L'ancien joueur des Alouettes Tony Proudfoot est mort jeudi soir, victime de la sclérose latérale amyotrophique, la «maladie de Lou Gehrig», dont il se savait atteint depuis 2007. Le rude demi défensif a rendu l'âme au Centre hospitalier de l'Université McGill; il avait eu 61 ans en septembre.

«Tony disait tout le temps «Suck it up!» - avale ta pilule! - et c'est ce qu'il a fait jusqu'à la fin de sa vie», nous disait vendredi l'ancien joueur des Alouettes Gabriel Grégoire, qui a joué aux côtés de Tony Proudfoot pendant quatre saisons, entre 1976 et 1979. «Comme Pat Burns, Tony nous a donné une leçon de vie à travers la maladie et la mort: il a prouvé que, même gravement malade, on pouvait accomplir des choses.»

Gabriel Grégoire, aujourd'hui commentateur à la radio sportive CKAC, se souvient d'un homme de coeur et d'un bon vivant. «Je ne parlais pas beaucoup anglais quand je suis arrivé avec les Alouettes et Tony, avec Phil Price, avait décidé de prendre soin du gros Gab... Je ne l'oublierai jamais. Je me souviens qu'on est allé à Val-d'Or pour faire de la promotion: on buvait de la bière et on avait du plaisir.»

Né à Winnipeg le 10 septembre 1949, John A. (Tony) Proudfoot a passé son adolescence dans le West-Island avant d'aller étudier l'éducation physique à l'Université du Nouveau-Brunswick à Fredericton, de 1967 à 1971. Athlète doué, il est vite devenu un rouage des Red Bombers de l'UNB, champions de la conférence interuniversitaire de l'Atlantique en 1969 et 1970; à sa dernière saison universitaire, il a été choisi dans l'équipe d'étoiles pan-canadienne au poste de secondeur.  

Les Alouettes, champions de la Coupe Grey en 1970, ont choisi Tony Proudfoot dans la quatrième ronde du repêchage canadien de 1971 (36e rang). D'abord utilisé sur les retours de botté et comme substitut dans le champ-arrière défensif, Tony Proudfoot a commencé à s'affirmer en 1974. Blessé au camp, il est revenu au jeu pour les séries et a réussi une interception sur le dernier jeu défensif de son équipe dans le match de la coupe Grey contre les Eskimos, remporté 20-7 par les Alouettes de Marv Levy.

«Il était un sapré bon demi défensif», a déclaré à La Presse Canadienne l'ancien entraîneur des Alouettes et des Bills de Buffalo. «Tony Proudfoot, par son esprit et son dévouement, incarnait ce que le football a de mieux à offrir. J'ai dirigé des équipes pendant 46 ans, dira encore Marv Levy - aujourd'hui âgé de 81 ans - et Tony Proudfoot est l'un des joueurs dont j'ai gardé le plus vif souvenir.»   

En 1977, sous Levy, Tony Proudfoot est partie intégrante d'une escouade d'élite qui comprend Dickie Harris et Randy Rhino, tous deux membres de l'équipe d'étoiles de la LCF, Vernon Perry, Jim Burrow et son inséparable ami Larry Uteck, qui mourra lui aussi de la maladie de Lou Gehrig en 2002, à l'âge de 50 ans.

Gabriel Grégoire se souvient de l'esprit de l'époque. «Tony intimidait l'adversaire par sa rudesse: il frappait avec le casque, comme on nous l'enseignait à l'époque. Il en a payé le prix, comme Larry (Uteck), Jim Coode et tous les joueurs de ma génération qui, aujourd'hui, souffrent de démence et d'autres maladies causées par des coups répétés à la tête.»     

