Le quart-arrière étoile Tom Brady a annoncé mardi matin qu’il mettait le point final à sa légendaire carrière dans la NFL, après plusieurs jours de spéculations.

« J’ai beaucoup réfléchi au cours de la semaine et je me suis posé les questions difficiles, a écrit TB12 sur ses réseaux sociaux. Je suis fier de ce qu’on a accompli. Mes coéquipiers, mes entraîneurs, mes adversaires et les partisans méritent 100 % de moi, mais pour le moment, c’est mieux de laisser le champ libre à la prochaine génération d’athlètes enthousiastes.

« À mes coéquipiers des Buccaneers des deux dernières saisons, je vous aime, j’ai aimé me battre à vos côtés. Vous avez puisé au plus profond de vous pour relever les défis, et m’avez inspiré à donner le meilleur de moi. Je serai toujours là pour vous et je veux vous voir donner le meilleur de vous. Je ne pourrais pas être plus heureux de ce que nous avons accompli ensemble. »

Dans une longue missive sur les réseaux sociaux, Brady remercie également tous les membres de l’organisation des Buccaneers de Tampa Bay, du propriétaire aux employés de soutien, en passant par les partisans et les coéquipiers. Il réserve ses dernières pensées à sa famille et à sa femme Gisele Bündchen : « Notre famille est ma plus grande réussite. »

« Ma carrière a été un voyage excitant, qui a dépassé toutes mes attentes, remplie de hauts et de bas. Quand tu es plongé dedans, tu ne penses pas à la fin. Mais maintenant, je pense à tous les joueurs et entraîneurs avec qui j’ai joué et que j’ai affrontés. La compétition était féroce, comme on l’aimait. Mais les amitiés et les relations qui restent sont profondes. J’y repenserai souvent. Je suis l’une des personnes les plus chanceuses au monde. »

En republiant un hommage envoyé par Robert Kraft, propriétaire des Patriots de la Nouvelle-Angleterre, Brady a ajouté : « Merci à la Patriots Nation. Je vous serai éternellement reconnaissant. Merci à tous. »

Une illustre carrière

Lorsqu’il a remplacé Drew Bledsoe au pied levé en septembre 2001, très peu de gens savaient qui était Tom Brady. Même la plupart des plus endurcis des fans de la NFL n’avaient à peu près pas entendu parler de ce blanc-bec, qui avait été le 199espoir choisi lors du repêchage de 2000 après une carrière universitaire des plus ordinaires avec les Wolverines du Michigan.

Lisez le texte Tom Brady en 12 grands moments

Tout premier choix du repêchage de 1993, Bledsoe avait subi un affaissement pulmonaire et allait rater approximativement un mois. Il reprendrait ensuite sa place de partant, étant l’un des quarts les plus prolifiques de la NFL à cette époque. Bledsoe avait déjà une participation au Super Bowl derrière lui, en 1996, et n’avait même pas encore 30 ans. Les Patriots de la Nouvelle-Angleterre, c’était son équipe. Il était leur super-étoile.

Mais cet inconnu au nom des plus communs, Tom Brady, a commencé à gagner. Un feu de paille, a-t-on pensé au départ. Quelques autres victoires plus tard, on a ensuite cru que les Pats avaient trouvé un bon quart réserviste derrière Bledsoe.

Mais Brady et les Patriots ne perdaient plus. Leur défense était à la base de leur succès, certes, mais Brady faisait le boulot. Ses statistiques n’avaient rien d’extraordinaire, alors qu’il se contentait d’éviter l’erreur qui tuait son club. Il jouait à l’intérieur de ses moyens, prenait les bonnes décisions, et les Patriots gagnaient. Et gagnaient encore.

Une équipe que personne ne voyait en séries, encore moins après la blessure de Bledsoe, avait terminé la saison au deuxième rang de la Conférence américaine, puis s’était retrouvée au Super Bowl contre toute attente. C’est là que le beau conte de fées prendrait fin, contre Kurt Warner et le « Greatest show on turf ». Les Rams de St. Louis avaient gagné le Super Bowl deux ans plus tôt et étaient favoris par deux touchés par les casinos. Vous connaissez la suite.

Grâce à une performance semblable à celles qu’il avait livrées tout au long de la saison, Brady a réussi les passes qu’il devait réussir, et les Pats avaient causé l’une des plus grandes surprises de l’histoire du sport professionnel nord-américain.

Avec le recul, ce n’était toutefois pas une si grande surprise. C’était plutôt le premier chapitre de la carrière de 22 saisons du joueur qui allait devenir le plus grand de l’histoire.

Les sacrifices d’un perfectionniste

PHOTO LYNNE SLADKY, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Tom Brady remportait le trophée Vince Lombardi en février dernier.

Brady avait souvent indiqué qu’il espérait jouer jusqu’à l’âge de 45 ans, au minimum. Le mari de Gisele Bündchen avait même parlé de la possibilité de poursuivre sa carrière jusqu’à 50 ans, lui qui fêtera ses 45 ans en août.

Après avoir enregistré son plus haut total de verges en une saison cette année, pourquoi donc tirer sa révérence maintenant ?

Brady a souvent dit que ce serait fort probablement parce qu’il jugerait que le temps était venu de consacrer plus de temps à sa famille qu’il prendrait sa retraite. On le sait, il a toujours mis les bouchées doubles afin d’être au sommet et de s’y maintenir.

