Quelle est la valeur d’un joueur n’ayant encore couru aucune verge ni même joué un seul match dans la NFL ? Dans le cas de Bijan Robinson, elle est immense.

La saison des pools et des fameux fantasy arrive à une vitesse fulgurante. Presque aussi vite qu’une énième réimpression du livre Pierre Gervais : au cœur du vestiaire.

Les amateurs les plus studieux auront sans doute remarqué le nom de Bijan Robinson figurant très haut sur les différentes listes fournies par les sites spécialisés.

À tel point qu’il est légitime de se demander comment un porteur de ballon d’à peine 21 ans, récemment repêché et n’ayant encore jamais sauté sur un terrain de la NFL peut être placé dans le même bateau que certains vétérans ayant déjà fait leur marque et leurs preuves.

Comme Robinson Crusoé, Bijan est seul sur son île. Aucune recrue, hormis un quart-arrière, ne suscite autant d’engouement et d’attentes.

Sur la liste du site The Score, Robinson serait le troisième porteur de ballon de la NFL, pour la production, au cours de la saison à venir*. Les prévisions du site le situent devant Nick Chubb, Tony Pollard et Saquon Barkley.

Même rang d’après ESPN. Selon les experts du réseau américain, le joueur des Falcons d’Atlanta repêché au huitième rang du dernier repêchage sera plus performant que Barkley, Derrick Henry et Pollard.

Les spécialistes du site Yahoo Sports, quant à eux, situent Robinson au quatrième rang, devant Pollard, Barkley et Henry.

Un bon profil

Deux questions se posent.

La première : pourquoi les attentes à l’égard de Robinson sont-elles aussi élevées ?

Pour y répondre, il suffit de regarder à quel échelon il a été repêché. L’ancien des Longhorns de l’Université du Texas a été choisi au huitième rang par les Falcons. La dernière fois qu’un porteur de ballon avait entendu son nom prononcé parmi les 10 premiers, c’était Saquon Barkley, sélectionné au deuxième rang au total par les Giants de New York en 2018.

À sa dernière saison dans l’uniforme orangé, à Austin, Robinson a enregistré 18 touchés par la course, 1580 verges au sol, en plus d’avoir réussi 19 attrapés, pour deux touchés, en seulement 12 matchs. Il a d’ailleurs remporté le trophée Doak-Walker remis au meilleur demi offensif au pays.

Le rendement de Bijan Robinson à l’Université du Texas, un programme on ne peut plus prestigieux, aura été historique dans diverses catégories.

Avant d’arriver dans la NCAA, le natif de l’Arizona avait aussi attiré bien des regards dans son État natal en gagnant à deux reprises le trophée du meilleur joueur de niveau secondaire.

Maintenant, la deuxième question est de savoir ce qui lui vaut autant d’intérêt et d’appréciation.

À 5 pi 11 po et 215 lb, Robinson est un TGV impossible à arrêter lorsque le ballon est coincé entre son biceps et son pectoral. Ses pieds sont agiles et son jeu de jambes est hypnotique. Il peut courir des tracés et trouver une ligne de fuite tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du mur défensif. Il a une vision du jeu supérieure à la moyenne de ses contemporains lui permettant d’anticiper le jeu des joueurs défensifs à des milles à la ronde. Il est aussi excellent par la voie des airs, pour capter des ballons. Il maintient aussi un centre de gravité très bas, rendant les plaqués encore plus difficiles pour ses adversaires.

Même si se prêter au jeu des comparaisons est souvent une mauvaise idée, il permet de comprendre un peu mieux le profil d’un joueur lorsque celui-ci est encore inconnu de bien des amateurs.

Le style de Robinson s’apparente drôlement à celui de Josh Jacobs et Nick Chubb pour la robustesse et l’explosivité. Et à celui de Tony Pollard et Saquon Barkley pour la polyvalence, la créativité et la vitesse des pieds.

Pendant la semaine du repêchage, d’anciens recruteurs et des experts invités à différents panels avaient tellement foi en son potentiel que certains avançaient que Robinson pourrait connaître une carrière comparable à celle de LaDainian Tomlinson.

Rien de moins.

Retour dans le temps

Robinson fera évidemment l’envie de nombreux amateurs lorsque, pris entre une boisson gazeuse et des croustilles laissant le bout des doigts orange, ils auront à le choisir à la position de porteur de ballon.

Avec l’engouement autour du joueur des Falcons, certains prendront le risque. Si on peut qualifier ainsi sa sélection. Pourtant, les quelques fois où des porteurs de ballon ont suscité autant d’intérêt, ils ont été plutôt efficaces lors de leur saison de repêchage.

Parce que, ultimement, c’est là que réside le doute. Dominer dans les rangs universitaires est une chose. Le faire dans la meilleure ligue au monde en est une autre.

PHOTO DALE ZANINE, ARCHIVES USA TODAY SPORTS

Bijan Robinson à l’entraînement

Or, plusieurs joueurs dans sa position il y a quelques années ont bien négocié la transition.

Depuis 2012, cinq porteurs de ballon ont été choisis entre la première et la huitième position du repêchage de la NFL.

Barkley, en 2018, a inscrit 11 touchés au sol et 1307 verges au sol en 16 matchs.

Leonard Fournette, choisi au quatrième rang par les Jaguars de Jacksonville en 2017, a accumulé 9 touchés et 1040 verges par la course en 13 rencontres.

Christian McCaffrey, repêché au septième rang par les Panthers de la Caroline en 2017, a réalisé deux touchés et couru 435 verges en 16 matchs.

Ezekiel Elliott, sélectionné au quatrième rang par les Cowboys de Dallas en 2016, a inscrit 15 touchés et récolté 1631 verges au sol, un sommet dans la NFL cette année-là, en 15 parties.

Enfin, Trent Richardson, repêché par les Browns de Cleveland au troisième rang en 2012, avait accumulé 11 touchés et 950 verges en 15 rencontres.

Maintenant, le ballon est dans le camp de Robinson. Il reste à voir s’il saura répondre aux attentes et s’il saura dissiper les inquiétudes des millions de directeurs généraux du dimanche qui l’auront choisi, pour le meilleur ou pour le pire.

* Prévisions en date du 16 août 2023