À ses débuts professionnels, le cycliste Pier-André Côté laissait entendre qu’il ne visait pas nécessairement une longue carrière. Étudiant en actuariat et attiré par l’ingénierie, l’ancien skieur et hockeyeur avait plusieurs intérêts. En réalité, il bridait ses rêves à vélo de peur d’être déçu.

Sept ans plus tard, il n’en est plus là du tout. L’été dernier, le champion panaméricain sur route a dit à sa copine, elle-même cycliste, à quel point il était comblé par sa vie sur deux roues. « Je ne pourrais pas être plus heureux, je me vois faire ça encore une décennie », lui a-t-il dit.

Peu de temps après, Côté a reçu un courriel de son équipe le convoquant à une réunion en ligne obligatoire. Manifestement, les nouvelles ne seraient pas bonnes, mais jamais il ne s’attendait à un tel choc : Human Powered Health (HPH) dissolvait son volet masculin à la fin de l’année.

Ce n’était pas la fin du monde, mais le Québécois de 26 ans s’était fait une belle niche dans cette solide formation américaine de catégorie ProTeam (deuxième division). Il était devenu une valeur sûre à sa cinquième campagne avec HPH.

Avec son palmarès, sa polyvalence et sa réputation, il avait une candidature attrayante à soumettre aux autres équipes, mais à cette période de l’année, les places se font rares dans le cyclisme professionnel.

Quelques équipes WorldTour et ProTeam lui ont témoigné de l’intérêt, tout en lui demandant de patienter au cas où un gros poisson se libérerait soudainement vers la fin de l’année. En septembre, la mégafusion annoncée puis avortée entre Jumbo-Visma et Soudal Quick-Step avait justement le potentiel d’inonder le marché d’une vingtaine de coureurs de renom supplémentaires.

Dans les circonstances, Côté a jugé qu’un tiens valait mieux que deux tu l’auras. À la mi-novembre, il a donc accepté l’offre d’Israel-Premier Tech Academy, la formation de développement d’Israel-Premier Tech (IPT), pour laquelle évoluent ses compatriotes Hugo Houle et Guillaume Boivin. Après cinq ans dans une ProTeam, le champion canadien de 2022 roulera ainsi dans une équipe continentale, soit la troisième division de l’Union cycliste internationale (UCI).

Je me suis embarqué dans cette aventure en me disant : je prends un pas de recul pour essayer de faire un bond en avant. Mais plus ça va, plus j’ai l’impression que je n’ai pas fait un pas de recul.

Pier-André Côté, cycliste professionnel

« Un très bon coureur »

Côté est actuellement l’un des quatre « Académiciens » à Marbella, dans le sud de l’Espagne, pour le premier camp d’entraînement d’Israel-Premier Tech, la ProTeam. L’idée est de lui permettre de se familiariser avec son nouvel environnement, un nouvel équipement et des coéquipiers qu’il retrouvera en compétition au cours de la prochaine saison. Parce qu’il est évident que la haute direction d’IPT, qui vise un retour dans le WorldTour en 2026, ne voit pas sa recrue comme un coureur de niveau continental ou en développement.

PHOTO FOURNIE PAR CYCLING ACADEMY LTD

Pier-André Côté est présentement dans le sud de l’Espagne, pour le premier camp d’entraînement d’Israel-Premier Tech, la ProTeam.

« Je lui ai dit : ‟Travaille bien, fais ce que tu as à faire et tu te joindras à notre équipe l’année prochaine”, a assuré le propriétaire Sylvan Adams, le mois dernier. Je l’ai rencontré à Gérone et c’est un jeune homme intelligent et reconnaissant. J’ai été impressionné. La suite de sa carrière nous tient à cœur. »

Aux dires du patron, le contrat de Côté était le 20e et dernier disponible à l’Academy. À l’échelon supérieur, le jeune Américain Riley Sheehan, stagiaire depuis le mois d’août et vainqueur surprise de Paris-Tours, a décroché la 30e entente, le maximum autorisé par l’UCI.

Pier-André est un très bon coureur. On a eu de très bons rapports de ses amis québécois, comme Guillaume, qu’il a même battu au sprint à Edmonton [aux championnats canadiens de 2022]. Il était donc sur notre radar, mais comme il était dans Human Powered Health, une ProTeam, on n’avait rien à lui offrir pour monter.

Sylvan Adams, propriétaire d’Israel-Premier Tech

Le proprio rappelle que Derek Gee, un partenaire de route de Côté à Gérone, sortait d’Israel Cycling Academy avant son Giro d’anthologie le printemps dernier.