C’est donc un investissement de 12 mois sur 12 avec tout ce que ça implique d’être l’un des meilleurs quarts-arrières de la NFL, sinon le meilleur, saison après saison : un entraînement méticuleux, un régime alimentaire qui frôle la folie, une étude du jeu que l’on devine incessante, une rigueur sur le plan des techniques de joueur…

Dix Super Bowls, dont sept victoires, une interminable liste d’honneurs individuels, quantité de victoires mémorables, c’est à ça que Brady a carburé depuis le début du nouveau millénaire. Après deux décennies de sacrifices – surtout en deuxième moitié de carrière –, Brady a pris la décision de vivre un peu. De profiter du temps de famille et, qui sait, peut-être de manger une pizza avec un verre de vin. Peut-être même deux !

Un retour à venir ?

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Tom Brady avec sa fille Vivian en février 2019

En quittant la NFL maintenant, Brady le fait en n’ayant pas joué la saison de trop. Les plus grands ne veulent jamais risquer de ne plus être à la hauteur avant d’accrocher leurs crampons. Ils avaient tous ralenti, certes, mais Peyton Manning, Drew Brees et Ben Roethlisberger n’ont pas attendu d’être lamentables avant de se retirer.

Ces trois joueurs, de même que Philip Rivers et Eli Manning, ont su partir au bon moment, mais aucun d’eux n’a pu quitter la NFL après avoir mené la ligue pour les verges par la passe. Brady peut se targuer d’avoir laissé son sport alors qu’il était encore aussi bon ou presque qu’à l’apogée de sa carrière. En fait, sa carrière n’aura été qu’un long apogée…

De quelle façon Brady vivra-t-il sa retraite ? Compétitif comme il l’est, sera-t-il pleinement satisfait en s’occupant de son entreprise TB12 ? Voudra-t-il s’impliquer dans une équipe de la NFL, comme directeur général ou, même, en tant qu’actionnaire ?

Après avoir passé un an à la maison, Brady changera-t-il d’idée ? Imitera-t-il d’autres athlètes légendaires comme Michael Jordan, Mario Lemieux ou Guy Lafleur ? Bien sûr, Brady a dépassé la trentaine et effectuerait plutôt un retour dans la deuxième moitié de la quarantaine. Mais si quelqu’un est capable de le faire…

Clivant

PHOTO SHAUN BEST, ARCHIVES REUTERS

De quelle façon Tom Brady vivra-t-il sa retraite, que ce soit cette année ou dans trois ans ? Compétitif comme il est, sera-t-il pleinement contenté en s’occupant de son entreprise TB12 ? Voudra-t-il s’impliquer dans une équipe de la NFL, comme directeur général ou, même, en tant qu’actionnaire ?

L’insatiable soif de vaincre de Brady en aura charmé bon nombre. Au Québec comme ailleurs, c’est grâce à Brady et aux Patriots que bien des gens ont commencé à s’intéresser à la NFL. Leur amour pour le football a grandi au rythme de la dynastie des Pats.

En contrepartie, cette même soif de victoires a alimenté le dédain de bien d’autres gens. Ses fans jugeaient que c’était parce qu’il était un guerrier et un perfectionniste que Brady enguirlandait les officiels ou même ses coéquipiers. Qu’il ne donnait même pas la main à ses adversaires après des défaites douloureuses parce qu’il détestait tellement perdre.

Aux yeux de ceux qui n’étaient pas des partisans de Brady (et Dieu sait que les opinions étaient divisées à son sujet), il s’agissait plutôt d’un manque de classe et d’un comportement d’enfant gâté.

Il y a également eu les épisodes de triche qui ont entaché Brady et les Patriots, surtout le fameux « Spygate », en 2007. Qu’on le veuille ou non, les exploits de Brady, de Bill Belichick et des Patriots resteront toujours ternis pour bien des gens.

Perfectionniste, mais très imparfait.

Difficile tout de même de ne pas s’émerveiller devant les nombreux exploits de Brady. Si bon nombre de ses records individuels sont partiellement attribuables à sa longévité, que dire de ses 10 participations au Super Bowl ? On pourrait vous dire qu’aucun autre joueur ne parviendra à atteindre un tel total…

Le plus remarquable, c’est que tous ces Super Bowls ont été des matchs serrés, à l’exception de son dernier, son seul dans l’uniforme des Buccaneers, disputé l’année dernière. Qu’on l’aime ou pas, Brady nous aura procuré des moments forts comme aucun autre joueur dans l’histoire ne l’a fait. Et la grande majorité du temps, il gagnait ces matchs. C’est en fin de compte la façon la plus juste de décrire Brady : le plus grand vainqueur de tous.

Si Aaron Rodgers décide de se retirer, lui aussi, il ne restera plus un seul de ce que l’on pouvait qualifier de la vieille garde des quarts-arrières : les deux Manning, Brees, Roethlisberger, Rivers, et maintenant Brady. Tous partis.

C’est une nouvelle ère qui s’ouvre, car tant que Brady était toujours là, on ne pouvait pas vraiment parler de la génération Mahomes, Josh Allen, Joe Burrow, Lamar Jackson et Justin Herbert (tous dans l’Américaine, soit dit en passant…). L’avenir à la position la plus importante est florissant et très prometteur. Une nouvelle époque qui sera sûrement aussi intéressante que celle qui prend fin.

Mais quelle époque ce fut !