Le 27 novembre 2011, Mark Webber remporte au Brésil son unique Grand Prix de l'année. L'effervescence du champagne ne trompe personne: cette victoire est un baume sur une saison particulièrement difficile pour l'Australien.

Son écurie, Red Bull, a bien sûr remporté le championnat. Il a lui-même fini troisième au classement des pilotes grâce à une monoplace dominante. Pas si mal. Mais Webber voulait davantage. Il voulait gagner.

À 35 ans bien sonnés, il entame en fin de semaine sa 12e et peut-être dernière saison en Formule 1. Lorsqu'on lui demande si le championnat des pilotes est toujours son objectif, il n'hésite pas une seconde. «Oui», tranche-t-il, bien décidé à ne pas croupir dans l'ombre de son génie de coéquipier, Sebastian Vettel.

«Je m'attends à une bien meilleure saison que la précédente, avec plusieurs victoires et un meilleur début de saison, a-t-il expliqué durant les essais du début de mars à Barcelone. Je me sens beaucoup mieux qu'à pareille date l'année dernière et je suis encore sur le nuage de ma victoire au Brésil. Ce sera encore une belle bataille à l'avant.»

La première course de la saison a d'ailleurs lieu chez lui. Remporter dimanche le Grand Prix d'Australie «serait spécial», a répété Webber, d'autant qu'aucun Australien n'a réussi l'exploit depuis Alan Jones en 1980.

Les yeux du monde seront donc rivés sur lui à Melbourne, mais surtout sur la nouvelle monoplace de Red Bull. La RB8 est encore une fois réputée la plus rapide du peloton. Si les rumeurs s'avéraient, Webber aurait tous les outils pour gagner des courses et peut-être même empocher son premier championnat.

Mais la RB8 est une arme à double tranchant, car le principal ennemi du peloton, pour Webber peut-être plus que pour les autres, demeure son coéquipier Sebastian Vettel. Sa relation tumultueuse avec l'Allemand a d'ailleurs émaillé les dernières saisons.

Au Grand Prix de Turquie, en mai 2010, Webber et Vettel menaient la course quand ce dernier a tenté de prendre la première place. L'Australien l'a coupé, accroché, et a privé l'équipe d'un doublé. «Ce qui est frustrant ici, c'est d'avoir perdu 28 points aujourd'hui, car on aurait dû prendre les deux premières places», avait tonné le directeur d'équipe Christian Horner, furieux, après la course.

Le duo en a remis la saison dernière au Grand Prix de Grande-Bretagne. Avec deux tours à faire et Vettel à l'avant, Webber a reçu l'ordre de ne pas tenter le dépassement. Il a fait fi de la directive, essayé sans succès de dépasser et a finalement fini recalé au troisième rang.

Horner assure aujourd'hui que «Mark et Sebastian ont une bonne relation professionnelle». Mais un pilote cherchera toujours à gagner et ne se satisfera jamais du rôle de second violon, a-t-il expliqué à La Presse lors d'une récente entrevue.

«Mark va chercher à revenir dans la course cette année et nous allons donner à nos deux pilotes les meilleures occasions possible, a-t-il dit. Nous voulons qu'ils finissent devant nos adversaires. L'ordre dans lequel ils finissent ne nous regarde pas.»

Les jeunes loups

Si Webber veut remporter un championnat, cette année est peut-être sa dernière occasion. De jeunes loups frappent aux portes de l'écurie Red Bull avec l'espoir de piloter la voiture la plus rapide du circuit.

L'équipe Toro Rosso, affiliée à Red Bull, a d'ailleurs pour objectif avoué la formation d'une relève pour la maison mère. Elle s'est dotée cette année de deux nouveaux pilotes prometteurs en Jean-Éric Vergne et Daniel Ricciardo.

Le vétéran n'a d'ailleurs qu'une entente d'une année avec son écurie. Horner n'y voit pas un désaveu, mais plutôt un contrat «normal» pour un pilote de 35 ans.

Lorsqu'on demande au directeur quel pilote il aimerait dans ses rangs comme coéquipier de Vettel s'il pouvait choisir n'importe lequel sur la grille, il esquisse un sourire.

«Mark Webber», répond-il.

«Mais vous avez déjà Mark Webber», lui fait-on valoir.

«Oui, dit-il en riant, et je suis très content avec les pilotes que j'ai.»

Cette réponse cartésienne ne change rien à la réalité: Webber manque de temps pour remporter un championnat et sortir de l'ombre de Vettel. La saison 2012 sera cruciale pour lui à cet égard. Car dans le monde coupe-gorge de la F1, on tolère les vétérans pour autant qu'ils gagnent.