Certains pilotes se retrouvent si souvent sur la première marche du podium qu’on n’en fait plus de cas. D’autres doivent chérir le moment quand il passe. Ces instants de gloire, pourtant éphémères, deviennent alors source de motivation perpétuelle. Parlez-en à Pierre Gasly.

Année : 2020. Lieu : Monza, Italie. Écurie : AlphaTauri.

Le regard bleu de Pierre Gasly s’illumine. Ses lèvres esquissent un léger sourire. C’est l’effet que provoque l’évocation de sa dernière, et seule, victoire en Formule 1.

« Je me souviens de tout », lance le pilote de 27 ans en entretien avec La Presse, jeudi, au quartier général d’Alpine. « C’est tellement fort en émotions. C’est quelque chose qu’on n’oublie pas. »

Dans ce sport où il y a une quasi totale absence de parité, nombreux sont les pilotes qui ne connaîtront jamais l’euphorie d’être le premier à franchir le fil d’arrivée. À titre d’exemple, sur la grille actuelle, seuls 10 des 20 athlètes l’ont vécue.

Sur la page Instagram de Pierre Gasly, les images épinglées tout en haut le montrent avec le trophée à bout de bras. Si ce moment de gloire fugace date d’il y a trois ans, il fait encore à ce jour office de motivation quotidienne.

« Même sur mon téléphone, j’ai la photo du podium de Monza », nous fait savoir le natif de Rouen, en Normandie.

Devant notre étonnement, il ajoute : « C’est motivant ! Pour moi, ç’a été un moment tellement fort, tellement bon, tellement motivant. »

Je me rappelle le lundi matin après la victoire. Je m’étais dit : “C’est le genre de sensation que je veux avoir dans ma vie, c’est exactement ça, la raison pour laquelle on travaille. Voilà, c’est le but.”

Pierre Gasly

C’est le but, oui. Et on peut deviner que c’est avec ce désir de renouer un jour avec la victoire que Gasly a décidé, à la fin de la saison 2022, de quitter AlphaTauri et la filière Red Bull pour se joindre à Alpine.

Une adaptation

Si les résultats d’Alpine n’ont pas été à la hauteur des attentes en début de saison, Pierre Gasly et son coéquipier, Esteban Ocon, peuvent se réjouir de leurs plus récents résultats. Lentement, mais sûrement, l’équipe progresse dans sa quête de faire concurrence aux meneuses Red Bull, Mercedes, Aston Martin et Ferrari.

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE

Esteban Ocon

Gasly, lui, est toujours « vraiment content » de son changement d’équipe. Il faut dire que son avenir au sein de la filière Red Bull était limité par la signature de Sergio Pérez jusqu’en 2024.

Je me suis lancé dans un nouveau projet auquel je crois énormément. Je crois qu’il y a un potentiel énorme de la part de l’équipe qui n’est pas forcément complètement exploité pour le moment.

Pierre Gasly

Ultimement, il est encore trop tôt pour juger les performances du pilote français dans sa nouvelle écurie. La raison est simple : qui dit changement d’équipe dit nouvel environnement, nouveaux collègues, nouvelles manières de communiquer et de travailler.

« C’est vraiment un monde auquel il faut que je m’habitue. Pour moi, ça demande plus d’énergie qu’auparavant, dans un milieu que je connaissais parfaitement, avec des gens que je connaissais parfaitement. »

Concurrence interne

La relation entre Pierre Gasly et Esteban Ocon, tous deux natifs de Normandie, a souvent été abordée dans le monde de la F1 en début de saison. En résumé, les deux équipiers ont grandi ensemble en karting. Leur lien d’amitié s’est toutefois compliqué, voire terni, avec le temps.

Toujours est-il que les deux pilotes se retrouvent aujourd’hui au sein de la même équipe, au sommet de leur sport, et qu’ils doivent unir leurs forces pour améliorer leur voiture. Ocon, rencontré un peu plus tôt jeudi lors d’une mêlée de presse, a d’ailleurs rappelé un élément important : « Quand on est les deux pilotes à 100 % impliqués dans ce qu’on doit faire, forcément, ça a plus de poids pour l’équipe, donc ils mettent une priorité sur ces choses-là. »

Les deux sympathiques Français sont devenus « très raccord sur plein de choses, récemment », affirme Ocon. Des paroles appuyées par Gasly un peu plus tard.

« On n’est pas les meilleurs amis et ça ne nous empêche pas du tout de travailler ensemble », estime ce dernier.

Tous les deux, on a envie de gagner. Tous les deux, on veut la meilleure voiture du plateau. On espère que notre plus gros problème, un jour, ce sera de se bagarrer premier et deuxième avec la voiture. Ça, ça voudra dire qu’on aura fait du bon travail.

Pierre Gasly

La concurrence interne fait partie du sport. Chaque équipe dans le paddock présente deux pilotes qui, inévitablement, sont davantage des adversaires que des coéquipiers. Ainsi va la F1.

À Monaco, Gasly a vu Ocon offrir à Alpine un premier podium depuis 2021. Même s’il a 10 points de retard sur son équipier au championnat des pilotes, Gasly préfère regarder devant plutôt que derrière.

« Je viens d’arriver dans l’équipe. Je vois que les choses se mettent en place week-end après week-end, que ça progresse, qu’il y a clairement du potentiel, et c’est ce qui m’importe plus. »

Quant aux résultats, ils viendront, assure-t-il.

Et puis, qui sait, peut-être pourra-t-il changer sa photo de fond d’écran un de ces quatre…