Est-ce que Khari Jones et son coordonnateur défensif Barron Miles, congédiés par les Alouettes il y a deux semaines, méritaient un meilleur sort ? Oui. Est-ce que Danny Maciocia peut embaucher les entraîneurs de son choix à titre de directeur général ? Oui aussi. L’un n’empêchait pas l’autre.

On peut certainement être d’avis que le renvoi de Jones était plus ou moins justifié. Mais à tort ou à raison, il était écrit dans le ciel que son séjour à Montréal tirait à sa fin. Les mariages arrangés sont voués à l’échec.

Un directeur général a parfaitement le droit d’amener « son monde », et c’est ce qu’a fait Maciocia. On parle de trois hommes en particulier : Byron Archambault, Anthony Calvillo et Noel Thorpe, qui sont maintenant respectivement responsables des unités spéciales, de l’attaque et de la défense.

« Danny est père de filles, mais n’a jamais eu de garçon. Byron est le fils qu’il n’a jamais eu », m’a récemment dit un membre de l’organisation. Un ancien joueur et entraîneur des Carabins de l’Université de Montréal, Archambault a d’abord été embauché du côté des opérations football avant de se joindre au groupe d’entraîneurs la saison dernière.

Maciocia s’est également assuré que Calvillo revienne dans le nid, ce qui était tout naturel. Dans l’âme, l’ancien quart étoile sera toujours un Alouette.

Si les embauches d’Archambault et de Calvillo n’ont pas étonné, le retour de Thorpe au sein de l’organisation a été encore moins surprenant. À peu près tout le monde qui gravite dans le football canadien le savait : Thorpe, c’est l’homme de Maciocia.

« Il n’y a eu aucun doute dans mon esprit, a dit Maciocia au sujet de celui qui est devenu un bon ami. J’aime son énergie, sa passion, la structure qu’il apporte. Il apporte une culture où tout le monde doit répondre [de ses actions]. S’il y a des ajustements à apporter, s’il y a des échecs ou un manque de concentration, même durant un entraînement, il va [s’y attaquer]. »

« En anglais, on appelle ça firm but fair [ferme, mais juste]. Je pense que c’est quelque chose dont on avait besoin », a estimé Maciocia.

« Je ne suis pas en train de critiquer Barron Miles en disant qu’il n’était pas discipliné ou structuré, ce n’est pas ça du tout. J’essaie seulement de décrire Noel Thorpe et ce que l’on recherchait. »

Dans le donjon

C’est la troisième fois que Thorpe se joint aux Alouettes. Son premier contact avec la Ligue canadienne a été à titre d’entraîneur invité avec les Oiseaux en 1999 et en 2001. C’est à ce moment qu’il a fait la connaissance de Maciocia, qui était alors l’un des entraîneurs offensifs du club.

Avant la saison de 2002, le directeur général de l’époque, Jim Popp, avait jugé que le moment était venu d’embaucher Thorpe, alors âgé de 31 ans.

« Don Matthews venait d’être embauché comme entraîneur-chef et Jim m’avait dit qu’il me le présenterait en lui recommandant mon embauche, a dit Thorpe. Je me souviens qu’on avait discuté durant trois ou quatre heures dans le donjon [un bureau dans le Stade olympique] et que Don m’avait offert le poste au bout de cette discussion. J’étais le nouveau coordonnateur des unités spéciales. »

Thorpe a gagné la Coupe Grey dès sa première saison, en 2002, et la direction de la ligne tertiaire lui a également été confiée un peu plus tard. Il allait passer ses cinq premières années dans la LCF au côté du légendaire Matthews et a conservé l’ADN de son système défensif. Depuis 15 ans, Thorpe a pratiquement toujours travaillé du côté défensif, la plupart du temps comme coordonnateur.

« C’est un système qui est construit sur la pression que l’on exerce et sur le chaos qu’on veut provoquer chez les attaques adverses. Tout est une question de synchronisme pour les attaques dans cette ligue, alors on veut le perturber le plus que l’on peut. »

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Noel Thorpe (à gauche) à l’entraînement des Alouettes, mardi

Thorpe est un fruit de l’arbre Matthews, tout comme Chris Jones, autre adjoint qui faisait partie du groupe d’entraîneurs des Alouettes dans la première moitié des années 2000. La différence entre Jones et Thorpe, c’est que le premier a été l’entraîneur-chef des Eskimos d’Edmonton, des Roughriders de la Saskatchewan et des Elks d’Edmonton au cours de la dernière décennie. Thorpe n’a jamais obtenu une telle occasion.

Ce qui nous ramène aux Alouettes actuels. Maciocia a déjà indiqué qu’il ne serait pas l’entraîneur-chef en 2023, poste qu’il occupe par intérim pour le reste de la saison. Bien des gens pensent que Thorpe est destiné à enfin obtenir sa chance.

