Guillaume Martin a fait connaissance avec le hall des douanes canadiennes à l’aéroport de Montréal, mardi matin. Autant dire qu’il a attendu.

Le Français de Cofidis a néanmoins été parmi les premiers cyclistes à franchir les portes vitrées des arrivées internationales.

« La douane était un peu longue, mais il faut être stratégique, a expliqué le coureur-philosophe. Il ne faut pas être à l’arrière de l’avion. Il faut être bien préparé avec l’application ArriveCAN… »

Ce qu’il avait omis de faire : « C’est pour ça que c’était long ! »

Oubliez le cliché du Français râleur, Martin n’était pas là pour se plaindre, au contraire.

« C’est la deuxième fois que je vais participer à ces courses après l’an dernier, a rappelé le 10e du Tour de France. Donc c’est bien le signe que j’avais envie de revenir, malgré l’attente à la douane. Je suis quand même motivé pour ces courses. »

Le titulaire d’une maîtrise en philosophie parlait des 12es Grands Prix cyclistes de Québec et de Montréal, épreuves du WorldTour disputées vendredi et dimanche.

Tadej Pogačar, vainqueur en titre à Montréal, y sera-t-il ? Non. Wout van Aert ? Non. Mathieu van der Poel, alors ? Non plus.

Même s’il avait les courses canadiennes à son agenda, Pogačar a préféré se reposer en vue des classiques italiennes du mois prochain, avec la défense de sa couronne au Tour de Lombardie en point d’orgue.

Van Aert, quatrième sur Grande Allée et deuxième sur le mont Royal, a choisi le gravier et le Tour de Grande-Bretagne. Nouveau champion mondial, Van der Poel s’est tourné vers des compétitions en France et en Belgique pour étrenner son maillot irisé.

La présentation des Championnats du monde en amont des Grands Prix, une première, a sans doute contribué, au moins en partie, à l’absence de ces trois superhéros du cyclisme, mis en lumière dans la série de Netflix Au cœur du peloton.

À défaut d’une superproduction hollywoodienne, les amateurs de cyclisme auront peut-être droit à un film d’auteur de haute tenue, avec un scénario et une chute (au sens figuré !) imprévisibles. Sans compter la présence de 11 cyclistes canadiens pour pimenter l’intrigue, dont Michael Woods, gagnant d’étape au dernier Tour, et son coéquipier Hugo Houle (Israel-Premier Tech), franchement impressionnant à la Classique du Maryland, où il a terminé troisième dimanche.

« Aujourd’hui, ce sont des courses tellement renommées que dans tous les cas, il y a toujours un bon niveau, a insisté Guillaume Martin. Ce ne sont pas que des courses de préparation [pour le Mondial]. Ce sont de vraies courses en elles-mêmes. »

Alaphilippe en ville

Parlant de superhéros, Julian Alaphilippe, le d’Artagnan du cyclisme, se passe de présentation.

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Julian Alaphilippe

Double champion mondial (2020 et 2021), sextuple gagnant d’étape au Tour de France et roi de Milan-San Remo en 2019, le Français de Soudal Quick-Step pose ses valises au Québec pour la première fois en quatre ans.

« Je suis content de revenir au Canada sur des courses que j’adore », a entamé l’homme au bouc et aux pommettes saillantes, qui s’est offert un petit tour du circuit avec ses coéquipiers en fin d’après-midi à Québec.

Alaphilippe a été limité à trois victoires depuis une grave chute à Liège-Bastogne-Liège au printemps 2022. L’athlète de Saint-Amand-Montrond en avait décroché 12 durant sa formidable saison 2019, dont deux étapes du Tour, qu’il avait conclu au cinquième rang.

« Il y a toujours l’envie d’avoir des résultats, même quand ça va moins bien, a-t-il assuré. Ce n’est pas une surprise que d’annoncer que les performances ne sont pas ce que j’aimerais qu’elles soient, mais je reste patient. Je continue de travailler dur. J’ai toujours la grinta et le moral et je sais que pour retrouver le chemin de la victoire, il faut persévérer. »

Après son abandon aux Mondiaux, le fougueux puncheur a admis un « manque de rythme » lors de sa reprise à la Bretagne Classic de Plouay, où il a fini 30e.

Je sens que je ne suis pas à 100 %, mais j’ai envie de me faire plaisir. On ne sait jamais. Ce sont des courses exigeantes, il n’y aura donc pas de surprises sur le vainqueur. En tout cas, j’ai envie d’être à l’avant et de donner le maximum, ça, c’est sûr.

Julian Alaphilippe

Le titre à défendre de Cosnefroy

Invité à nommer trois favoris, Alaphilippe a préféré désigner son compatriote Benoît Cosnefroy comme un homme qu’il souhaiterait voir monter sur le podium des deux épreuves.

