Pourquoi joindre une échappée apparemment condamnée à l’avance sur une étape de plat favorable à un sprint massif ? Parce qu’on ne sait jamais.

Kasper Asgreen, Victor Campenaerts, Jonas Abrahamsen et, un peu plus tard, Pascal Eenkhoorn se sont approprié cette sage parole, jeudi après-midi, lors de la 18étape du Tour de France.

Même si son avance entre Moûtiers et Bourg-en-Bresse n’a jamais dépassé la petite minute, le quatuor a surpris le peloton lancé à sa poursuite sur une trentaine de kilomètres, mettant la table à une magnifique victoire d’Asgreen, sa première sur le Tour.

En dépit d’une mince priorité de huit secondes à la flamme rouge, le Danois de Soudal Quick-Step a résisté au retour des équipes de sprinteurs, visiblement exténuées, pour devancer dans l’ordre le Néerlandais Eenkhorn (Lotto Dstny) et le Norvégien Abrahamsen (Uno-X).

Encore mis en orbite par Mathieu van der Poel, Jasper Philipsen (Alpecin-Deceuninck), le Belge aux quatre succès, aurait eu besoin de 20 mètres de plus pour en inscrire un cinquième. Il a fini quatrième, dans le même temps que le gagnant.

« La situation n’était évidemment pas idéale, a relaté Asgreen. J’aurais préféré être avec six, sept ou huit gars, mais c’est aussi la dernière semaine du Tour et les dernières étapes ont été très, très difficiles. On l’a déjà vu dans le passé : même un petit groupe peut réussir à jouer un tour aux équipes de sprinteurs. »

Campanearts (Lotto Dstny), ancien détenteur du record de l’heure, a eu un rôle crucial dans le succès de l’opération, jetant toutes ses cartes entre le kilomètre et les 400 m dans l’espoir vain que son coéquipier Eenkhorn, qu’il avait aidé à rentrer sur l’échappée à 65 km, puisse lever les bras. Sans cette belle harmonie entre les quatre hommes de tête, le peloton serait revenu.

« Je n’aurais vraiment pas pu réussir sans Pascal, Victor et Jonas, a admis Asgreen. Ils ont tous été fantastiques. Honnêtement, on méritait tous de gagner avec le travail qu’on y a mis, mais je suis très content de m’en tirer [avec les honneurs]. »

Le Danois de 28 ans n’avait pas remporté de course sur route depuis le Tour des Flandres de 2021, où il avait surpris Van der Poel au sprint. Victime d’une grave chute au Tour de Suisse l’an dernier, il avait dû abandonner le Tour de France après la huitième étape.

« Je reviens de loin. Je voudrais dédier cette victoire à tous ceux qui m’ont aidé à passer à travers la dernière année. »

Asgreen permet à Soudal Quick-Step, l’une des formations les plus puissantes, d’éviter un blanchissage sur le Tour. Depuis la 12étape, le Wolf Pack est privé de son sprinteur-vedette Fabio Jakobsen, tombé durement dans le final sur le circuit de Nogaro, à la première semaine. Le Français Julian Alaphilippe, de toutes les attaques depuis un moment, a joué à merveille son rôle de trublion en tête du peloton en poursuite.

Un lien avec le Québec

PHOTO TIRÉE DU COMPTE INSTAGRAM DE GABRIELLE PILOTE FORTIN

Kasper Asgreen

« Pouvez-vous imaginer que ce gars vient juste de gagner une étape au Tour de France ? » La phrase est de Gabrielle Pilote Fortin et voisine une photo de Kasper Asgreen, qui semble immobilisé sur une civière. La native de Neuville partage la vie du coureur danois depuis quatre ans. Elle-même cycliste professionnelle, elle disputera son premier Tour de France à partir de dimanche avec l’équipe française Cofidis, dont elle porte les couleurs depuis l’an dernier. Cette sélection est une belle réussite pour l’athlète de 30 ans, qui a subi une délicate opération à une artère iliaque en septembre.

