Au pied de la montée du Hautacam, Jonas Vingegaard se préparait pour l’assaut final de Tadej Pogačar. Devant lui, deux coéquipiers roulaient toujours.

Plus haut, l’incontournable Wout van Aert l’attendait en renfort, sous l’œil du président Emmanuel Macron, qui suivait la scène de la voiture du commissaire.

Dans le groupe du maillot jaune, le vétéran Geraint Thomas s’accrochait à sa troisième place. Deux ou trois acteurs de soutien les accompagnaient, dont Hugo Houle, qui avait pris la roue du Britannique dans la descente.

L’issue du 109e Tour de France était probablement sur le point de se décider. Le Québécois de 31 ans ne pouvait rêver d’un meilleur siège.

« J’étais vraiment content d’être là, c’était plus facile », a raconté l’homme fort d’Israel-Premier Tech, jeudi après-midi. « Je savais que ça passait à la télévision, je ne suis pas fou non plus. C’est le moment crucial du Tour. Il y a cinq ou six gars, et moi, je suis là. C’est un peu spécial. »

À 4 km du sommet, Houle était décroché depuis un moment quand le maillot jaune Vingegaard a porté le K. -O. final au maillot blanc Pogačar, après un autre énorme relais du maillot vert de van Aert, une image tricolore probablement inédite dans l’histoire de la Grande Boucle.

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Menés par le Belge Wout Van Aert, Jonas Vingegaard et Tadej Pogačar roulent vers l’affrontement final au sommet du Hautacam.

Comme dans Spandelles, le col précédent, le natif de Sainte-Perpétue a grimpé à son rythme, conscient de ses limites dans cette chaleur suffocante. Cette ascension régulière l’a mené jusqu’à la 20place de la 18étape (+7 min 27 s), un résultat inespéré pour celui qui n’avait pas envisagé de se glisser dans l’échappée.

« À un moment donné, je me suis dit : “J’ai vraiment de bonnes jambes.” Je voyais tout le monde souffrir autour de moi, je regardais les noms : Enric Mas (19e), Romain Bardet (17e). Je ne m’attendais pas à ça en arrivant au Tour de France. »

Je commence à réaliser un peu la qualité de forme que j’ai. Je suis très heureux de mon Tour. C’est au-delà de mes attentes.

Hugo Houle

Avec sa prestation, le vainqueur à Foix, mardi, grimpe au 25rang du classement général, lui qui n’a jamais fait mieux que 47e en six grands tours (France, 2020), dans un rôle de domestique.

« Je suis sur un nuage en ce moment par rapport à tout ce que j’ai accompli. Une étape, un podium, quatre échappées qui sont presque toutes allées au bout. Je ne le réalise pas encore. »

Pas loin des meilleurs…

Avec environ 70 km à faire, Houle s’est glissé dans l’échappée à l’instinct, rejoignant son coéquipier Michael Woods dans le groupe de tête au pied de la première ascension, le col d’Aubisque (hors catégorie). L’échappée s’est décantée dans Spandelles, un col inédit de première catégorie. Woods, qui visait l’étape, a tenté de s’accrocher aux meneurs, tandis qu’Houle a escaladé la pente à son tempo.

« J’ai utilisé ma tête et je me suis dit : “C’est pratiquement impossible que je me rende en haut à cette vitesse.” Je me suis donc relevé à cause de la chaleur. J’ai pris un rythme confortable. Enfin, confortable, c’est relatif… »

Au sommet, Woods n’était plus là. À 2 km, Houle s’est fait dire à l’oreillette que Pogačar (UAE), qui avait attaqué Vingegaard (Jumbo) à cinq reprises, revenait sur lui avec le maillot jaune. À leur passage, il les a observés, avant de s’accrocher à Thomas un peu plus tard.

Dans la descente, ils ont été rejoints par Tiesj Benoot et Sepp Kuss, deux coéquipiers du meneur, qui ont brillé après une certaine déconvenue la veille vers Peyragudes.

C’est comme ça que Houle s’est retrouvé aux avant-postes à la base du Hautacam. « Ça me permet d’avoir la latitude de suivre des coups et d’être capable de subir les changements de rythme et d’attaquer. Mais pour ça, ça prend les jambes. »

PHOTO TIRÉE DU COMPTE INSTAGRAM D’ISRAEL-PREMIER TECH

Hugo Houle, à l’effort

Actuellement, je ne suis pas avec les meilleurs, mais je ne suis vraiment pas loin. Juste après les gars qui font le classement général.

Hugo Houle

Houle a l’intention de tout donner pour le contre-la-montre de 40 km, samedi, veille de l’arrivée sur les Champs-Élysées.

« Comme monsieur Guillaume Boivin m’a dit : “Avec les jambes que tu as, tu devrais faire le chrono à fond.” On va voir comment je récupère. Je vais avouer que ce n’est pas tous les jours que j’ai poussé comme aujourd’hui. En théorie, je devrais essayer de faire un beau chrono. »

Pour Vingegaard, deuxième l’an dernier, ce sera l’occasion de confirmer son premier titre au Tour de France à 25 ans. Mis sous pression par Pogačar dans la descente de Spandelles, le maillot jaune danois s’est fait une petite peur dans un virage un peu trop serré, ce qui l’a obligé à déclipser pour garder l’équilibre.

PHOTO DANIEL COLE, ASSOCIATED PRESS

Le Danois Jonas Vingegaard a remporté la 18e étape du Tour de France, jeudi, dans les Pyrénnées, au sommet de la station du Hautacam.

Un peu plus loin, c’est Pogačar qui s’est étendu dans le petit gravier après avoir mal négocié une courbe. Il s’est remis en selle presque aussitôt avant de revenir sur Vingegaard, qui l’a attendu.

Le Slovène a tendu la main au maillot jaune, qui l’a serrée. Le Tour était presque déjà scellé.

« Aujourd’hui, le meilleur homme a gagné », s’est incliné Pogačar.

Froome positif à la COVID-19

Positif à la COVID-19, Chris Froome a dû quitter le Tour de France avant le départ de la 18e étape à Lourdes, jeudi. Troisième à l’Alpe d’Huez, le Britannique de 37 ans était le coureur le mieux placé d’Israel-Premier Tech, lui qui occupait le 26e échelon du classement général. « C’est assurément pas ce que je souhaitais de voir Chris être obligé de quitter le Tour à cause du virus », a commenté son coéquipier Hugo Houle. Le Québécois a passé une partie de la journée avec Froome lors de l’étape de la veille. « Je roulais devant, a-t-il précisé. Il y a un certain niveau de risques, mais plusieurs gars ont eu la COVID dans le peloton. Je ne sais pas à quel point ça se propage dans un environnement extérieur. À date, je me sens bien, on verra. »

Gaudu vers l’avant

Parmi les principaux gagnants de la journée, David Gaudu, cinquième de l’étape, a fait un bond de crapaud au-dessus de Nairo Quintana (Arkéa) pour s’emparer de la quatrième place au classement général. Le Français de Groupama-FDJ a reçu le soutien de son coéquipier québécois Antoine Duchesne (45e), qui était dans le groupe maillot jaune dans l’Aubisque. Même Thibaut Pinot, l’un des trois rescapés de l’échappée, lui a filé un coup de main dans Hautacam. À moins d’une défaillance, Gaudu devrait conserver ce rang à l’issue du contre-la-montre de Rocamadour. Ce ne sera pas le podium espéré, mais un fichu de bon classement pour l’athlète de 25 ans, 11e l’an dernier.