Tandis que Jonas Vingegaard et Tadej Pogačar se neutralisaient pour la troisième journée de suite, Hugo Houle a repris des plumes après une frousse liée à sa santé la semaine dernière.

« Ça me redonne un peu le moral », a admis le cycliste québécois après avoir fini 13e d’une 15étape marquée par la chute de son coéquipier Krists Neilands et remportée par le grimpeur néerlandais Wout Poels (Bahrain), dimanche, à Saint-Gervais Mont-Blanc.

Après une défaillance de son compatriote Michael Woods dans la principale ascension de la journée, Houle a profité d’une « carte blanche » chez Israel-Premier Tech (IPT) pour décrocher son meilleur résultat au Tour de France depuis sa victoire à Foix l’an dernier.

« Je suis très content de mes trois dernières journées », a exprimé celui qui a roulé en échappée sur plus de 200 kilomètres depuis vendredi.

« Après la sixième étape, je ne m’en suis pas trop vanté, mais j’étais tombé malade. J’avais des sécrétions jaunâtres et toute la patente. Je me sens à peu près normal depuis la 12étape [jeudi]. J’ai eu un peu peur que ça tourne mal. On a réussi à bien gérer ça. Je me sens de mieux en mieux. J’espère que je pourrai continuer à être offensif comme ça en troisième semaine. »

Peu après le départ à Les Gets Les Portes du Soleil, Houle a intégré un grand groupe d’échappée de près de 40 cyclistes. Woods, Neilands et Dylan Teuns l’accompagnaient pour cette deuxième étape alpestre tout à l’attaque pour l’écurie de Sylvan Adams et Jean Bélanger.

On avait un plan assez ambitieux. On voulait placer cinq coureurs dans l’échappée. Finalement, on a réussi à en placer quatre. L’objectif était d’y aller à fond pour Michael Woods. L’opération a donc bien marché au départ étant donné qu’on était les quatre coureurs les plus à l’aise en montagne.

Hugo Houle

Largement en avance sur le groupe maillot jaune de Vingegaard (Jumbo-Visma), qui lui a laissé plus de sept minutes d’avance, l’échappée a pris du rythme dans le col de la Croix Fry, plus longue montée de l’étape (11,3 km à 7 %).

Une attaque de l’ancien champion mondial Rui Costa (Intermarché), gagnant du Grand Prix de Montréal en 2011, a semblé stimuler les principaux grimpeurs, comme le futur maillot à pois Giulio Ciccone (Lidl-Trek).

Woods (67e, + 27 min 52 s), premier au Puy-de-Dôme une semaine plus tôt, n’a cette fois pas été en mesure de tenir la cadence, ce qui a donné le champ libre à ses trois coéquipiers toujours dans le coup.

Neilands s’est encore montré le plus en jambes des IPT, répondant à une accélération impressionnante de Wout van Aert (Jumbo) avant le sommet des cols Aravis. Avec Poels, ils sont revenus sur Marc Soler (UAE), qui s’était lancé plus tôt à un peu moins d’une cinquantaine de kilomètres de l’arrivée.

Quatrième à Issoire mardi, Neilands, pourtant bon pilote, est tombé dans la descente après avoir saisi un bidon de la moto de dépannage neutre, qui l’a accroché. Une « erreur technique », dixit Houle, qui a durement projeté le Letton près d’un parapet de ciment. Il s’est heureusement relevé pour rallier l’arrivée au 35rang.

PHOTO FOURNIE PAR ISRAEL-PREMIER TECH

Krists Neilands après sa chute

« Je suis déçu et triste pour lui vu la qualité de ses jambes présentement. C’est très difficile de gagner au Tour et aujourd’hui, il avait une opportunité. […] Il n’est pas trop magané. Il va se reprendre. C’est un guerrier. »

Après s’être accroché au groupe des poursuivants avec Teuns, revenu de justesse, Houle s’est lancé à fond de train dans la descente vers Domancy, dernier bout de plat avant la montée finale vers Saint-Gervais Le Bettex. Si bien que le Québécois, qui pointait à 1 min 15 s des trois hommes de tête, s’est donné une priorité de quelques secondes sur ses compagnons d’échappée.

Ce n’est pas un hasard si Houle s’est permis une langue sortie et un petit sourire à la moto-caméra…

Je me suis amusé. On essayait de chasser le groupe devant, mais on ne revenait pas. J’ai donc fait la descente à fond. La moto-caméra était devant moi. Ça nous donne les lignes et on peut plus pousser la machine. J’aime bien les descentes. L’asphalte était beau, avec des virages où on voyait loin en avant. J’ai juste mis le gaz au fond et je me suis fait plaisir.

Hugo Houle

Accessoirement, Teuns, meilleur IPT avec une 11place, a pu s’économiser un tant soit peu.

Cherchant à éviter « un coup d’épée dans l’eau », Houle s’est relevé pour aborder l’ultime enchaînement côte des Amerands-Le Bettex dans les meilleures dispositions possibles.

