(Nogaro, France) À 94 ans bien sonnés, André Darrigade aurait probablement pu suivre le peloton parti de Dax, mardi après-midi.

Foulard rouge au cou, symbole de la feria locale, le Lévrier des Landes a été présenté au public du village-départ avant le lancement, à l’ombre des arènes, de la quatrième étape du Tour de France.

Considéré comme l’un des plus grands routiers-sprinteurs de tous les temps, l’ex-champion mondial et maillot jaune a pris le micro pour dire comment il était « ému » d’accueillir le Tour dans ce qui est « presque » sa ville natale.

PHOTO SIMON DROUIN, LA PRESSE

L’ex-champion cycliste André Darrigade a été présenté au public avant le lancement de la quatrième étape du Tour de France.

Celle-ci est Narrosse, première commune à l’ouest, où on entre par un rond-point nommé en son honneur. Une haute statue en fer trône en son milieu. Sur son vélo et poing droit au ciel, Dédé célèbre l’une de ses 22 victoires d’étape, ce qui le situe au quatrième rang de l’histoire.

Contrairement aux suiveurs de l’itinéraire hors course, Mark Cavendish, comeneur à 34, et ses collègues ne l’ont pas aperçue, bifurquant un embranchement plus tôt.

Direction : le tout petit village de Nogaro et son vieux circuit de course automobile Paul Armagnac, où Jacques Villeneuve a établi un record de parcours au printemps 2000 lors d’essais à sa première saison chez BAR.

Ennuyeux…

Si les 175 cyclistes visaient un autre record, c’était peut-être celui du début d’étape le plus ennuyeux. OK, à 38 km/h de moyenne pour les deux premières heures, Darrigade aurait fait long feu, mais sur un vélo à assistance électrique, qui sait ?

Après une ou deux tentatives d’échappée avortées, Mikkel Bjerg (UAE), hilare, a incité l’avant-garde de la course à accélérer, sous l’œil impassible de Guillaume Boivin.

Le peloton a fermé les rideaux jusqu’au sprint intermédiaire de Notre-Dame des Cyclistes (oui, oui).

Après une petite centaine de kilomètres, juste avant d’entrer dans le Gers, Benoît Cosnefroy (AG2R Citröen) s’est tanné. Il s’est enfui en cherchant du renfort du regard. Celui-ci est venu d’Anthony Delaplace (Arkea Samsic), son ami normand.

PHOTO MARCO BERTORELLO, AGENCE FRANCE-PRESSE

Benoît Cosnefroy et Anthony Delaplace

C’était une échappée pour la forme, à tel point que Cosnefroy s’est rapproché de la moto-caméra dans l’espoir de prendre un peu d’avance dans ses besognes.

« Si on peut faire l’interview d’après-course maintenant, on peut la faire, ça m’évitera la zone presse ! », a-t-il lancé avant de s’interroger lui-même : « Pourquoi on a fait ça ? Je ne sais pas. »

Le vainqueur sortant du Grand Prix de Québec a semblé déçu de réaliser qu’il ne s’adressait qu’à une lentille. « Que cameraman, pas journaliste alors ? », s’est-il résigné avant de reprendre la roue de Delaplace. Pour sa peine, il a reçu le prix de la combativité à la fin de l’étape.

À la salle de presse, un représentant nous a accueillis avec une petite bouteille d’armagnac, la spécialité locale, et deux autres de floc de Gascogne, un blanc et un rouge, élaborés à partir d’armagnac jeune.

« C’est plus corsé », a expliqué le jeune homme avant de glisser, pince-sans-rire : « Vu la course aujourd’hui, vous allez en avoir besoin. »

« Pas mon intention »

Heureusement, les jambes se sont déliées après la côte de Dému, seule « difficulté » de la journée, après laquelle Cosnefroy et Delaplace ont été repris.

À l’approche du circuit, les trains de sprint ont commencé à se positionner, côte à côte avec l’équipe Jumbo-Visma. Le petit Jonas Vingegaard, champion en titre, a même été le deuxième à virer sur la piste, conduit par Matej Mohoric (Bahrain), potentiellement le meilleur pilote du peloton.

Les choses se sont corsées dans les larges courbes de l’autodrome, avec trois chutes successives à partir des 2,5 km, dont celle de Fabio Jakobsen (Lotto Quick-Step), l’un des favoris, apparemment fauché par Jasper Philipsen, son rival direct. Le Danois s’est relevé, son maillot de champion européen tout déchiré à l’épaule droite et son vélo brisé en trois morceaux.

