendeur de billets dans la Ligue nationale. Une évidence ? Pourtant, ça ne devrait pas l’être. Ses mauvaises performances depuis trois ans auraient pu nuire à ses assistances. Ça s’est produit ailleurs. Pendant leur reconstruction, les Sénateurs d’Ottawa et les Sabres de Buffalo ont chuté jusqu’à une moyenne de 10 000 spectateurs par match. On a observé le même phénomène au baseball. Les Orioles de Baltimore, habitués à des foules de 40 000 amateurs par partie, sont descendus à seulement 16 000 pendant leur relance. Donnons crédit au Canadien : il sait comment fidéliser sa clientèle.

Ces 50 dernières années, le halo du Tricolore brillait si fort qu’il a éclipsé toutes les autres équipes de hockey ayant tenté de s’établir près de l’île. Ce n’est plus vrai. Une preuve parmi tant d’autres : dans la seule journée du 13 janvier, le Canadien, le Rocket de Laval et le nouveau club féminin de la LPHF ont tous évolué à domicile devant des salles combles. Concrètement, près de 35 000 personnes ont assisté à un match de hockey professionnel dans le Grand Montréal cette journée-là.

La popularité du Rocket est remarquable. Depuis deux ans, les ventes de billets sont en hausse de 60 %. Un résultat exceptionnel. En moyenne, près de 9000 spectateurs assistent aux rencontres. Le week-end, ça monte souvent jusqu’à la capacité maximale de 10 200 sièges.

PHOTO DOMINICK GRAVEL, ARCHIVES LA PRESSE

Depuis deux ans, les ventes de billets du Rocket de Laval sont en hausse de 60 %.

L’équipe montréalaise de la nouvelle ligue féminine réussit elle aussi à se faire une place au soleil. Samedi, à la Place Bell, Marie-Philip Poulin et ses coéquipières ont joué devant la plus grosse foule de l’histoire du Canada pour un match professionnel de hockey féminin : 8646 spectateurs. L’effet de nouveauté ne s’estompe pas. Lundi, il restait moins de 100 billets disponibles d’ici la fin de la saison pour les matchs disputés à l’Auditorium de Verdun. Vous avez raté votre chance et désirez prendre de l’avance pour la saison prochaine ? Il faudra inscrire votre nom sur une liste d’attente.

Une autre organisation qui cartonne ces jours-ci, c’est le CF Montréal. Le club m’a confirmé avoir vendu 15 000 abonnements pour la nouvelle saison. C’est de très, très, très loin un sommet pour la franchise. Jamais, avant, l’Impact/CF n’avait franchi le plateau des 10 000 abonnements. La visite annoncée de Lionel Messi au stade Saputo, en mai, a évidemment dopé les ventes. Or, même sans Messi dans le portrait, le CFM a enchaîné de bonnes foules. Depuis 18 mois, il a disputé 10 parties devant des salles combles. Les cotes d’écoute, la vente de billets et celle des produits dérivés étaient toutes en hausse l’été dernier.

Au football, les Alouettes et les Carabins viennent tous les deux de remporter un championnat national. Les premiers, dans la Ligue canadienne. Les deuxièmes, dans le réseau universitaire. C’est bien connu : les victoires font courir les foules. Alors là aussi, on enregistre un engouement. Les ventes d’abonnement des Alouettes sont en hausse de 31 % par rapport à la même date l’année dernière. « Ça comprend notamment nos abonnements Flex 10 billets, qui ont augmenté de 150 %, mais aussi nos nouveaux abonnements de 3 et 5 matchs, extrêmement populaires », indique le gestionnaire des communications du club, Francis Dupont. La vente de billets individuels s’annonce elle aussi prometteuse : le nombre de gens inscrits sur la liste d’attente a quintuplé depuis un an. Les Carabins, eux, ont disputé quatre de leurs parties devant un CEPSUM bondé de 5000 spectateurs.

Plus tôt, j’évoquais la fragmentation du marché. À Montréal, ce phénomène profite surtout au basketball. Il y a cinq ans, la ville ne comptait aucune équipe professionnelle de basket. Aujourd’hui, elle en a deux : l’Alliance et la Toundra. L’Alliance va particulièrement bien. L’été dernier, elle est devenue la première franchise de la Ligue élite canadienne à vendre 1000 abonnements. Elle joue en moyenne devant 2900 personnes, et la saison dernière, elle a rempli trois fois l’Auditorium de Verdun. Une jolie réussite, considérant la couverture médiatique anémique.

« Notre succès, on le doit au bouche-à-oreille », explique la présidente de l’Alliance, Annie Larouche. « C’est la communauté montréalaise du basket qui nous soutient. Je savais qu’elle était grande, mais à ce point-là ? Plus ou moins. Les spectateurs nous disent qu’ils aiment l’expérience. Qu’ils passent un bon moment ici. »

Tout ça, c’est sans parler des grands évènements internationaux, comme le Grand Prix de Formule 1 du Canada, l’Omnium Banque Nationale, le Grand Prix cycliste et les Championnats du monde de patinage artistique, qui attirent chacun des dizaines de milliers de spectateurs.

Alors, Montréal, ville de sports ?

Plus que jamais, depuis 30 ans.

Maintenant, si on pouvait retrouver une équipe de baseball…

En savoir plus
  • 15 000
    Nombre d’abonnements de saison au CF Montréal
    +31 %
    Le nombre d’abonnements vendus par les Alouettes, par rapport à la même date l’an dernier