Pier-André Côté s’estime privilégié d’aboutir dans l’effectif israélo-canadien, dont il connaît déjà plusieurs des membres, ce qui facilitera son adaptation.

« Mon calendrier sera semblable, j’ai de l’équipement probablement plus performant, une structure mieux huilée pour ce que j’en vois en ce moment, s’est réjoui l’athlète de Lévis. Tout a l’air d’aller plus rapidement et efficacement. J’ai vraiment l’impression d’avoir pris la bonne décision, dans l’optique de monter dans la ProTeam, c’est sûr et certain. »

« Je ne peux pas me plaindre »

D’ici là, le protégé de l’entraîneuse Christine Gillard entend mettre à profit son expérience auprès de ses nouveaux collègues, dont il sera l’aîné d’au moins quatre ans.

« Et il ne faut pas penser que je vais broyer du noir en attendant. Si tu regardes à côté de mon nom sur ma licence, c’est écrit ‟conti”, mais on ne va pas arriver à la course avec la voiture de maman et sortir le vélo de la valise… Toute la structure est aussi professionnelle, sinon plus [que celle de HPH]. »

Le Gaspésien d’origine s’attend à participer à des épreuves relevées du début à la fin de l’année, à commencer par la première, Le Samyn, une semi-classique belge présentée à la fin de février. Fidèle à ses habitudes, il souhaite maintenir une condition constante pour pouvoir s’illustrer à tout moment.

Je ne suis pas un Michael Woods qui connaît son calendrier des mois à l’avance et qui peut vraiment dire : ‟Je veux marcher au Tour de France”. Moi, il faut que je sois opportuniste. Quand le téléphone sonne, je dois être en forme pour être capable de claquer un résultat ou appuyer mes coéquipiers.

Pier-André Côté, cycliste professionnel

Seule contrainte avec l’Academy : son statut contractuel l’empêchera, par un règlement de l’UCI, de prendre part aux épreuves du WorldTour. « De toute façon, celles que j’ai faites l’année passée, je peux les compter sur les doigts d’une main : Québec, Montréal et Omloop Het Nieuwsblad, où je me suis fracturé le scaphoïde », a rappelé celui qui a également raté les Championnats du monde en raison d’une infection à la COVID-19.

Comme il s’y attendait, Côté a dû accepter une diminution salariale, un moindre mal compte tenu des perspectives chez IPT.

« [Avec HPH], je faisais partie des piliers, je pense donc que j’avais vraiment un meilleur salaire que j’aurais eu ailleurs, a-t-il tempéré. Je ne peux vraiment pas me plaindre avec les conditions que j’ai présentement sur l’équipe de développement. Ils ont été créatifs et m’ont accueilli à bras ouverts. Ils voulaient s’assurer que je puisse garder le même mode de vie et les mêmes habitudes comme athlète professionnel. »

En somme, Côté a misé sur lui. « Puis eux, ils ont misé sur moi, a-t-il ajouté du tac au tac. Il me reste à livrer la marchandise. »

L’actuariat attendra

PHOTO JACQUES BOISSINOT, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Pier-André Côté (casque orange) au Grand Prix cycliste de Québec, en septembre 2017

À 20 ans, Pier-André Côté a amorcé un baccalauréat en actuariat à l’Université Laval, le 7 septembre 2017. Le lendemain, il a pris part au Grand Prix cycliste de Québec. Plus jeune partant de l’épreuve WorldTour, le représentant de l’équipe nationale canadienne s’est glissé dans l’échappée du jour avant d’abandonner après 135 km. Son bac, lui, est toujours en cours ; il lui reste quatre cours pour le terminer. Le résidant de Gérone, en Espagne, poursuit ses études à distance, effectuant ses examens dans un centre d’apprentissage de l’anglais sous la supervision d’une professeure de l’endroit. Cette formation représentait une belle assurance quand le tapis lui a glissé sous les pieds chez HPH l’été dernier. « C’est vachement moins stressant de savoir que si jamais il arrive quelque chose, je peux me trouver assez facilement un emploi vraiment stable et très bien rémunéré, a-t-il convenu. Je vais adorer être actuaire quand ce sera le temps, mais pour être honnête, je ne veux pas l’être demain matin. J’aime beaucoup trop ce que je fais en ce moment. »

Pier-André Côté en bref

  • 26 ans
  • Originaire de Gaspé
  • Champion panaméricain 2023
  • Champion canadien 2022
  • 6e Druivenkoers–Overijse (Belgique) 2023
  • Vainqueur du Grand Prix Criquielion (Belgique) 2022
  • Gagnant de trois étapes au Grand Prix cycliste de Saguenay 2019
  • Gagnant de deux étapes au Tour de Beauce 2018