PHOTO FRANCK FAUGÈRE, FOURNIE PAR REUTERS

Jacopo Guarnieri et Fabio Jakobsen

Philipsen (Alpecin) a réussi à éviter tous ces écueils. Encore une fois mis en orbite par Mathieu van der Poel, qui l’a déposé aux 150 mètres, le Belge de 25 ans a résisté de justesse au retour de Caleb Ewan pour décrocher sa deuxième victoire consécutive après celle de la veille à Bayonne.

L’Allemand Phil Bauhaus (Bora) a complété le podium, tandis que le petit Bryan Coquard (Cofidis), 4e, s’est brillamment faufilé malgré la violente chute d’un équipier. Cinquième, Cavendish s’est rapproché un peu plus d’un 35succès record.

Questionné par un journaliste néerlandais, Philipsen s’est défendu d’avoir causé la perte de Jakobsen, stipulant qu’il n’avait fait que suivre le sillage de ses coéquipiers.

« J’ai senti que Fabio était là, a expliqué le nouveau maillot vert. À mes yeux, il s’est glissé dans un espace trop mince. Il y avait aussi quelqu’un à droite. Je n’ai pas exactement vu ce qui s’est passé parce que ça arrive tellement vite. Mais je veux mettre une chose au clair : ce n’est pas mon intention de faire tomber quiconque. »

PHOTO ANNE-CHRISTINE POUJOULAT, AGENCE FRANCE-PRESSE

Jasper Philipsen peu de temps avant de franchir la ligne d’arrivée

Voilà pour la petite controverse de cette journée à l’issue de laquelle Adam Yates (UAE) a conservé le jaune.

Philipsen a ajouté qu’un tel désordre dans le final était « un peu prévisible après une course aussi facile ». « C’était l’étape du Tour de France la plus ennuyante depuis longtemps. »

En espérant que M. Darrigade ne soit pas tombé de sommeil avant le feu d’artifice.

Le classement de la 4étape

  1. Jasper Philipsen (BEL/ADC) les 181,8 km en 4 h 25 min 28 s (moyenne : 41,2 km/h)
  2. Caleb Ewan (AUS/LTD) à 0 s
  3. Phil Bauhaus (ALL/TBV) 0 s
  4. Bryan Coquard (FRA/COF) 0 s
  5. Mark Cavendish (GBR/AST) 0 s
  6. Danny van Poppel (P. -B. /BOH) 0 s
  7. Alexander Kristoff (NOR/UXT) 0 s
  8. Luka Mezgec (SLO/JAY) 0 s
  9. Wout van Aert (BEL/TJV) 0 s
  10. Mads Pedersen (DAN/LTK) 0 s
  11. Corbin Strong (NZL/IPT) 0 s
  12. Luca Mozzato (ITA/ARK) 0 s
  13. Peter Sagan (SVK/TEN) 0 s
  14. Dylan Groenewegen (P. -B. /JAY) 0 s
  15. Jordi Meeus (BEL/BOH) 0 s
  16. Mathieu van der Poel (P. -B. /ADC) 0 s
  17. Soren Kragh Andersen (DAN/ADC) 0 s
  18. Julian Alaphilippe (FRA/SOQ) 0 s
  19. Christophe Laporte (FRA/TJV) 0 s
  20. Biniam Girmay (ERI/ICW) 0 s

Le classement général

  1. Adam Yates (GBR/UAD) 18 h 18 : 01.
  2. Tadej Pogacar (SLO/UAD) à 6.
  3. Simon Yates (GBR/JAY) 6.
  4. Victor Lafay (FRA/COF) 12.
  5. Wout van Aert (BEL/TJV) 16.
  6. Jonas Vingegaard (DAN/TJV) 17.
  7. Jai Hindley (AUS/BOH) 22.
  8. Michael Woods (CAN/IPT) 22.
  9. Mattias Skjelmose (DAN/LTK) 22.
  10. Carlos Rodríguez (ESP/IGD) 22.
  11. David Gaudu (FRA/GFC) 22.
  12. Mikel Landa (ESP/TBV) 22.
  13. Wilco Kelderman (P. -B. /TJV) 22.
  14. Romain Bardet (FRA/DSM) 43.
  15. Thomas Pidcock (GBR/IGD) 43.
  16. Emanuel Buchmann (ALL/BOH) 43.
  17. Giulio Ciccone (ITA/LTK) 43.
  18. Pello Bilbao (ESP/TBV) 43.
  19. Steff Cras (BEL/TEN) 43.
  20. Dylan Teuns (BEL/IPT) 43.

67. Hugo Houle (CAN/IPT) 16 : 52. 115. Guillaume Boivin (CAN/IPT) 28 : 13.