Toute la Formule 1 n’en a actuellement que pour Max Verstappen. Ce qui est tout à fait normal vu sa saisissante séquence du moment. Il n’y a pas si longtemps, pourtant, c’est Lewis Hamilton qui imposait sa loi.

Une moyenne de 10 premières places par saison de 2014 à 2021, soit une toutes les deux courses. Une présence sur le podium dans 80 % des courses. Six championnats du monde dans l’intervalle.

Or, tout s’est arrêté net. Depuis sa victoire en Arabie saoudite, en décembre 2021, il n’a plus gagné. Une disette de 30 épreuves, du jamais vu. Non pas que le Britannique ait désappris à conduire, puisqu’il est monté sur le podium à 12 reprises. Une évidence s’impose néanmoins : le roi a été découronné.

Résumer Lewis Hamilton à ses seules victoires serait brosser un tableau bien incomplet du personnage. Figure la plus charismatique de son sport, il prête sa voix à de multiples causes, notamment la lutte contre le racisme. La séquence sans victoire de celui qui partage avec Michael Schumacher le record de sept titres mondiaux ne peut toutefois passer sous le tapis.

« Est-il trop vieux pour continuer à gagner ? », s’est même récemment demandé le Washington Post à propos du coureur de 38 ans.

La question de l’âge est rapidement balayée par ses adversaires, dont le respect à son égard est évident. « C’est toujours un grand champion, il n’y a pas de doute là-dessus », rétorque spontanément Esteban Ocon, d’Alpine, au sujet de son rival. « Ma perception est la même qu’il y a deux ans ; c’est un coureur phénoménal, enchaîne Nyck De Vries, d’AlphaTauri. Il reste le meilleur de la dernière décennie. »

« Dans son cas, c’est vraiment la voiture » qui fait la différence, renchérit Nico Hülkenberg, de Haas.

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Nico Hülkenberg

La Mercedes que conduit Hamilton n’a en effet plus le lustre de ses beaux jours. Après huit championnats des constructeurs consécutifs, le constructeur allemand a glissé en troisième place l’an dernier et se situe au deuxième rang après sept courses en 2023. Au tiers de la campagne, Red Bull est déjà virtuellement hors d’atteinte.

« Sa voiture n’est pas assez performante pour gagner avec constance », confirme Ocon, qui dresse le même constat pour sa propre écurie. Il identifie aussi le calibre très relevé parmi les pilotes, « le plus élevé depuis qu’[il est] arrivé en Formule 1 ».

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Esteban Ocon

Si les coureurs admirent toujours leur collègue, De Vries dit comprendre pourquoi le public s’interroge. « Il y a 20 ans, si tu réalisais un exploit aussi unique, tu étais reconnu pour toujours. Alors qu’aujourd’hui, en F1 comme ailleurs, c’est oublié le lendemain. Mais je sais que Lewis, même après toutes ces années, a la même motivation et le même désir d’être le meilleur. »

« Nouvelle énergie »

Invité à se prononcer sur la situation, Hamilton garde son calme habituel.

« Je ne ressens aucun poids », assure-t-il, en réponse à une question sur ces 18 mois sans première place.

Il évoque une « mauvaise passe », dont on comprend qu’elle s’est concentrée en 2022. À pareille date, l’an dernier, le marsouinage était l’enjeu de l’heure. Ce phénomène indésirable, entraîné par une modification dans l’aérodynamique des voitures, créait de violents soubresauts qui secouaient les monoplaces. Les écuries ne se sont pas toutes adaptées à la même vitesse, et Hamilton, avant le Grand Prix du Canada, s’était plaint de maux de dos. Les performances des Mercedes s’en sont ressenties, et le vétéran n’avait pas été tendre à l’égard du bolide qu’il conduisait.

Douze mois plus tard, le ton a changé. Il estime faire partie de la « meilleure équipe de développement » de l’industrie. Après la mauvaise passe, il voit s’organiser une remontée, mue par une « nouvelle énergie ». Il y a deux semaines, en Espagne, il a signé une deuxième place dans une course où Mercedes « a obtenu beaucoup de victoires dans les étapes franchies ». Son coéquipier George Russell, de fait, a lui aussi atteint le podium.

« On sait où on s’en va. Et c’est ensemble qu’on va s’y rendre », a-t-il lancé, dans un évident cri de ralliement.

S’il retouche au sommet, sera-ce encore chez Mercedes ? C’est moins clair. Il écoule la dernière année de son contrat, et malgré quelques rencontres avec le directeur de l’équipe Toto Wolff, il a dit jeudi n’avoir « rien de neuf » à annoncer à ce sujet. On ne le sent pas pressé.

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Le directeur de l’écurie Mercedes, Toto Wolff

Cela ne change rien au week-end qui l’attend sur l’une de ses pistes fétiches, où il a signé sept gains en carrière, notamment en 2019.

« Le circuit sied-il particulièrement à ton style ? », lui a demandé l’intervieweur lors d’un point de presse, jeudi. « C’est clair ! », s’est enthousiasmé Hamilton.

La pluie prévue samedi et dimanche pourrait compliquer ses plans. Mais si l’âge et un passage à vide n’ont pas épuisé sa passion, ce n’est pas une averse qui le fera.