(Saint-Sébastien, Espagne) Impressionné par la démonstration presque insolente de Victor Lafay dans les pentes escarpées de Bilbao la veille, Hugo Houle a « chambré » son collègue au départ de la deuxième étape, sous un crachin dimanche midi à Vitoria-Gasteiz.

« J’ai vu que t’avais les jambes, tu te promènes ! », lui a lancé le Québécois en mimant le mouvement des pédales avec l’index et le majeur, symbole universel d’aisance sur deux roues.

On ne saura pas ce que le Français lui a répondu, mais cinq heures plus tard, sur l’asphalte asséché de Saint-Sébastien, il a surpris tous les favoris en décampant sous la flamme rouge avant de résister in extremis à leur retour pour lever les bras à l’arrivée.

Non seulement cette victoire était la plus belle du coureur de 27 ans, vainqueur sur le Giro en 2019, mais aussi elle représentait une délivrance presque miraculeuse pour la formation Cofidis, qui n’y avait pas goûté sur le Tour depuis 2008 et un succès de Sylvain Chavanel.

PHOTO ANNE-CHRISTINE POUJOULAT, AGENCE FRANCE-PRESSE

Victor Lafay

Quinze ans de frustration – et même de railleries – ont probablement disparu d’un seul coup pour l’écurie nordiste, parfois moquée pour son uniforme rouge et jaune soleil qui n’a pas toujours offert un assemblage heureux.

Pour y arriver, Lafay a réussi le « coup du kilomètre », à savoir jeter toutes ses cartes à 1000 mètres du fil pour anticiper le sprint final, quitte à exploser et dégringoler au classement de l’étape.

« Quand j’ai fait mon effort, je ne réfléchissais même pas à gagner », a raconté le Lyonnais à la bouille sympathique, encore essoufflé.

C’était juste de faire mon effort au maximum. Je voyais la ligne et je regardais sur le compteur : 500 mètres, 400 mètres… Je voyais les watts qui baissaient un tout petit peu. Je me disais : allez, allez ! J’ai quand même remonté une dent. Voilà, j’y ai cru jusqu’au bout. C’est un truc de malade !

Victor Lafay

Lafay a devancé dans l’ordre Wout van Aert (Jumbo-Visma), Tadej Pogačar (UAE) et Jonas Vingegaard (Jumbo), les acteurs principaux du dernier Tour. Les trois Galacticos du cyclisme se sont encore livré une bataille de manivelle au sommet du Jaizkibel, la montagne emblématique de Saint-Sébastien envahie par les Zaleak, nom donné aux partisans basques.

Cinquième la veille, le Canadien Mike Woods (IPT) a cette fois terminé septième, reculant de deux échelons au classement général. Son coéquipier belge Dylan Teuns a pris le neuvième rang.

« Il y a eu un gros tempo toute la journée », a relaté Lafay, qui a obtenu le même temps que ses 23 poursuivants, comme quoi il a failli tout perdre.

« Ce n’est pas ce que j’affectionne le plus. En plus, j’avais un point de côté dès le milieu de l’étape que j’ai traîné dans la dernière bosse où j’étais un peu limite. Je me suis vraiment accroché. Je me suis dit : pour une fois, je vais avoir un plan dans le final, ce que je n’ai pas forcément d’habitude ! »

Sixième samedi, après s’être mêlé au premier duel Pogačar-Vingegaard, le puncheur s’est un peu effacé cette fois-ci.

« Hier, j’ai été victime du marquage. Peut-être qu’aujourd’hui, j’en ai profité un peu. J’ai vu que Jumbo avait beaucoup travaillé dans le final. C’est pour ça aussi que je me suis dit que c’était peut-être une bonne idée de faire le coup du kilomètre, vu qu’ils étaient un peu entamés. Wout n’allait pas rouler de lui-même. J’ai joué là-dessus et je pense que c’est ce qui m’a fait gagner. »

Dix-neuvième de l’étape, Adam Yates (UAE) a conservé son maillot jaune, mais Pogačar s’est glissé entre lui et son frère jumeau Simon (Jayco) grâce aux 12 secondes de bonification arrachées au sommet du Jaizkibel et à l’arrivée.

PHOTO BENOIT TESSIER, REUTERS

Adam Yates

Premier à dégainer dans la montagne, Vingegaard a ultimement perdu cinq secondes par rapport à son principal rival au général, où il a néanmoins remonté à la sixième place.

Après les cérémonies, Lafay a pédalé vers l’autobus en relançant avec la main les vivats des Donestiens qui n’avaient pas envie que ce dimanche finalement ensoleillé se termine. Les deux voitures de Cofidis, qui le suivaient derrière, klaxonnaient à l’envi, points d’exclamation d’une journée inoubliable.

Consultez le classement final de l’étape Consultez le classement général