Proudfoot accèdera à l'équipe d'étoiles de l'Est en 1977 (et en 1979), mais c'est pour une action hors du terrain qu'il s'illustre cette année-là. Le 27 novembre, le match de la coupe Grey - Edmonton contre Montréal - est présenté pour la première fois au Stade olympique dont le gazon synthétique est complètement gelé. Les joueurs s'étant rendu compte avant le match qu'aucune sorte de chaussures ne leur offre la moindre traction, Proudfoot emprunte une brocheuse industrielle d'un technicien de Bell et plante des dizaines d'agrafes dans ses espadrilles de ballon-balai. Après un test «sur glace» concluant, il rentre faire la même chose avec les espadrilles d'une dizaine de ses coéquipiers. Ainsi chaussées, les Alouettes remportent le «Ice Bowl» 41-6.        

«Aujourd'hui, toute la famille des Alouettes est triste», dira pour sa part à La Presse Peter Dalla Riva, l'ancien ailier des Alouettes (1968-80) et membre du Temple de la renommée du football canadien. «La nouvelle année va commencer dans la tristesse même si on savait sa mort prochaine. Tout le monde aimait Tony Proudfoot...»

Peter Dalla Riva appréciait l'intelligence de son compagnon de jeu. «Tony était un innovateur et cherchait toujours à s'améliorer. Il n'était pas le plus talentueux, mais quel joueur d'équipe! Dur et intelligent à la fois («tough and smart»). Il faisait ce qu'il avait à faire. Tout le temps. Quand il retournait les bottés de dégagement, une tâche difficile, il ne prenait jamais de risques inutiles: il attrapait le ballon et le conservait pour permettre à l'attaque de faire son travail. Smart.»   

Tony Proudfoot - il portait le numéro 23 - participera encore à la finale avec les Alouettes en 1978 et 1979, deux défaites contre Edmonton, avant d'être échangé aux Lions de la Colombie-Britannique avec qui il s'alignera pendant trois saisons (1980-81-82).

Après sa retraite comme joueur actif, Tony Proudfoot continue d'enseigner l'éducation physique au collège Dawson où il est arrivé en 1978. Il est aussi entraîneur de diverses équipes de football dans le West-Island - il habitait Pointe-Claire -, au Lower Canada College et avec les Alouettes junior. Dans les années 90, on le retrouve comme entraîneur adjoint avec les Stingers de Concordia.

Quand les Alouettes reviennent à Montréal en 1996, Tony Proudfoot devient commentateur de leurs matches aux côtés de Rick Moffat, à CJAD Radio, poste qu'il occupera jusqu'à ce que la maladie commence à affecter son élocution en 2008.

En mai 2007, il avait appris qu'il était atteint de la sclérose latérale amyotrophique (SLA), maladie neurodégénérative incurable et mortelle qui affecte progressivement les capacités motrices. Dans les mois qui suivent, il met sur pied la fondation Tony Proudfoot pour soutenir la recherche sur la «maladie de Lou Gehrig», du nom de la supervedette des Yankees de New York, mort de la SLA en 1941 à l'âge de 38 ans.

Tony Proudfoot a fait preuve de courage tant devant la maladie que devant le danger. Le 13 septembre 2006, il a prodigué les premiers soins à l'une des victimes de la fusillade de Dawson qui a survécu grâce à son intervention pour laquelle il sera cité pour bravoure par la Gouverneure générale.

Tony Proudfoot a fait ses adieux au monde il y a deux semaines, dans un texte d'une grande sobriété - «Le temps est venu de partir» - publié dans The Gazette, comme il le faisait à chaque Noël depuis l'annonce de sa maladie.

À Dawson et ailleurs, de nombreux trophées et programmes perpétueront la mémoire de Tony Proudfoot qui laisse dans le deuil sa femme Vicky et ses enfants Michael, Lyndsay et Lauren.

«Tony était un homme très intelligent qui aimait beaucoup les Alouettes et la Ligue canadienne», a déclaré Marc Trestman, l'entraîneur-chef des Alouettes pour qui Tony Proudfoot a agi comme entraîneur invité et «consultant spécial» jusqu'à la toute fin.«Tony nous a fait revoir nos priorités et grâce à lui, nous sommes devenus de meilleurs hommes, de meilleurs joueurs et une meilleure équipe.»

Les détails des funérailles seront rendus publics dans les prochains jours.