Un retour aux Mondiaux pour Houle

PHOTO TIRÉE DU COMPTE INSTAGRAM DE HUGO HOULE

Hugo Houle

Après un boycottage des derniers Championnats du monde en Australie, en protestation des frais encourus par les participants selon la politique de Cyclisme Canada, Hugo Houle effectuera un retour le mois prochain à Glasgow.

Le cycliste de 32 ans s’alignera à la course sur route avec cinq coéquipiers, le 6 août. « En sortant du Tour de France, je suis souvent très, très en forme, a-t-il expliqué plus tôt cette semaine Je veux donc en profiter et j’espère être compétitif. J’y vais pour faire un résultat. »

Houle est attiré par le circuit très technique tracé dans la capitale écossaise. « C’est un parcours assez urbain. Il doit y avoir une cinquantaine de virages. C’est très technique. Ce sera exigeant, mais ce ne sont pas des cols. Sur les plans tactique et technique, ça me convient bien. »

Celui qui en sera à ses huitièmes Mondiaux a cependant décliné l’invitation de s’aligner au contre-la-montre du 11 août, jugeant inexistantes ses chances d’y être suffisamment compétitif, notamment en raison de son équipement.

Disputés un mois plus tôt que de coutume, les Mondiaux de Glasgow auront ceci de particulier qu’ils réuniront pour la première fois presque toutes les disciplines chapeautées par l’Union cycliste internationale, pour un total de 13.

Le visou de Boivin

PHOTO BENOIT TESSIER, ARCHIVES REUTERS

Guillaume Boivin

Bien entouré par Simon Clarke, Hugo Houle et Guillaume Boivin, Corbin Strong a fini 13e de l’étape. Sans la réussite surprise des échappés, le Néo-Zélandais d’Israel-Premier Tech aurait donc probablement signé son deuxième top 10 à son premier Tour de France. Le cycliste de 23 ans s’était classé neuvième de la huitième étape remportée par Mads Pedersen (Lidl) à Limoges.

« Je suis un peu déçu de moi et de mon positionnement à l’approche du final, a témoigné Corbin, qui visait un top 5, dans une vidéo diffusée par son équipe. J’ai la vitesse pour être beaucoup plus près de l’avant [du peloton]. On va rester concentrés et s’essayer encore [vendredi]. »

Boivin, 24e de l’étape, a par ailleurs dévoilé ses talents insoupçonnés en basketball. Il y a quelques jours, l’ex-hockeyeur midget AAA a lancé un bidon dans le filet de basket qu’une partisane lui présentait en bordure de la route. Les responsables des médias sociaux de l’équipe israélo-canadienne ont produit une vignette amusante de ce moment cocasse.

La femme en jaune

PHOTO BILLY CEUSTERS, ARCHIVES A. S. O.

Claire Pedrono sur le Critérium du Dauphiné en juin.

Jonas Vingegaard, qui a connu une étape sans histoire, n’est pas la seule personne en jaune au Tour de France. Claire Pedrono porte également une combinaison intégrale jaune, couleur du commanditaire LCL.

Depuis 2010, elle est l’ardoisière de la Grande Boucle. Première femme à occuper ce poste, elle informe les coureurs de l’écart entre le peloton et l’échappée, information qu’elle inscrit sur un petit tableau noir.

Chargée d’affaires en banque d’entreprises, l’ancienne cycliste semi-professionnelle prend trois semaines de vacances chaque année pour accomplir sa tâche à l’arrière d’une moto. À son 10Tour, elle assure que son rôle a encore de la pertinence en dépit de l’utilisation des oreillettes.

« Je pense que c’est un réconfort pour les coureurs », note la participante à la Grande Boucle féminine internationale, précurseur du Tour de France Femmes, en 2005. « Le directeur sportif n’a pas que ça à dire. Ça complète, ça valide, c’est un plus, quoi. »

Cosnefroy devrait être au Québec…

PHOTO PAULINE BALLET, ARCHIVES A. S. O.

Benoît Cosnefroy et Tadej Pogacar

Champion du Grand Prix cycliste de Québec l’an dernier, Benoît Cosnefroy a l’intention de défendre son titre le 8 septembre. « Normalement, oui, c’est dans les plans de revenir, bien sûr », a indiqué le Français d’AG2R Citroën lors du passage de La Presse au grand départ du Tour dans le Pays basque espagnol.

