« Regarde, j’habite là, de l’autre côté du lac… »

Le cycliste québécois Nickolas Zukowsky ne pouvait rêver d’un meilleur compagnon d’échappée lors de la deuxième étape du Tour de Suisse, à l’issue de laquelle il a revêtu le maillot rouge du classement de la montagne, lundi.

Non seulement Michael Schär était le « régional » de l’étape, mais aussi le vétéran de 36 ans a franchi une haie d’honneur en se rendant au départ, les coureurs, le meneur de l’épreuve Stefan Küng en tête, souhaitant souligner sa dernière saison.

« D’entrée de jeu, à deux comme ça, je me suis dit : “Oh boy ! Ça va être une longue journée, ça va être un peu plate !”, a relaté Zukowsky. Mais pour être bien honnête, parmi tous les coureurs que j’aurais pu choisir pour être en échappée, c’était un des meilleurs. »

Le Suisse d’AG2R Citroën est également un puissant pédaleur qui sait parfaitement moduler son effort sur une « balade » en duo de 150 kilomètres. Le natif de Geuensee, commune du canton de Lucerne située près du lac de Sempach, s’est montré particulièrement généreux lundi, « de loin la plus belle journée sur le vélo de [sa] vie ».

« Des milliers de personnes criaient son nom sur le bord de la route, tout au long de la journée, a noté son partenaire de fugue. Il était très motivé, et ça faisait aussi qu’il roulait vraiment fort. On n’a pas chômé, comme on dit au Québec… »

PHOTO TIRÉE DU COMPTE INSTAGRAM @Q36.5_PROCYCLING

Nickolas Zukowsky et Michael Schär en bordure du lac de Sempach, à quelques kilomètres de la résidence du coureur suisse.

En entrevue avant le départ, Zukowsky avait annoncé la couleur sur Eurosport, dévoilant son intention de tenter sa chance en échappée dans ce qui est le « Tour de France » pour sa nouvelle formation helvète Q36.5.

À près de 50 km/h sur le plat, les deux fuyards ont bâti une avance maximale de 4 min 35 s devant un peloton aguiché par cette rare étape suisse accessible aux sprinteurs.

Trois grands prix de la montagne ponctuaient néanmoins le parcours de 174 km. Avec l’accord de Schär, à qui il laissait les points (et la montre !) du kilomètre Tissot, le cycliste de Sainte-Lucie-des-Laurentides s’est emparé des deux premiers sans batailler.

Pour le dernier « KOM », ce fut une autre histoire. Avec le peloton à une trentaine de secondes malgré une chute collective, Zukowsky, « un peu conservateur jusque-là », a haussé la cadence dans la côte d’Oberarig, avant le kilomètre 151, coups de manivelle qui furent fatals à Schär.

« À la fin, je pense qu’il a commencé à payer un peu pour ses efforts. J’ai augmenté le rythme parce que je savais que ça allait être touch-and-go pour essayer de prendre les points dans la dernière bosse. »

De fait, Zukowsky a traversé la ligne tout juste avant le peloton pour empocher les trois points, portant son total à neuf pour la journée.

L’étape s’est conclue au sprint comme prévu, mais pas avec le vainqueur attendu : l’explosif Biniam Girmay a devancé le Français Arnaud Démare (FDJ) et le Belge Wout van Aert (Jumbo), respectivement deuxième et troisième. L’Érythréen d’Intermarché s’est dit « surpris » de battre de tels finisseurs moins de trois mois après une violente chute au Tour des Flandres, où Guillaume Boivin avait failli lui « étamper » le visage.

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Biniam Girmay

Comme il aime parfois le faire, Hugo Houle a frotté pour se mêler au sprint un peu en retrait, ce qui est plutôt bon signe à moins de trois semaines du départ du Tour de France. Le Québécois d’Israel-Premier Tech a terminé 18e, deux rangs après son coéquipier letton Krists Neilands.

Une douzaine de partisans érythréens ont bondi sur Girmay peu après la ligne, heureux de célébrer la première victoire d’importance de leur héros depuis son succès d’étape au Giro l’an dernier. La cérémonie en Italie s’était malheureusement conclue avec une visite à l’hôpital après réception d’un bouchon de prosecco dans un œil…

Lisez notre portrait de Biniam Girmay l’an dernier

À Nottwill, Girmay n’a pas eu à déboucher quoi que ce soit, à l’instar du Suisse Küng (FDJ), toujours en jaune même si le champion mondial Remco Evenepoel (Soudal-Quick-Step) s’est rapproché à cinq secondes à la faveur d’un sprint de bonification qui lui a permis d’en retrancher une.

Nickolas Zukowsky, 52e à l’arrivée, a arboré son maillot rouge de la montagne tout neuf, comme à son dernier passage en 2021, où il l’avait conservé pendant deux étapes.

« C’est mission accomplie aujourd’hui », s’est félicité celui qui a vécu une rédemption après un contre-la-montre « catastrophique » conclu « blanc comme un drap » au 112rang, la veille.

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Nickolas Zukowsky

Zukowsky avait mal réagi à l’ingestion de bicarbonate de soude avant son départ, une pratique courante avant un chrono pour juguler la production d’acide lactique.

« Je l’avais déjà fait, mais avec la chaleur et un peu de café, j’ai connu un problème assez intense, avec des étourdissements et toute la patente. […] Après la course, j’avais le ventre gonflé comme si j’avais un bébé… »

Pleinement remis de cet incident de santé, Zukowsky espère maintenant que son aventure en rouge ne sera pas éphémère alors que la haute montagne se profile dès la troisième étape, mardi, avec deux cols de première catégorie à escalader et une arrivée au sommet à Villars-sur-Ollon. Trouvera-t-il des partenaires aussi généreux que Schär ?