Environ 1000 kilomètres séparent Montréal de Percé, en Gaspésie. Cette distance a été parcourue en vélo quatre fois par Pierre-Yves Robert en moins de deux semaines à l’occasion d’une course en Europe, et ce, sans vraiment prendre de pause.

Le 6 août, le Montréalais a terminé au 38e rang de la 8e Transcontinental Race (TCR), une course renommée dans le domaine du cyclisme d’endurance. Pour ce faire, il a roulé les quelque 4200 km qui séparent Geraardsbergen, en Belgique, de Burgas, en Bulgarie, en 12 jours, 18 heures et 51 minutes.

C’est là que La Presse l’a joint pour une entrevue entrecoupée d’applaudissements, à l’occasion de l’arrivée d’un nouveau coureur. « Il y a un party à l’arrivée, au 15e jour, et mon objectif, c’était d’être là pour le party », s’est-il réjoui, au bout du fil, après avoir pu récupérer pendant deux jours.

PHOTO FOURNIE PAR PIERRE-YVES ROBERT

Pierre-Yves Robert, à Burgas, en Bulgarie, après avoir terminé la Transcontinental Race

Loin du stéréotype du cycliste professionnel, ce natif de Mont-Saint-Hilaire, en Montérégie, s’est découvert sur le tard une passion pour le cyclisme d’endurance durant ses voyages à vélo. Déjà, il bouclait quotidiennement jusqu’à 150 kilomètres.

« Je me suis rendu compte que chaque fois que j’arrivais dans une ville, je ne visitais pas la ville. Je mangeais quelque chose, je buvais un café, puis j’avais envie de repartir », raconte l’ingénieur électrique de formation.

Il découvre ensuite la TCR et les courses d’ultraendurance en 2018, par l’entremise d’une simple vidéo suggérée sur YouTube.

Pédaler beaucoup et dormir peu

L’année suivante, il s’inscrit à autre course bien connue, la Trans Am Bike Race, un parcours d’environ 7000 km qui traverse les États-Unis, de l’Oregon à la Virginie.

Il termine au 27e rang, en 26 jours et 5 heures, à un rythme moins soutenu qu’en Europe, toutes proportions gardées. « J’étais souvent arrêté en train de manger une pizza dans un restaurant alors qu’en Europe [pendant la TCR], je mangeais plutôt un sandwich sur mon vélo », dit-il.

Car pour traverser le Vieux Continent en 12 jours, il faut pédaler beaucoup, longtemps, et surtout, dormir peu. Outre ses courtes nuits, entre une et deux heures, souvent dans des abris d’autobus, un endroit de choix où se cacher de la pluie, Pierre-Yves Robert se contentait de « micro-siestes » durant la journée.

PHOTO TIRÉE DU COMPTE INSTAGRAM DE PIERRE-YVES ROBERT

Un aperçu des chemins que devait parfois emprunter Pierre-Yves Robert lors de sa traversée de l’Europe. Ici, quelque part entre les monts Parâng, en Roumanie, et Burgas, en Bulgarie.

« Dès que je sentais que mes yeux fermaient, je mettais mon réveil, environ six minutes plus tard, et j’arrêtais comme ça dans chaque village, surtout vers la fin », raconte-t-il en précisant, pour ceux qui s’inquiètent, qu’il « supporte quand même bien le manque de sommeil ».

La TCR étant une course menée en autonomie, c’est-à-dire sans aucune assistance autre que ce qui est disponible commercialement pour tous les participants, ces derniers doivent eux-mêmes se ravitailler et trouver des endroits où dormir, un défi supplémentaire où la débrouillardise de certains leur permet de se distinguer.

S’il est facile de demander à un bon samaritain sur le bord de la 132 de remplir ses gourdes avec son tuyau d’arrosage, c’est une autre paire de manches en Bosnie-Herzégovine.

D’ailleurs, que traîne-t-on dans ses bagages pour rouler 4200 km à vélo en moins de deux semaines ? Pas grand-chose, dixit Pierre-Yves Robert.

Pour dormir : un tapis de sol, un sac de couchage, son « petit luxe » à lui ; un oreiller gonflable, deux paires de cuissards de vélo, dont l’une a peu servi, admet timidement le coureur, et quelques vêtements de rechange. Ajoutez à cela quelques pièces de rechange pour son vélo en cas de bris, et le compte y est.

PHOTO TIRÉE DU SITE INTERNET BIKEPACKING.COM

Le vélo et toutes les sacoches qu’a utilisées Pierre-Yves Robert pour traverser l’Europe durant la Transcontinental Race

Un concours du plus gros mangeur

Sur un aussi long trajet, l’alimentation devient centrale. Le gagnant de cette année, l’Autrichien Christoph Strasser — une sommité du cyclisme d’ultra-distance et détenteur du record de distance à vélo en 24 heures (1026 km, pour les amateurs de chiffres) —, en était à sa première expérience en autonomie.

Il traînait avec lui une boîte de sel qu’il se versait de temps en temps dans la main avant de l’avaler, son petit truc à lui pour récupérer les minéraux perdus en suant lors des chaudes journées en Europe de l’Est.

« C’est une course de vitesse et de performance, oui, mais c’est aussi une course de qui est capable de manger le plus efficacement possible […], un concours du plus gros mangeur », dit en rigolant Pierre-Yves Robert.

Qui plus est, la TCR n’a pas un trajet défini. Seule obligation : passer par quatre points prédéfinis où les coureurs reçoivent une étampe comme preuve de leur cheminement à travers le Vieux Continent.

PHOTO TIRÉE DU COMPTE INSTAGRAM DE PIERRE-YVES ROBERT

Les participants à la Transcontinental Race doivent passer par des points de contrôle où ils reçoivent des étampes comme preuve de leur cheminement. Le calepin de Pierre-Yves Robert montre à quelle date il a atteint ces points de contrôle.

Ainsi, Pierre-Yves Robert a mis deux semaines pour élaborer le trajet qu’il allait emprunter, à coup de longues séances sur l’application Google Maps. « J’ai passé par beaucoup de routes qui se sont trouvées à ne pas être très praticables. Si c’était à refaire, j’utiliserais probablement des segments plus fréquentés », raconte-t-il.

Maintenant qu’il a terminé la course, Pierre-Yves Robert entend profiter des prochaines semaines pour visiter l’Europe à vélo avant de prendre son vol de retour de Lyon, en France, qu’il compte évidemment rejoindre de la Bulgarie… en pédalant.