Adam Yates n’a pas rechigné en ouvrant les rideaux de sa chambre d’hôtel, dimanche matin. De la pluie battante, le Britannique est capable d’en prendre.

« Quand il commence à pleuvoir, la moitié du peloton ne veut pas être là ! Ça rend les choses un peu plus faciles… »

Ce qui ne veut pas dire que Yates n’a pas trimé dur pour remporter le Grand Prix cycliste de Montréal, succédant à Tadej Pogačar, son coéquipier chez UAE Team Emirates, absent cette année.

« Ce n’est pas que les conditions sont faciles, mais si tu es prêt à passer au travers et à souffrir, alors ce n’est pas un problème », a souri l’athlète de 31 ans en conférence de presse. « Nous étions prêts collectivement. On savait ce qu’on avait à faire. Avec quelques tours à faire, on a commencé à donner l’allure. J’ai réussi à finir le travail. C’était parfait. »

Après l’écrémage réalisé par ses coéquipiers, Yates s’est envolé dans la dernière ascension de la voie Camillien-Houde, s’extirpant d’un groupe d’une vingtaine de coureurs à 10 kilomètres du but.

Seul le Français d’origine russe Pavel Sivakov (Ineos) s’est accroché de peine et de misère, rattrapant le meneur deux kilomètres plus loin. Les deux futurs équipiers chez UAE – et anciens collègues chez Ineos ! – ont ensuite collaboré pour conserver une priorité d’une douzaine de secondes sur un groupe de chasse mal organisé. Le duo de tête s’est disputé la victoire au sprint dans l’ultime raidillon de 500 mètres sur l’avenue du Parc.

Deuxième à la sortie du virage en épingle, Yates n’a eu aucun ennui à se défaire de Sivakov quand il a décampé aux 250 m et débordé sur sa droite. Il a pris le temps de remonter sa fermeture-éclair avant de franchir la ligne, les bras en croix… comme pour remercier le ciel de s’être calmé au tiers de la course.

La saison la plus fructueuse

Quatrième à Québec vendredi, le puncheur espagnol Alex Aranburu (Movistar) a cette fois réussi à monter sur le podium (+ 12 secondes), matant au sprint le champion français Valentin Madouas (Groupama-FDJ).

PHOTO PETER MCCABE, LA PRESSE CANADIENNE

Alex Aranburu (3e), Adam Yates (1er) et Pavel Sivakov (2e) sur le podium

Le champion italien Simone Velasco (Astana) a complété le quintette de tête, terminant devant Simon Yates (Jayco-AlUla), frère jumeau d’Adam. Simon est d’ailleurs allé le féliciter dans la zone d’entrevues après la conclusion de l’épreuve de 221,4 km.

Les jumeaux britanniques ont marqué l’histoire au dernier Tour de France, Adam prenant le meilleur sur Simon lors de l’étape inaugurale au Pays basque. Maillot jaune pendant quatre jours et troisième au classement général final, Adam Yates ajoute un cinquième bouquet à sa première année chez UAE.

Je pense que ça me permet d’égaler ma saison la plus fructueuse en termes de victoires. Ce n’est pas facile quand tu changes d’équipe d’être à un niveau super élevé d’entrée de jeu. Je suis donc super heureux.

Adam Yates

Sans avoir le palmarès de Greg Van Avermaet (AG2R Citroën), le double vainqueur à Montréal qui tirait sa révérence dimanche, Yates commence à être à l’aise avec les classiques canadiennes. Quatrième dans la métropole l’an dernier, il avait fini deuxième sous le déluge en 2015, épreuve remportée par son actuel coéquipier Tim Wellens, qui a abandonné après trois tours dimanche. Cette expérience lui a servi.

« C’était la même situation en 2015. Tu n’as pas le temps de jouer à des jeux ou de bluffer. On s’est parlé [avec Sivakov] et on est allés à fond jusqu’à l’arrivée. J’ai réussi à le laisser à l’avant pour la dernière petite pente et j’ai ensuite essayé de le surprendre. »

Le spectacle de Vermeersch

Le grand Belge Florian Vermeersch (Lotto Dstny), deuxième de Paris-Roubaix en 2021, a passé près de 170 kilomètres seul en tête, creusant une avance de près 5 min 30 s à la mi-course.

PHOTO JOSIE DESMARAIS, LA PRESSE

Le Belge Florian Vermeersch en échappée

L’équipe Israel-Premier Tech d’Hugo Houle et Guillaume Boivin s’est tenue à l’avant du peloton pour protéger son meneur canadien Michael Woods, qui a cependant fléchi dans le dernier tour (15e, + 55 s). Les deux Québécois ont abandonné, comme 100 des 160 partants.

La pluie a cessé après deux heures de course, incitant les partisans à occuper la presque entièreté de la clôture bordant les 1,8 km de Camillien-Houde.

Les Lidl-Treck et les Soudal Quick-Step de l’ex-double champion mondial Julian Alaphilippe (12e) ont ensuite œuvré de pair pour rejoindre Vermeersch avec une cinquantaine de kilomètres à faire.

Patients, les UAE de Yates, le teigneux grimpeur polonais Rafal Majka en tête, ont pris les commandes pour écrémer ce qui restait des forces vives d’un peloton réduit à une cinquantaine de cyclistes.

Après de courtes échappées d’Arnaud De Lie, sacré à Québec vendredi, et de Michael Matthews, deux fois gagnant à Montréal, Adam Yates était prêt à surgir, même s’il n’a jamais été certain de réussir.

IMAGE TIRÉE DU SITE DES GPCQM

« C’est une course super dure avec la distance [221 km] et les mètres à grimper [près de 5000 m]. Il n’y a jamais vraiment un moment où tu te sens réellement bien. Peut-être que je peux essayer quelque chose, mais tu ne sais pas vraiment comment les autres se sentent. Même au dernier tour, quand j’ai attaqué, je n’étais pas au mieux. Mais les gars ont effectué un travail fantastique pour mettre la table. Je devais essayer. J’ai donc essayé, et ça a assez bien marché… »

Adam Yates ne s’éternisera pas à Montréal, un vol devant le ramener vers l’Europe en soirée. Avant de partir, il a émis le souhait de revenir pour cette « super belle course, bien organisée ».

Classement

1. Adam Yates (GBR) les 221,4 km en 5 h 54 min 2 s (moyenne de 37,5 km/h)

2. Pavel Sivakov (FRA)

3. Alex Aranburu (ESP)

4. Valentin Madouas (FRA)

5. Simone Velasco (ITA)

6. Simon Yates (GBR)

7. Ben O’Connor (AUS)

8. Ion Izagirre (ESP)

9. Mattias Skjelmose (DEN)

10. Marc Hirschi (SUI)

15. Michael Woods (CAN)

47. Derek Gee (CAN)