(Bilbao et Vitoria-Gasteiz, Espagne) À 10 euros pièce, les ponchos jaunes du Tour de France ont facilement trouvé preneur en marge de la présentation officielle des coureurs, jeudi soir à Bilbao.

Les plus chanceux ont reçu gratuitement des ponchos à pois rouges distribués par le commanditaire du maillot de meilleur grimpeur. Avec leur chapeau orange, les partisans basques avaient tout un look pour applaudir les cyclistes coiffés du grand béret noir traditionnel, que les locaux appellent la txapela.

Celui de Guillaume Boivin dégouttait au sortir de la grande scène installée devant les célèbres courbes du musée Guggenheim. La pluie s’est mise à tomber dru un peu avant le passage de l’équipe Israel-Premier Tech.

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Les cyclistes de l’équipe Israel-Premier Tech saluent la foule, coiffés du grand béret noir traditionnel que les locaux appellent la txapela, lors de la présentation officielle des coureurs, jeudi soir, à Bilbao.

Pas de quoi (trop) refroidir les ardeurs des quelques milliers d’Euskaldun massés le long des clôtures bordant le défilé de quelque deux kilomètres.

« Ils sont courageux ! », a noté le Québécois, qui a immortalisé le moment en pédalant avec une perche à égoportraits.

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Le Québécois Guillaume Boivin, durant la présentation des équipes

C’est toujours cool de rouler dans les rues et de voir tout le monde qui vient nous encourager. Tu sens la passion des gens ici. Même avec la pluie battante qu’on a en ce moment, ils étaient au rendez-vous. Ça fait chaud au cœur et on a hâte de commencer samedi.

Guillaume Boivin

Deux heures plus tôt, les 176 coureurs et leurs directeurs sportifs avaient eu droit à une réunion préparatoire technique de la direction du Tour de France.

Frissons et émotions

La rencontre a été marquée par une minute de silence poignante à la mémoire de Gino Mäder, jeune coureur suisse mort il y a moins de deux semaines après une chute dans un ravin au Tour de Suisse. En son honneur, aucun des membres de son équipe Bahrain-Victorious ne portera le numéro 61.

« C’est la seule compétition à tenir ce briefing, a souligné Hugo Houle. Je me rappelle mon premier [en 2019]. J’étais super impressionné d’entendre les consignes de sécurité et les règles de procédure. »

Quatre ans plus tard, le cycliste de Sainte-Perpétue a fait partie de la vidéo résumant le Tour de 2022, où il a remporté la 16e étape dans les Pyrénées et rendu hommage à son frère disparu.

PHOTO FOURNIE PAR L’ÉQUIPE ISRAEL-PREMIER TECH

Hugo Houle en entrevue avec des médias locaux

Ça me donne toujours des frissons de revoir les images.

Hugo Houle

« C’est un beau moment qui représente beaucoup pour moi, nous a-t-il écrit de l’autocar après avoir filé entre les gouttes dans la zone mixte. Sinon, la vidéo récapitulative nous remet dans l’ambiance et nous fait revivre les émotions du Tour. De voir les vainqueurs d’étapes et de faire partie de cette vidéo me fait réaliser le privilège de gagner au TDF. Surtout en regardant le nombre de champions dans la salle. »

Qu’il le veuille ou non, Houle appartient maintenant à cette caste, un statut dont il est reconnaissant, mais qui ne change pas son approche pour ce qui sera sa cinquième Grande Boucle consécutive.

« Que ce soit de la part des coureurs ou de la foule en France, c’est clair que je suis plus reconnu. Ils savent qui est Hugo Houle. Ils croient plus en moi. Mais il faut tout le temps refaire ses preuves. On est vite oublié. Je dois répondre présent encore cette année. »

Réussir à nouveau

Sur ce plan, personne n’a d’inquiétudes. Son ami Antoine Duchesne, avec qui il a franchi la ligne d’arrivée des Champs-Élysées au coude-à-coude l’été dernier, est persuadé que Houle pourra se donner les chances de s’illustrer à nouveau.

