(Sonderborg) Thibaut Pinot a piqué un bidon à Hugo Houle avant le départ à Vejle, où ils étaient encore des milliers à vouloir apercevoir, ne serait-ce que quelques secondes, les coureurs du Tour de France, mercredi après-midi.

Après le stress induit par le pont du Grand Belt la veille, le calme était revenu dans le peloton pour la troisième étape menant à Sonderborg, au Danemark continental, à 200 km d’Hambourg, là où la Scandinavie rencontre l’Europe.

Heureusement que Magnus Cort Nielsen (EF), le Danois en maillot à pois, a continué d’animer le public en allant chercher les points du classement de la « montagne », dans ce pays aussi plat qu’une crêpe.

Seul en échappée, le moustachu s’est amusé et a accéléré pour empocher le troisième et dernier point disponible, célébrant comme s’il venait de remporter un sprint de pancarte avec les amis.

Dans la salle de presse, installée devant le mur d’escalade d’un gymnase, les journalistes passaient le temps en dégustant des pâtisseries locales.

Le peloton s’est réveillé quand Nielsen a été rattrapé avec une cinquantaine de kilomètres à faire. Les trains ont commencé à remonter leur leader au classement général, question d’éviter la casse.

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Antoine Duchesne (2e à partir de la droite) et Stefan Küng s’installent en tête de peloton.

Aux 25 km, Antoine Duchesne et le Suisse Stefan Küng se sont pointés à l’avant avec dans la roue David Gaudu, chef de file de Groupama-FDJ.

« On s’attendait à ce que ce soit beaucoup plus tranquille et moins nerveux aujourd’hui [dimanche], a noté Duchesne. Dans le final, c’était un peu plus tendu. Pour nous, c’était de s’assurer d’être devant pour ne pas risquer de chute. »

De fait, avec une dizaine de kilomètres à faire, un carambolage sur la largeur de la route a coupé le peloton en deux. Duchesne venait de se relever, mais Gaudu était toujours aux avant-postes avec quelques coéquipiers.

Du côté d’Israel-Premier Tech (IPT), Chris Froome et Krists Neilands ont visité le bitume pour la deuxième journée consécutive. De même, Guillaume Boivin n’a pu éviter la collision et s’est retrouvé au sol.

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Guillaume Boivin avant le départ de l’étape

« Il y a eu un peu de pavés et c’est tombé, a relaté le Québécois. C’était du stress pour rien. J’ai réussi à arrêter, mais je me suis fait étamper par en arrière. Je ne pouvais pas faire grand-chose. Je me suis un peu râpé, mais rien de trop grave. »

Un seul membre d’IPT a réussi à passer, mais c’était le bon : Jakob Fuglsang. Le Danois de 37 ans est rentré avec le peloton principal. Il remonte ainsi à la 36place du classement général, à 1 min 2 s du maillot jaune, Wout van Aert (Jumbo-Visma).

Hugo Houle a pu contourner l’empilade, mais l’écart était créé.

« À la vitesse que ça roulait, on n’est pas revenus, a-t-il expliqué. Mais comme Jakob était devant, c’était tranquille pour nous. L’important, c’était que Jakob soit devant. Sinon, on aurait été obligés de rouler. On a été chanceux. Moi, je suis rentré avec les Bahrain à 30 secondes. Ça allait. Finalement, ç’a été une journée tranquille. »

Ç’a été l’occasion pour papoter avec les copains. « On a juste fait ça, jaser », a badiné Houle.

Après l’étape, au pied de l’autocar, il a poursuivi la conversation avec la fillette de Fuglsang, toute gênée dans son maillot Israel-Premier Tech. Avant de se changer, le Danois a discuté quelques minutes avec sa femme et embrassé sa fille.

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Hugo Houle discute avec la fillette de Jakob Fuglsang après la fin de l’étape.

En matinée, Fuglsang avait répondu à quelques questions au sujet de sa relation avec Houle, qu’il a connu chez Astana en 2018. Quand le Québécois a quitté cette formation pour atterrir avec IPT, le gagnant de Liège-Bastogne-Liège en 2019 s’est amené avec lui.

« Depuis son arrivée chez Astana, on est vraiment devenus de bons amis, a raconté Fuglsang. Hugo m’a aidé à venir chez Israel-Premier Tech. C’est un gars intelligent. Il vérifie tout et connaît chaque bosse sur la route. Je peux toujours compter sur lui. On s’entend super bien, et c’est normal de vouloir courir avec un ami. »

Le voit-il un jour gagner une étape sur le Tour ? « C’est certain qu’il a le moteur. Bien sûr, ça dépend comment tu dépenses ton énergie, mais il en a assurément le potentiel. On a vu il y a deux ans qu’il a obtenu de très bons résultats d’étape. »

À quelques autobus de là, Pinot s’est pour sa part exprimé sur ses forts liens avec Duchesne.

« On ne se le cache pas, c’est un de mes meilleurs amis au sein du peloton et même dans la vie, a dit le triple vainqueur d’étape. On est en contact presque tous les jours. Ce que j’aime chez lui, c’est son côté naturel, son humour, sa façon de s’intéresser à beaucoup de choses. C’est quelqu’un qui est vraiment agréable avec une belle philosophie de vie. »

Libéré pour la première fois de l’enjeu du général au Tour, Pinot semble particulièrement de bonne humeur. Un égoportrait ici, un autographe là. Le masque ? Bof. Au fait, il a redonné un bidon à Houle durant l’étape…

Transfert aérien

Les coureurs n’ont pas traîné dans les paddocks. Au terme de ce passage le plus septentrional de l’histoire du Tour, ils regagnaient le nord de la France en soirée dans des vols nolisés entre Sonderborg et Lille. Après une journée de repos ce lundi, ils reprendront le collier mardi pour la quatrième étape entre Dunkerque et Calais. « C’est quand même bien organisé, a indiqué Hugo Houle. En théorie, on est à l’hôtel en France à 22 h. Avec l’autobus, c’est assez simple et confortable. C’est certain que ça met un peu plus de stress, mais ce n’est pas si mal. »

Succès danois

Le grand départ danois a été un véritable succès pour le Tour de France. Après deux années pandémiques, les cyclistes ont savouré cette communion avec le public. « La foule a marqué les esprits, a acquiescé Hugo Houle. C’était impressionnant, la quantité de monde qu’il y avait dans certaines montées. Ils étaient empilés jusqu’en haut. Ce n’était pas qu’une rangée, mais parfois huit, neuf ou dix. Ça a vraiment fait plaisir à tout le monde. Perso, j’ai beaucoup apprécié l’expérience, surtout qu’il y a eu du soleil et pas trop de vent. »

Combinaison râpée

Victime de chute à chacune des deux étapes sur route au Danemark, Chris Froome a râpé deux combinaisons aux nouvelles couleurs d’Israel-Premier Tech. « Il lui en reste une pour 18 étapes… », a signalé Hugo Houle.