Dans une voiture, un pilote chevronné qui surpasse les attentes et accumule les podiums. Dans l’autre, un pilote qui ne répond pas aux attentes. Regard sur la situation d’Aston Martin.

Au moment de dévoiler sa nouvelle AMR23, en février, Aston Martin expliquait ses objectifs pour la saison : mener le milieu de peloton et se battre « occasionnellement » pour des podiums. Réduisait-elle les attentes ? Peut-être. Toujours est-il que l’écurie offre jusqu’à maintenant à ses amateurs beaucoup mieux que ses objectifs initiaux.

Devancée par Mercedes lors du dernier Grand Prix, en Espagne, Aston Martin occupe présentement le troisième rang chez les constructeurs. Elle détient 34 points d’avance sur la Scuderia. Ce classement, il va sans dire, l’écurie britannique le doit à un de ses deux pilotes : l’ancien double champion du monde de 41 ans Fernando Alonso.

PHOTO JOAN MONFORT, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

L’écart de points qui sépare Fernando Alonso (à droite) et Lance Stroll (à gauche), d’Aston Martin, est le plus important entre deux pilotes d’une même écurie présentement.

Alonso se bat beaucoup plus qu’« occasionnellement » pour des podiums. Il se bat à chaque course, au grand plaisir des mordus de F1, qui ne demandent qu’à voir l’ancien champion revenir au sommet. Jusqu’ici, ce dernier est monté une fois sur la deuxième marche et quatre fois sur la troisième. Il offre à son équipe l’occasion de célébrer plus que ce que tout le monde avait prévu.

Seulement, l’écurie verte ne pourra maintenir ce classement si son autre pilote, Lance Stroll, ne commence pas à performer plus souvent à la hauteur de la voiture qu’il conduit.

PHOTO JEFF PACHOUD, AGENCE FRANCE-PRESSE

Fernando Alonso a terminé deuxième au Grand Prix de Monaco, le 28 mai dernier.

L’écart de points qui sépare Alonso et Stroll (64) est le plus important entre deux pilotes d’une même écurie présentement. Le Québécois, huitième au classement, n’a encore pu faire mieux qu’une quatrième place, acquise en Australie au terme d’une course chaotique.

Comme chaque année depuis 2019 – à l’époque de Racing Point –, Stroll récolte moins de points que son équipier. Il faut dire que ceux-ci ont été Sergio Pérez, Sebastian Vettel et Fernando Alonso. Pas exactement des novices. Néanmoins, viendra un moment où le seul Canadien de la grille devra atteindre le prochain niveau. En est-il capable ?

Bon début de saison

Lance Stroll avait commencé la saison du bon pied. Après s’être rétabli in extremis d’une opération et de multiples fractures subies lors d’un important accident de vélo, le Québécois avait réussi à conclure le premier Grand Prix de la campagne en sixième place, devant George Russell chez Mercedes.

En Arabie saoudite, Stroll a dû abandonner au 16e tour en raison d’un problème d’ordre mécanique. Deux semaines plus tard, en Australie, il réussissait son meilleur résultat depuis 2020.

En arrivant à Miami, pour le cinquième derby, Stroll connaissait son meilleur début de saison en carrière, même s’il avait une longueur de retard sur Alonso. Sous le soleil floridien, il a dû partir de la 18e place en raison d’une stratégie d’équipe qualifiée de « trop agressive » par le dirigeant principal Mike Krack en qualifications. Lors de la course, Stroll n’a pu faire mieux qu’une 12e place. Le week-end suivant, à Monaco, il a dû abandonner en raison de problèmes de freinage sous la pluie.

PHOTO JAVIER SORIANO, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Lance Stroll en action au Grand Prix d’Espagne, le 4 juin dernier

Ce qui nous amène au Grand Prix d’Espagne. Stroll partait cinquième sur la grille. On l’a notamment vu doubler Hamilton de belle façon au premier tour. Il a finalement conclu l’épreuve au sixième rang, tout juste devant Alonso. Si ce dernier aurait pu dépasser le Québécois, il a décidé de ne pas le faire pour évider d’endommager sa voiture, a-t-il justifié après la course. Une explication noble, certes…

Questions sans réponses

Ce n’est pas la première fois qu’Alonso se montre galant envers son jeune coéquipier. Il faut dire que les deux hommes se connaissent depuis longtemps ; Alonso a une relation d’amitié de longue date avec le père de Lance, Lawrence Stroll, grand patron d’Aston Martin. De toute évidence, Alonso a accepté son rôle de mentor.

Depuis qu’il a enfilé un uniforme vert pour la première fois, l’Espagnol parle en bien de Stroll fils, allant même jusqu’à affirmer que ce dernier possède la vitesse et le talent pour être un jour champion du monde.

À Bahreïn, Alonso a félicité son coéquipier pour son travail après s’être rétabli de ses blessures. À Miami, Alonso se tenait au courant des résultats de Stroll par les grands écrans sur la piste. « Quelle position est Lance ? C’était un beau dépassement au virage un », a-t-il lancé au micro alors que Stroll venait de passer de la 14e à la 13e place.

« C’est sûr qu’on parle beaucoup de la voiture, on a les mêmes idées en termes de ce qu’on veut retirer de la voiture, comment on veut l’améliorer. Pour le moment, c’est sûr qu’on a une bonne relation », disait Stroll à La Presse après les qualifications à Miami.

Là où les choses pourraient se compliquer pour Aston Martin, c’est si elle se bat, comme elle le souhaite, pour un championnat en 2024. Ce sera impossible à faire avec un seul pilote. Que fera alors Lawrence Stroll ? Et comment réagira Fernando Alonso ?

Tant de questions sans réponses.