Poels s’est débarrassé de van Aert dès le début, condamnant Soler, tout juste revenu. Fidèle lieutenant de Chris Froome à ses trois dernières conquêtes du maillot jaune, le Néerlandais de 35 ans s’est imposé pour la toute première fois au Tour de France.

PHOTO THOMAS SAMSON, AGENCE FRANCE-PRESSE

Wout Poels

À l’instar de Pello Bilbao, sacré à Issoire, Poels a craqué un peu en parlant de son coéquipier Gino Mäder, mort tragiquement un mois plus tôt après une chute au Tour de Suisse.

« J’en rêve depuis que je suis tout jeune, a exprimé le gagnant de Liège-Bastogne-Liège en 2016. Toutes les émotions ressortent après ce que l’équipe a vécu avec Gino depuis trois semaines. C’est juste incroyable. J’ai gagné un monument, j’ai gagné une étape du Tour, je suis super heureux. »

Van Aert a encore terminé deuxième, suivi du Français Mathieu Burgaudeau (TotalEnergies).

« J’ai donné le maximum dans la montée finale pour ne pas me faire croquer par Pogačar et Vingegaard », a expliqué Houle, rentré à 5 min 31 s, mais seulement 30 secondes devant les deux ogres de la course.

Comme la veille, les UAE de Pogačar, Adam Yates en tête, ont pris l’initiative dans l’ascension ultime, sans parvenir à ébranler Vingegaard. Malgré trois démarrages dans le dernier kilomètre, le Slovène (16e) n’a réussi à devancer le maillot jaune danois que par une demi-roue.

PHOTO ETIENNE GARNIER, AGENCE FRANCE-PRESSE

Jonas Vingegaard et Tadej Pogačar

Vingegaard (17e) a donc conservé sa priorité de 10 secondes en tête. « Aujourd’hui, j’étais plus en contrôle qu’en temps normal », s’est réjoui le champion en titre.

Pogačar a senti « que la montée était trop facile » pour son principal rival. « J’ai essayé, mais je savais qu’il était super bien aujourd’hui. J’ai tout donné, mais je me doutais que je ne ferais pas la différence. Je vais donc continuer à essayer la semaine prochaine. »

« Sois heureux », l’a enjoint son coéquipier Rafal Majka, qui cherchait à lui remonter le moral après cette autre tentative ratée.

Fidèle à sa prédiction au départ, Houle est convaincu que Pogačar renversera la vapeur. « Tout va bien, sous contrôle, mon cheval de course va être en jaune à Paris… »

Pour sa part, il profitera du jour de repos lundi et du contre-la-montre mardi pour refaire ses forces. Sans être dans la forme de l’année dernière, il espère s’en approcher la semaine prochaine, où il voit encore deux belles occasions.

« On n’est pas loin, mais si la progression continue, je serais très, très fort après le Tour… »

Le top 10 de la 15étape

  • 1. Wout Poels (NED/TBV) les 179,0 km en 4 h 40:45 (moyenne : 38,4 km/h)
  • 2. Wout van Aert (BEL/TJV) à 2:08
  • 3. Mathieu Burgaudeau (FRA/TEN) à 3:00
  • 4. Lawson Craddock (É.-U. /JAY) à 3:10
  • 5. Mikel Landa (ESP/TBV) à 3:14
  • 6. Thibaut Pinot (FRA/GFC) à 3:14
  • 7. Guillaume Martin (FRA/COF) à 3:32
  • 8. Mattias Skjelmose (DEN/LTK) à 3:43
  • 9. Simon Guglielmi (FRA/ARK) à 3:59
  • 10. Warren Barguil (FRA/ARK) à 4:20
  • 13. Hugo Houle (CAN/IPT) à 5:31
  • 67. Michael Woods (CAN/IPT) à 27:52
  • 135. Guillaume Boivin (CAN/IPT) à 34:32

Le top 10 du classement général

  • 1. Jonas Vingegaard (DEN/TJV) 62 h 34:17
  • 2. Tadej Pogačar (SLO/UAD) à 10 s
  • 3. Carlos Rodríguez (ESP/IGD) à 5:21
  • 4. Adam Yates (GBR/UAD) à 5:40
  • 5. Jai Hindley (AUS/BOH) à 6:38
  • 6. Sepp Kuss (É.-U. /TJV) à 9:16
  • 7. Pello Bilbao (ESP/TBV) à 10:11
  • 8. Simon Yates (GBR/JAY) à 10:48
  • 9. David Gaudu (FRA/GFC) à 14:07
  • 10. Guillaume Martin (FRA/COF) à 14:18
  • 38. Michael Woods (CAN/IPT) à 1 h 48:31
  • 46. Hugo Houle (CAN/IPT) à 2 h 12:40
  • 126. Guillaume Boivin (CAN/IPT) à 3 h 56:26