(Bayonne) Guillaume Boivin et Hugo Houle ont joué à « Où est Corbin ? » à l’occasion du premier sprint massif du Tour de France, lundi après-midi, à Bayonne.

Contrairement au célèbre personnage d’Où est Charlie ?, Corbin Strong ne portait pas de bonnet et de chandail rayé rouge et blanc. Le Néo-Zélandais de 23 ans roulait plutôt en bleu, blanc et orange.

Même si le nouvel uniforme d’Israel-Premier Tech (IPT) est voyant, il était difficile à repérer dans les premières places du peloton chamarré qui déboulait à plus de 70 km/h sur le pont qui enjambe la rivière Nive. Les avironneuses qui ramaient sur ses eaux brunes ont probablement été décoiffées.

À leur première expérience ensemble dans ce contexte, Houle et Boivin, les deux seules locomotives du modeste « train » d’IPT, ont perdu leur unique wagon, Strong terminant 16e de la troisième étape remportée par le Belge Jasper Philipsen (Alpecin-Deceuninck).

« C’était un bon premier essai dans un sprint comme ça, a jugé la recrue. On n’a pas obtenu un bon résultat, mais les boys ont vraiment fait un bon travail dans l’approche. Avec les ressources qu’on a, on a fait une job pas mal pour se mettre en position. »

C’est un peu après que l’opération « il faut placer le soldat Corbin » s’est enrayée. Dans un rond-point à 2,4 km, Houle a dû négocier un léger goulot d’étranglement.

« Je les ai remontés quand il fallait, à deux kilomètres, a-t-il noté en descendant du vélo. J’étais dans la roue de Wout van Aert, tranquille. C’était parfait. »

Le problème est que Strong n’était plus là.

PHOTO FOURNIE PAR ISRAEL-PREMIER TECH

Corbin Strong

« Il suit pas ! », a balancé Houle quand Boivin l’a rejoint à l’autocar. « Tu as vu, avant le rond-point, je vous ai amenés… »

« Nous, ça ne passait pas, mais il n’était pas là, a confirmé Boivin. Je n’ai pas trop forcé pour passer. Ensuite, je me suis laissé descendre pour aller le chercher. Il m’a repassé dans le groupe DSM et j’ai recouru après. Dans le dernier kilomètre, je me suis dit : je ne vais pas revenir pour lui faire vague et qu’il se fasse enfermer. Comprends-tu ce que je veux dire ? »

« Moi, je suivais, a poursuivi Houle. [Mads] Pedersen [9e] m’est sorti dans la face et j’ai laissé passer [Peter] Sagan pour ne pas prendre de risques. Je m’amuse. »

À son baptême du Tour, Corbin Strong avait mis en vitrine son profil de puncheur/sprinteur dans les casse-pattes autour de Bilbao en réglant le deuxième groupe pour se classer 15e. À cette première occasion pour les véritables grosses cylindrées de vrombir leur moteur, il ne s’attendait pas à batailler avec les meilleurs à Bayonne. Une place parmi les 10 premiers l’aurait satisfait.

« Ça aurait été une bonne première manche, mais je l’ai manqué de quelques positions, a reconnu l’athlète de 5 pi 6 po et 140 lb. Ça a été une bonne expérience. On va continuer à apprendre. Espérons que je pourrai me battre pour la victoire dans les prochains [sprints]. »

Boivin, son partenaire de chambre, regardait lui aussi vers l’avant.

On a assurément les jambes pour être là, mais à trois, on n’est pas beaucoup. Il faut prendre des risques un peu et on n’a pas fait beaucoup de sprints ensemble. Ça peut juste s’améliorer à partir d’aujourd’hui. Au moins, tout le monde est resté debout. On va se réessayer demain.

Guillaume Boivin

De belle humeur, Houle partageait le même optimisme : « On manque un peu d’expérience. C’est la première fois que je cours avec eux pour les sprints. C’est donc difficile de rester toujours groupés. Mais l’intention était là. On a bien couru, on était là dans le final et on a essayé. »

Les deux hommes ont accepté de poser pour immortaliser ce premier « train » d’Israel-Premier Tech au Tour de France 2023.

« Il est limité en ost… le train ! », a pouffé Houle avant de passer à la douche dans l’autocar, déjà prêt à partir pour la prochaine étape. Un autre sprint est à prévoir entre Dax et Nogaro. Joueront-ils encore à « Où est Corbin ? » Et si Boivin tentait sa chance ?

Dans la roue de Van der Poel

PHOTO ANNE-CHRISTINE POUJOULAT, AGENCE FRANCE-PRESSE

Jasper Philipsen (en bleu) a remporté la troisième étape du Tour.

Ce n’était pas très compliqué : à part pour une victoire de Mark Cavendish, le sprint à Bayonne serait plus ou moins un non-évènement.

À la poursuite du record d’étapes au Tour de France, le Cav’, qui en a 34 comme Eddy Merckx, a croisé la ligne au sixième échelon, un ton au-dessous des prétendants.

Même à 38 ans, le Britannique d’Astana a démontré qu’il faudra compter sur lui au Tour, comme au dernier Giro où il a coiffé tout le monde à la dernière étape à Rome, son 17e succès en Italie.

Jasper Philipsen (Alpecin) a battu dans l’ordre Phil Bauhaus (Bahrain) et Caleb Ewan. Le finisseur de poche de Lotto a signé son meilleur résultat depuis sa dernière victoire en 2020.

Dans ce final en courbe, Philipsen a légèrement fermé la porte au malheureux Wout van Aert (Jumbo), qui a dû se relever (4e). Le jury des commissaires a visionné la reprise, mais n’a pas mis de temps à confirmer le succès du « Jasper Disaster » de la série Netflix, couronné sur les Champs-Élysées l’été dernier.

L’homme à battre, c’est lui, même s’il refuse de porter le chapeau. « On décidera après Paris », a tempéré le Belge de 25 ans, qui a assuré ne pas avoir voulu être « injuste » envers son compatriote van Aert, surpris par Victor Lafay (Cofidis) la veille à Saint-Sébastien. « Si tu as l’avance, c’est normal de prendre le chemin le plus court vers la ligne. »

Le véritable feu d’artifice de la journée a été la façon dont son poisson-pilote de luxe, Mathieu van der Poel, l’a mis en orbite entre les 600 et 300 mètres. Après deux prestations décevantes dans le Pays basque, le petit-fils de Raymond Poulidor a exposé son vrai niveau.

« Ce n’est pas facile de rester dans la roue de Mathieu, a admis Philipsen. Si les autres trains ne sont pas capables de passer, tu sais que ça va vite. Seulement l’accélération en vue du sprint a été très difficile. »

Adam Yates (UAE), 66e de l’étape, a conservé son maillot jaune sans peiner.