« À toi, à moi ! », s’enflammait Édouard Carpentier quand Dino Bravo et King Tonga échangeaient les « atémis » à qui mieux mieux sur le ring des Étoiles de la lutte, émission qui régalait les ados le dimanche matin au début des années 1980.

Tadej Pogačar et Jonas Vingegaard ont offert leur propre version de ce classique québécois lors des deux étapes pyrénéennes du Tour de France.

Après le coup de la corde à linge de Vingegaard, mercredi dans Marie-Blanque, Pogačar a répliqué avec une prise du petit paquet surprise, jeudi, à moins de trois kilomètres de la première arrivée au sommet à la station Cauterets-Cambasque.

Là où le grand Miguel Induraín s’était imposé pour la première fois, mais dans un tout autre style, en 1989, Pogačar (UAE) a désarçonné Vingegaard (Jumbo) avec un bondissement aérien. Comme s’il avait été allumé par le va-nu-pieds en maillot à pois qui « gambadait » à leurs côtés, fumigène rouge à la main.

Tandis que le Danois inclinait la tête, impuissant, le Slovène, en danseuse, écrasait les pédales à 30 km/h dans le secteur le plus pentu de la montée, à 11 %.

PHOTO THIBAULT CAMUS, ASSOCIATED PRESS

Tadej Pogačar et Jonas Vingegaard

Grimaçant, Vingegaard a sauvé les meubles dans les derniers hectomètres, moins durs, mais il a néanmoins concédé 28 secondes à son rival direct, bonifications à l’arrivée comprises. Croyez-moi, ça fait mal.

Même si le champion en titre a retrouvé le maillot jaune, cédé après une journée par Jai Hindley (6e), dorénavant 3e au général, il est clair que Pogačar (2e) a repris l’ascendant au terme de cette sixième étape, en dépit de son retard de 25 secondes sur la première place.

Une douce revanche ? lui a demandé Sébastien Piquet, la voix de Radio Tour.

« Je ne dirais pas que c’était une revanche, mais c’est sympa de gagner et de reprendre un peu de temps », a, sans surprise, répondu Pogačar, qui n’a jamais semblé animé d’un tel sentiment depuis le début de sa carrière. « Je suis un peu soulagé et je me sens beaucoup mieux maintenant. »

C’était pourtant mal barré pour le double vainqueur du Tour, dont les coéquipiers ont été étouffés comme tous les autres quand les Jumbo ont relayé les Bora d’Hindley dans le mythique Tourmalet, le col précédent.

La suite était claire : les hommes en jaune et noir s’apprêtaient à mettre le bordel comme la veille. Juan Manuel Gárate, directeur sportif d’Ineos, l’a d’ailleurs rappelé à ses coureurs dans un message diffusé en direct.

La présence à l’avant de Wout van Aert, parti au kilomètre 0 avec Julian Alaphilippe, ne faisait qu’appuyer cette hypothèse, qui n’en a rapidement plus été une.

Honnête, Pogačar a admis avoir été inquiet. « Qui ne le serait pas ? La démonstration réalisée [mercredi] par Jonas était incroyable. Quand ils ont commencé à tirer dans le Tourmalet, j’ai pensé : “Merde, si ça se passe comme hier, on peut faire nos bagages et retourner à la maison !” Heureusement, j’ai pu suivre dans le Tourmalet assez confortablement. »

Hindley s’est accroché jusqu’au village de La Mongie, à 4 km du sommet, avant d’adopter un rythme plus soutenable. Rayonnant dans son entrevue d’avant-course, l’Australien de la Bora s’est bien battu dans sa combinaison jaune pour éviter l’écroulement, déboursant néanmoins 2 min 39 s à l’arrivée.

Impatient et probablement mis en confiance par son numéro de la veille, Vingegaard s’est envolé avant la fin du Tourmalet, avec 50 km à faire. Seul Pogačar a suivi, une image qui n’était pas sans rappeler l’étape du Granon de l’été dernier, Primož Roglič en moins.

De garde dans la descente du Tourmalet, le fidèle van Aert a repris du service quand son chef de file l’a rejoint, entreprenant un deuxième quart de travail qui a duré 20 kilomètres et s’est terminé aux deux tiers de la montée finale à Cauterets. Deux spectateurs lui ont alors offert une petite poussée, le temps qu’il cesse de zigzaguer.

Élu combatif du jour pour une deuxième fois d’affilée, le Belge a éteint le semblant de polémique déclenchée par son coup de sang après sa deuxième place à San Sebastián, dimanche.

Heureux de renouer avec le jaune, Vingegaard a salué le succès de Pogačar, avouant qu’il visait l’étape et un autre direct au corps à Pogačar.

« On voulait le tester de nouveau et voir comment il se sentait, a expliqué l’ancien poissonnier, et je suppose qu’il se sentait mieux qu’hier. »

Après le franchissement de la ligne, Pogačar a fait la révérence devant les photographes. Le maillot blanc a dédié son 10succès d’étape à sa blonde Urška Žigart, victime d’une commotion après une chute au Tour d’Italie féminin, la veille.

Pogačar, qui arborait pour la première fois un ruban orthopédique à son poignet gauche fracturé au printemps, est de retour dans le match de catch.

Seule interrogation pour la suite : l’apparente faiblesse de son équipe face à la machine bien huilée de Jumbo-Visma. Ça ressemblait presque à un combat-handicap.

Prochaine bataille royale pour les deux ténors : dimanche et l’arrivée au sommet du mythique Puy-de-Dôme. Si Dieu le veut.

Le top 10 de la 6étape

  1. Tadej Pogačar (SLO/UAD) les 144,9 km en 3 h 54 : 27. (moyenne : 37,2 km/h)
  2. Jonas Vingegaard (DAN/TJV) à 24.
  3. Tobias Johannessen (NOR/UXT) 1 : 22.
  4. Ruben Guerreiro (POR/MOV) 2 : 06.
  5. James Shaw (GBR/EFE) 2 : 15.
  6. Jai Hindley (AUS/BOH) 2 : 39.
  7. Carlos Rodríguez (ESP/IGD) 2 : 39.
  8. Simon Yates (GBR/JAY) 2 : 39.
  9. Adam Yates (GBR/UAD) 3 : 11.
  10. Romain Bardet (FRA/DSM) 3 : 11.

Le top 10 du classement général

  1. Jonas Vingegaard (DAN/TJV) 26 h 10 : 44.
  2. Tadej Pogačar (SLO/UAD) à 25.
  3. Jai Hindley (AUS/BOH) 1 : 34.
  4. Simon Yates (GBR/JAY) 3 : 14.
  5. Carlos Rodríguez (ESP/IGD) 3 : 30.
  6. Adam Yates (GBR/UAD) 3 : 40.
  7. David Gaudu (FRA/GFC) 4 : 02.
  8. Romain Bardet (FRA/DSM) 4 : 42.
  9. Thomas Pidcock (GBR/IGD) 4 : 42.
  10. Sepp Kuss (É.-U. /TJV) 5 : 28.