(Atlanta) Tous les amateurs de football québécois étaient rivés à leurs écrans dimanche après-midi pour le match entre les Commanders de Washington de Benjamin St-Juste et les Falcons d’Atlanta de Matthew Bergeron. Et St-Juste le savait. C’est pourquoi il a joué les héros en réussissant le plus gros jeu de sa carrière.

Les Commanders menaient 24-16 avec 10 min 15 s à faire au quatrième quart. Le quart-arrière des Falcons, Desmond Ridder, avait amorcé la remontée du terrain pour garder son équipe en vie. Une fois dans la zone payante, les Falcons étaient en bonne position pour réaliser un touché et potentiellement réussir une transformation pour créer l’égalité.

En situation de troisième essai et sept verges, la pression exercée par les joueurs de ligne défensive de Washington était trop forte. Ridder a paniqué et a tenté une passe à la droite de la zone des buts en direction de Drake London, son receveur le plus fiable.

Et un demi défensif de Rosemère nommé St-Juste s’est imposé. Il a volé le ballon, intercepté la passe, mis son genou au sol et ainsi protégé l’avance des siens. Cette priorité a tenu jusqu’à ce que le cadran indique zéro.

« C’est le meilleur feeling en tant que demi défensif », a lancé le Québécois après la joute. Surtout qu’il s’agissait de sa première interception en carrière, à son 27match.

St-Juste a terminé le match avec le sourire, et le ballon du match, mais son état d’esprit au terme de cette partie aurait pu être tout autre.

Au premier quart, il a raté sa couverture sur l’ailier rapproché Kyle Pitts dans la zone payante, ce qui a permis à ce dernier d’inscrire le premier touché du match. Au quatrième quart, St-Juste a forcé les officiels à lancer leur mouchoir sur une transformation de deux points des Falcons puisque le numéro 25 a nui au travail de London.

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Benjamin St-Juste et le ballon du match

Puis, deux minutes plus tard, sur un attrapé contesté avec London, les arbitres ont donné le bénéfice du doute au joueur d’Atlanta.

« [C’était] ma destinée d’avoir ma première interception, parce qu’honnêtement, je crois que j’avais intercepté la passe qui avait été donnée à Drake London. Je savais que le ballon devait me revenir à un moment donné. Avec la pression, le match sur la ligne, j’ai livré la marchandise », a souligné fièrement St-Juste dans le vestiaire des siens.

La défaite pour Bergeron

Dans l’autre vestiaire, au sous-sol du gigantesque et spectaculaire stade Mercedes-Benz, Bergeron était un peu plus désappointé.

Le joueur de ligne offensive aurait préféré remporter le premier match impliquant deux joueurs québécois depuis 2016, on s’en doute.

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Matthew Bergeron

Son équipe n’a toutefois pas mal paru. Elle s’est inscrite au pointage rapidement. Plusieurs joueurs se sont signalés, dont les ailiers rapprochés Kyle Pitts et Jonnu Smith, auteurs des deux touchés de leur équipe.

Bergeron est cependant au mieux lorsque l’équipe déploie son attaque au sol. Toutefois, la récolte a été assez maigre contre le front défensif dominant des Commanders. Les porteurs de ballon Tyler Allgeier et Bijan Robinson ont couru 13 fois chacun et obtenu respectivement 51 et 37 verges.

Et malgré la défaite, Matthew Bergeron a laissé paraître un sourire en coin lorsque la réussite de Benjamin St-Juste a été soulevée. Même s’il venait d’encaisser la défaite, il était admiratif et fier de son compatriote.

« J’étais vraiment content pour lui et pour son interception. Je sais que c’est gros pour l’équipe, mais pour sa carrière aussi », a-t-il lancé avec un blouson à l’effigie de l’université de Syracuse, son alma mater. Un cadeau que tous les finissants de l’équipe de football ont reçu la semaine dernière.

La fierté

Plus tôt cette semaine, les deux joueurs s’étaient échangé des messages textes pour convenir d’un rendez-vous au centre du terrain pour échanger leurs maillots après la rencontre.

Ils ont tenu leur promesse. Ils ont pris la pose et échangé quelques mots.

« On a parlé en français ! », s’est exclamé Bergeron lorsqu’on lui a demandé ce que se disaient deux joueurs québécois au centre de l’un des terrains les plus impressionnants de la NFL.

« C’était super cool de parler avec Matthew après la partie, faire l’échange, a précisé St-Juste. Je lui ai dit de garder la tête haute, de s’appliquer sur tous les détails, de travailler sur ses faiblesses. Mais c’est un kid super intelligent et qui apprend vite. C’était un beau moment. »

Et ce moment, il l’a vécu avec les Québécois. Dans son œil, une étincelle a jailli lorsqu’il a été question de l’effet que pourrait avoir un affrontement comme celui-ci entre deux athlètes de la Belle Province.

Si j’étais un jeune et que je voyais ça, ce serait toute la motivation dont j’aurais besoin pour continuer. […] Et je veux faciliter le chemin pour les plus jeunes. Matthew est là, et on va en avoir chaque année. Les gens vont pouvoir voir qu’il y a un super beau bassin de joueurs de football au Québec.

Benjamin St-Juste

Il y a six ans, lorsque Bergeron rêvait aux rangs universitaires, vivre une telle journée aurait été « inimaginable ».

« Si tu m’avais dit que j’allais jouer à ce niveau-là contre un autre Québécois et [qu’il allait] faire l’interception pour gagner le match, je crois que je ne t’aurais jamais cru. »

Pourtant, les contes de fées nous font parfois la surprise de se concrétiser, dans la vraie vie.

Et cette histoire, ils l’ont partagée. Et ils lui ont surtout donné un sens.

Benjamin St-Juste, de Rosemère au Minnesota en passant par le Vieux-Montréal. Matthew Bergeron, de Victoriaville à Syracuse en passant par Thetford Mines.

Deux Québécois se faisant l’accolade au Mercedes-Benz Stadium, à Atlanta, dans la NFL.

Même s’ils s’affrontaient pour la toute première fois, St-Juste et Bergeron jouaient pourtant dans la même équipe, dimanche après-midi.