Le vainqueur sortant du GP de Québec ne demanderait pas mieux que de se relancer après une année couci-couça.

« Même avant ma victoire, c’est toujours avec beaucoup d’émotions qu’on arrive ici au Canada chaque année », a affirmé Cosnefroy.

« L’ambition est la même, de gagner, bien sûr. Après, je n’ai malheureusement pas eu beaucoup de résultats cette saison. Je ne me l’explique pas forcément, mais mes jambes étaient plutôt bonnes sur le Grand Prix de Plouay [27e]. J’espère que ça va encore monter un peu cette semaine et ne pas avoir trop de fatigue de la course de dimanche pour essayer de l’emporter. »

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Benoît Cosnefroy

Le représentant d’AG2R Citroën devra probablement préparer une autre recette que celle de l’an dernier, alors qu’il avait piégé les favoris avec une attaque à un peu plus de deux kilomètres de la ligne…

C’est sûr que je ne vais pas pouvoir faire le même effort, à mon avis. Ou en tout cas, il faudra être encore plus fort parce que tout le monde va m’attendre à cet endroit-là. J’espère quand même causer la surprise dans le final et essayer de l’emporter tout simplement.

Benoît Cosnefroy

L’an dernier, Christophe Laporte avait dû se sacrifier pour se lancer à la poursuite de Cosnefroy au profit de son coéquipier van Aert, finalement quatrième.

Non seulement le Belge est absent cette fois-ci, mais le longiligne Français de Jumbo-Visma a pris du galon depuis, avec deux victoires convaincantes et le classement aux points du Critérium du Dauphiné.

Après un abandon décevant aux Mondiaux de Glasgow, où il était le meneur désigné de la formation française, Laporte souhaite rebondir à Québec, son parcours favori.

« Je n’étais pas top à Plouay [75e]. C’était la reprise et je ne me sentais pas super. J’espère vraiment me sentir mieux vendredi. J’ai cette course dans la tête depuis un moment. Je l’avais beaucoup aimée l’année dernière. J’ai envie de bien faire. »

Greg Van Avermaet aussi, même si le vétéran de 38 ans sait qu’il n’a plus ses jambes des beaux jours qui l’ont mené à une médaille d’or olympique et à un record de neuf podiums aux Grands Prix, dont deux victoires à Montréal.

« Mon niveau est encore correct, mais pour gagner, les autres sont très forts, a admis celui qui carbure au sirop d’érable ici. Mais j’ai beaucoup de travail à la maison et j’ai eu un bon été [d’entraînement]. Je n’ai pas fait le Tour de France, mais j’ai quand même fait un stage en altitude et j’espère être bien ici. »

Et s’il n’est pas au mieux pour son chant du cygne à l’étranger, le Belge se fera un honneur de soutenir son coéquipier Cosnefroy. Ce ne serait pas la première fois qu’un second rôle vole la vedette dans un film de répertoire.

La moitié du top 10 du Tour de France

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Adam Yates

L’organisation des Grands Prix cyclistes de Québec et de Montréal s’enorgueillit de compter sur cinq des dix premiers au classement général du Tour de France. Le Britannique Adam Yates, coéquipier de Tadej Pogačar chez UAE Team Emirates, a pris le troisième rang après avoir porté le maillot jaune pendant cinq étapes. Il y en aurait eu un sixième si le Français David Gaudu (9e) ne s’était pas blessé sur une chute à l’entraînement la semaine dernière. Heureusement, Groupama-FDJ pourra compter sur Valentin Madouas, qui a levé les bras à Plouay. Huit gagnants d’étape à la Grande Boucle rouleront au Canada. Le Danois Kasper Asgreen devait y être aussi, mais il a déclaré forfait.

Les origines gaspésiennes de Ben Perry…

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Benjamin Perry

Benjamin Perry est le seul coureur qui traînait son vélo mardi matin à l’aéroport de Montréal. Invité de dernière minute à la suite du forfait du champion canadien Nickolas Zukowsky, l’Ontarien de 29 ans sera l’un des deux vétérans de l’équipe nationale canadienne avec Pier-André Côté, de Lévis. Les deux collègues cherchent un nouvel emploi depuis la dissolution annoncée de leur formation Human Powered Health.

« Je ne sais pas ce qui m’attend, mais j’ai d’autres avenues, s’est réjoui Perry. J’ai un diplôme universitaire en business. Je peux faire d’autres types de vélo ou travailler pour une équipe ou une compagnie dans le secteur du cyclisme. Si je trouve une autre équipe, tant mieux, mais il reste encore beaucoup de temps. »

À noter, Perry a fait toute l’entrevue en français, héritage de sa grand-mère de 85 ans, originaire de Gaspé…