Le puncheur de 27 ans avait impressionné en semant le peloton dans la côte du Glacis, devant Le Diamant, avant de s’imposer en solo sur la Grande Allée, quatre secondes avant Michael Matthews, double tenant du titre.

« Gagner en WorldTour, dans ces circonstances, avec le peloton qui était quasiment au massif encore à deux kilomètres de l’arrivée, c’est la plus belle victoire de ma carrière. Les émotions que j’ai eues ce jour-là, je ne les ai pas revécues. »

Cosnefroy a cependant partagé un moment très fort en se présentant au pied de Joux Plane au milieu de son fan-club lors de la 14étape, vendredi dernier. Il est descendu de vélo pour prendre un bain de foule des plus sympathiques.

… Van Aert probablement pas

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Wout Van Aert

Quatrième à Québec et deuxième à Montréal derrière Tadej Pogacar, Wout van Aert ne sera probablement pas de retour cette année. Le tout-terrain de Jumbo-Visma a quitté le Tour jeudi pour assister à la naissance de son deuxième enfant, attendu sous peu.

Le lieutenant de Jonas Vingegaard s’alignera dans deux semaines aux Mondiaux de Glasgow, tant au contre-la-montre, où il est double médaillé d’argent (2020 et 2021), que sur la course en ligne, épreuve pour laquelle il sera l’une des trois options de la puissante sélection belge avec Jasper Philipsen et le tenant du titre Remco Evenepoel.

Van Aert songe ensuite à tenter sa chance aux deuxièmes Championnats du monde de gravelle, le 9 octobre, en Italie, a rappelé son agent à votre quotidien favori. Auquel cas il déclarerait probablement forfait pour les GP canadiens.

Evenepoel, qui avait l’intention de participer pour la deuxième fois aux GP en début de saison, s’est ravisé après son abandon pour cause de COVID-19 au Giro. Le champion mondial a confirmé sa présence à la Vuelta, où il visera une deuxième conquête consécutive du maillot rouge à partir du 26 août.

Le classement de la 18étape

  • 1. Kasper Asgreen (DEN/SOQ) les 184,9 km en 4 h 06:48 (moyenne : 45,1 km/h)
  • 2. Pascal Eenkhoorn (NED/LTD) à 0 s
  • 3. Jonas Abrahamsen (NOR/UXT) à 0 s
  • 4. Jasper Philipsen (BEL/ADC) à 0 s
  • 5. Mads Pedersen (DEN/LTK) à 0 s
  • 6. Cees Bol (NED/AST) à 0 s
  • 7. Jordi Meeus (BEL/BOH) à 0 s
  • 8. Matteo Trentin (ITA/UAD) à 0 s
  • 9. Christophe Laporte (FRA/TJV) à 0 s
  • 10. Luca Mozzato (ITA/ARK) à 0 s
  • 24. Guillaume Boivin (CAN/IPT) à 0 s
  • 35. Hugo Houle (CAN/IPT) à 0 s
  • 113. Michael Woods (CAN/IPT) à 50 s

Le classement général après la 18étape

  • 1. Jonas Vingegaard (DEN/TJV) 72 h 04:39
  • 2. Tadej Pogacar (SLO/UAD) à 7:35
  • 3. Adam Yates (GBR/UAD) à 10:45
  • 4. Carlos Rodríguez (ESP/IGD) à 12:01
  • 5. Simon Yates (GBR/JAY) à 12:19
  • 6. Pello Bilbao (ESP/TBV) à 12:50
  • 7. Jai Hindley (AUS/BOH) à 13:50
  • 8. Félix Gall (AUT/ACT) à 16:11
  • 9. Sepp Kuss (É.-U./TJV) à 16:49
  • 10. David Gaudu (FRA/GFC) à 17:57
  • 41. Michael Woods (CAN/IPT) à 2 h 31:02
  • 47. Hugo Houle (CAN/IPT) à 2 h 41:34
  • 121. Guillaume Boivin (CAN/IPT) à 4 h 39:32