« Je ne veux même pas parler de cette possibilité, et pour deux raisons. La première, c’est que je n’y pense pas, en toute honnêteté, et la deuxième, c’est que je n’ai aucun contrôle sur ça. En 20 ans de carrière, j’ai souvent vu des situations qui ne se sont pas du tout déroulées comme on l’anticipait », a répondu Thorpe lorsqu’on a parlé de 2023.

« Je me concentre uniquement sur le travail que j’ai à faire dans l’immédiat. Pour le reste, les choses iront comme elles iront. »

La première mission de Thorpe sera effectivement de stabiliser une défense qui continue d’écoper de beaucoup trop de pénalités et peine à fermer les livres au quatrième quart. S’il n’y parvient pas, il sera très difficile pour les Alouettes de défendre une promotion.

Liés d’amitié

Lorsque Marc Trestman est devenu le pilote des Alouettes après la saison 2007, Noel Thorpe, Chris Jones et Marcel Bellefeuille, les trois coordonnateurs de l’équipe, ont tous été remerciés.

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Noel Thorpe (deuxième en partant de la gauche) avec l’entraîneur de la ligne défensive, Greg Quick

Devenu le directeur général des Eskimos quelques années plus tôt, Maciocia a alors offert un poste à Thorpe, et c’est à Edmonton que les deux hommes ont développé une amitié qui n’aura fait que grandir depuis.

« Danny était à Edmonton et on s’était affrontés au match de la Coupe Grey à trois occasions [2002, 2003 et 2005]. Son attaque était redoutable et je pense qu’on a développé un respect mutuel. Lorsque l’occasion de travailler avec lui s’est présentée, je ne l’ai pas laissé filer », a raconté Thorpe.

Au fil des ans, on est devenus de plus en plus proches. J’ai beaucoup d’admiration et de respect pour lui, non seulement au football, mais aussi dans la vie en général. Il traite les gens de la bonne façon.

Noel Torpe, au sujet de Danny Maciocia

Maciocia avait également embauché Thorpe à l’Université de Montréal avant le deuxième séjour de celui-ci avec les Alouettes. L’attaque des Alouettes était abjecte dans l’après Calvillo-Trestman. Grâce au brio de Thorpe, qui était le coordonnateur défensif des Alouettes de 2012 à 2017, l’équipe était demeurée respectable.

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Danny Maciocia

C’est d’ailleurs lorsque Kavis Reed avait affirmé que sa défense ne faisait pas partie de l’élite de la LCF, pour expliquer le congédiement de Thorpe au milieu de la saison 2017, qu’on a réellement compris que le directeur général était au volant d’un autobus qui se dirigeait directement vers un mur de béton…

« Il doit y avoir un alignement des philosophies. S’il n’y en a pas, la relation ne durera pas. Il y a les résultats sur le terrain, mais on doit également voir les choses du même angle », a noté Thorpe au sujet de l’épisode en question.

Et c’est une explication qui vaut également pour la situation actuelle chez les Alouettes. Maciocia, Thorpe, Anthony Calvillo et Byron Archambault sont tous sur la même longueur d’onde.

« Le football, c’est comme la vie en général, on s’entoure de gens qui nous sont similaires et qui voient les choses du même œil. Il en est ainsi pour Danny et moi. Ça dépasse le cadre du football. Et d’avoir l’occasion de travailler avec lui à nouveau m’excite énormément.

« On sait comment on pense et lorsqu’il y a un tel alignement entre des gens, que ce soit au football ou dans un autre milieu, le succès suit généralement. »

Entre Montréal et Edmonton

Natif de la Colombie-Britannique comme sa femme Erminia Russo, qui a fait partie de l’équipe féminine de volleyball lors des Jeux olympiques d’Atlanta en 1996, Thorpe se sent chez lui à Montréal. Il a passé plusieurs années dans la ville, notamment lorsqu’il était le coordonnateur défensif du Rouge et Noir d’Ottawa en 2018 et en 2019. Le couple et ses enfants Emma et Peyton pourraient redéménager à Montréal au cours des prochains mois. Le domicile familial est actuellement à Edmonton, où Thorpe a été le coordonnateur défensif des Elks en 2020 et en 2021.

« Nous n’avons vécu qu’à Montréal et à Edmonton au cours des 20 dernières années. On a élevé notre famille à Montréal et c’est ici qu’on a acheté notre première maison. Pour nous, c’est la maison. Cette ville, cette communauté et cette organisation ont énormément d’importance pour ma famille et moi. Je ressens beaucoup de fierté d’être de retour avec les Alouettes. C’est cette organisation qui m’a ouvert la porte du football professionnel et j’ai eu la chance d’avoir des mentors qui font partie des plus grands de l’histoire de la LCF en Don Matthews et Jim Popp. Je sais ce que cette équipe représente pour la ville. Les gens sont passionnés et veulent une équipe gagnante. C’est ce qu’on leur donnera. »