Robert Kubica et l'écurie BMW-Sauber ont écrit leur nom dans le grand livre d'histoire de la F1 en remportant hier un Grand Prix du Canada fertile en rebondissements.

Kubica a profité des erreurs et malchances de ses adversaires pour signer la toute première victoire de sa carrière. Il s'agissait aussi de la première victoire de l'écurie BMW-Sauber, qui a réussi l'exploit d'un doublé avec Nick Heidfeld en deuxième position. Le vétéran David Coulthard a surpris tout le monde (y compris lui-même) en terminant troisième au volant de sa Red Bull.

Kubica a été aidé dans sa quête par un incroyable incident impliquant ses deux principaux rivaux, Lewis Hamilton et Kimi Raikkonen. Alors que la voiture de sécurité patrouillait la piste pour permettre l'évacuation de la Force India d'Adrian Sutil, enfoncée dans le muret, les six premières voitures sont rentrées aux puits. De loin le plus rapide du lot, Hamilton était seul dans son monde, à sept secondes de son plus proche poursuivant.

Le Britannique est ultra rapide, mais connaît-il la signalisation routière de base? La question se pose: il a commis hier une bourde impardonnable digne d'une recrue dans une auto-école. Il est sorti de son ravitaillement à toute vitesse et n'a jamais vu Raikkonen et Kubica, immobilisés côte à côte devant le feu rouge qui clignotait au bout de la ligne des puits. Sa McLaren a embouti la Ferrari avec force, avant de se faire frapper à son tour par la Williams de Nico Rosberg.

Décompte des victimes: fin de course pour Raikkonen et Hamilton, et aileron avant tordu pour Rosberg. Seul Kubica a été épargné. «Tout le monde peut faire des erreurs, mais c'est une chose de commettre une erreur à 200 à l'heure et une autre de frapper quelqu'un arrêté à une lumière rouge», a lancé Raikkonen.

Les pilotes ont parlé tout le week-end du danger du bitume, mais hier, certains ont réussi à se sortir tout seul du jeu...

Sept tours de qualification

Kubica est ressorti en piste en milieu de peloton, coincé derrière les voitures qui roulaient sur une stratégie d'un seul arrêt. Une fois le dernier meneur (Timo Glock!) rentré, il s'est retrouvé en tête, avec une délicate mission: se forger une avance suffisante pour rentrer aux puits sans se faire dépasser par son plus proche rival, Heidfeld. Il a complété sept tours parfaits - «sept tours de qualifications» - et est ressorti des puits avec l'Allemand encore loin dans son rétroviseur. «The rest is history», comme disent les Vikings.

Pour la première fois, l'hymne national polonais a retenti au-dessus du podium. Kubica, fidèle à lui-même, est resté imperturbable. Pas de larmes de joie, ni de saut victorieux à la Schumacher. N'empêche, le moment a de quoi émouvoir. Il y a un an, à la même heure, on le tenait pour mort...

«C'est fantastique de remporter mon premier Grand Prix au Canada, surtout après le terrible accident que j'ai eu ici. Je suis content pour mon équipe et pour la Pologne. Il y avait beaucoup de partisans polonais qui m'encourageaient. Je suis reconnaissant à Lewis d'avoir choisi Kimi et pas moi!»

Nick Heidfeld affichait une mine sombre aux côtés de son coéquipier. Après cinq deuxièmes places, l'Allemand attend toujours sa première victoire. «Mes sentiments sont mitigés. Je suis content pour Robert et pour l'équipe, mais quel sorte de pilote est-ce que je serais si je n'étais pas déçu de passer si près de ma première victoire, surtout contre mon coéquipier? J'étais sur une stratégie d'un seul arrêt aux puits, donc beaucoup plus lourd, et l'équipe m'a demandé de ne pas compliquer la vie de Robert. Ce que j'ai fait. Partir de la huitième place et terminer deuxième n'est pas un trop mauvais résultat.»

Premier chez les pilotes

Avec cette victoire, Kubica prend la tête du championnat des pilotes, avec une avance de quatre points sur Hamilton et Massa. Un mot sur Massa: il a fait un dépassement absolument effrayant dans l'épingle. Il a pris l'intérieur et est presque passé dans l'herbe pour doubler Rubens Barrichello et Heikki Kovalainen, et s'emparer du cinquième rang. Une manoeuvre d'anthologie...

Avec ses 18 points engrangés hier, BMW-Sauber a dépassé McLaren au classement des constructeurs, trois points derrière Ferrari. Une belle réussite pour la petite écurie jadis créée par Peter Sauber. Faut-il parler d'un coup de chance? D'un classement bizarre, résultat d'un Grand Prix du Canada totalement hors norme? Ou au contraire, l'écurie suisse-allemande vient-elle de faire son entrée dans la cour des grands?

«On a dominé le championnat des constructeurs plus tôt cette saison et Robert est maintenant premier au classement des pilotes, alors nous faisons partie des équipes de tête, explique Heidfeld. McLaren et Ferrari ont fait des erreurs cette année, ils ont ruiné leur course ici, mais il faut aussi une bonne équipe et des bons pilotes pour ne pas faire d'erreurs.»