« Mon pote a bonne mine et il a confiance », a rapporté le nouveau retraité depuis la France, la semaine dernière. « D’habitude, quand il me dit : “Inquiète-toi pas, mon Tony, ça va aller”, c’est qu’il le sait. Il a de l’expérience. Il a bien géré ses choses, fait un Tour de Suisse correct, ce qui est bon signe parce que tu sens qu’il a une marche à monter. »

La mort tragique de Mäder a secoué les coureurs, mais Houle a réussi à conserver son calme, même s’il est passé sur les lieux quelques minutes après l’accident.

« Hugo fait ses affaires et il est difficile à ébranler, a soutenu Duchesne. Ça l’a affecté, mais pas autant que d’autres. Il reste sur son chemin et garde la tête froide. »

Je ne veux pas le “scooper” et révéler ce qu’il m’a dit, mais il est prêt et motivé pour refaire quelque chose de bien au Tour.

Antoine Duchesne

En tout cas, cette victoire, sa seule chez les professionnels, n’a pas rassasié le principal intéressé.

PHOTO SIMON DROUIN, LA PRESSE

Hugo Houle

« C’est un rêve et je ne savais pas si j’allais l’accomplir », a rappelé Houle en après-midi à son retour d’une sortie d’entraînement dans les montagnes à proximité de Vitoria-Gasteiz, où loge Israel-Premier Tech pour ce grand départ.

Aujourd’hui, je veux revivre le même feeling, réussir à nouveau.

Hugo Houle

« C’est sûr que l’émotion sera toujours différente. La première, c’était pour mon frère. Je ne vais jamais égaler ça. C’est impossible. Il reste que j’ai la même motivation, la même drive de montrer que je suis capable d’être devant, et c’est ce pour quoi on fait des sacrifices et qu’on se prépare depuis un mois et demi. »

Les trois prochaines semaines seront « un peu le test pour voir si ça a bien fonctionné ».

« Je le vois plus comme un défi avec ma personne et [une volonté] de montrer que le niveau de l’année passée, ce n’était quand même pas un coup de chance. »

Pas de place au hasard

À 68,5 kg – 4 de moins qu’en janvier –, Houle est évidemment affûté, comme tous ses collègues. « Faut rester en santé et avoir un peu de chance, mais j’ai confiance en ma forme et ma condition physique. Je suis certainement dans la même posture que l’année dernière, sinon mieux. »

Après avoir disputé pour la première fois le Tour du Pays basque, où il a fini quatrième d’une étape l’an dernier, le Québécois de 32 ans sait un peu à quoi s’attendre durant les trois premières étapes.

Fidèle à ses habitudes, il fera quand même une analyse précise de chacune d’entre elles durant le trajet en bus vers le départ à partir de samedi. Comme plusieurs de ses collègues, il consulte l’application VeloViewer, sorte de Google Street View pour cyclistes auquel les équipes s’abonnent à forfait.

« Avec l’expérience, tu peux voir le type de routes, surtout quand tu connais la France : routes nationales, départementales, ça donne une idée de leur largeur, leur topologie. Tu arrives à avoir une bonne idée de ce à quoi l’étape va ressembler. Je repère les points clés pour être bien placé parce que je sais que ça a une incidence [sur le déroulement]. »

Selon la complexité du parcours, j’y mets un bon 35-40 minutes par jour. Moi, je suis très studieux. Je les checke toutes. Il y en a qui n’ont aucune idée où ils s’en vont. Moi, je sais où je m’en vais…

Hugo Houle

Rien n’est donc laissé au hasard pour ce 110e Tour de France, d’autant que Houle ignore combien il lui en reste. Il vise assurément celui de 2024, qui s’achèvera exceptionnellement près de chez lui à Nice et qui constituera une préparation idéale pour les Jeux olympiques de Paris.

Mais en 2025 et 2026, année où il se voit conclure sa carrière avec les Championnats du monde de Montréal, il souhaite refaire le Giro, dix ans après sa première participation.

Mais Hugo Houle n’était pas là pour parler de l’Italie. Après une demi-heure de conversation, il a pris congé des deux journalistes québécois, pour se diriger vers la table de massage.

« Profitez bien de vos vacances, les gars ! », a-t-il lancé avec un clin d’œil avant de s’engouffrer dans l’ascenseur. Ça devait être de l’humour basque.