(Columbus) Un père grisonnant. Son fils dans la vingtaine. Ils se mettent en retrait de la longue procession de gens qui affluent vers l’Ohio Stadium, la mère les suivant de près. À Columbus, en cette journée ensoleillée, Ohio State s’apprête à accueillir Penn State pour l’un des plus gros matchs du football collégial américain de l’année.

La mère prépare sa caméra. Le père et le fils, eux, se préparent… à percer un trou dans leur cannette de bière pour la caler le plus rapidement possible. Pendant que la mère filme la scène, la foule qui continue d’avancer se met à encourager les deux hommes. Le père… finit sa bière le premier, la jette au sol et lève les bras au ciel, accueillant avec enthousiasme les célébrations à son endroit.

Il est 11 h du matin.

La ville est grouillante, toute de rouge vêtue. Ah, d’accord, se dit-on. Ce n’est donc pas en raison de la venue du CF Montréal ici que toutes les chambres d’hôtel en ville sont réservées. C’est la convergence de 110 000 personnes venues remplir une enceinte accueillant deux équipes du Big Ten encore invaincues après six rencontres. Tout s’explique.

On parle des 110 000 sièges remplis du stade, mais c’est tout le campus – qui s’étend sur sept kilomètres – et la zone qui l’entoure qui vibrent au rythme des Buckeyes d’OSU en ce samedi d’octobre.

On se fraie un chemin à travers la foule. L’ambiance est frénétique. On croise le rassemblement du réseau FOX, diffuseur du match, et on observe la télé américaine à l’œuvre. Ça crie, fort.

Tout comme cet homme, éméché, le regard mou, qui utilise un cône orange en guise de porte-voix pour beugler des insanités. Il est 11 h 30.

On arrive dans le tailgate. Un homme dans un costume d’Iron Man sophistiqué accepte volontiers de se faire prendre en photo, moyennant un pourboire. Il a plus de succès que son voisin, avec son costume de Spider-Man délavé comme un vieux jeans.

PHOTO JEAN-FRANÇOIS TÉOTONIO, LA PRESSE

Iron Man qui attend son prochain selfie, à gauche, et le Spider-Man délavé, bien dissimulé sur cette photo, à droite

Le début du match approche. La fête dans le stationnement tire à sa fin. Un restant de vieilles pépites de poulet traîne sur un gril laissé au sol derrière une voiture, à côté de milliers de passants qui convergent encore et encore vers le stade. Un flot incessant.

On dit que la fête tire à sa fin, mais pas pour tout le monde. Surtout pas pour ces dames qui dansent avec enthousiasme sur Sandstorm de Darude, sous un chapiteau. On ne s’en sortira jamais, chers lecteurs.

On s’éloigne un peu de l’enceinte, notamment pour tenter de trouver un endroit où écrire ces lignes. Pas de chance. Même à 30 minutes de marche de l’Ohio Stadium, les restaurants sont bondés, les bars aussi. Les piétons, tous écarlates, ne sont qu’à la recherche d’un endroit pour regarder le match.

Match qui s’est terminé 20-12 en faveur des Buckeyes.

PHOTO JAY LAPRETE, ASSOCIATED PRESS

Miyan Williams, des Buckeyes d’Ohio State, marque un touché contre les Nittany Lions de Penn State.

On s’en doutait déjà en matinée, mais notre expérience entourant le match confirme la chose : le football collégial semble pas mal plus populaire que la NFL, ici. On voit quand même quelques logos des Browns de Cleveland dans la ville, mais c’est enseveli par l’amour de Columbus pour ses Buckeyes. Notre chauffeur de taxi a proposé sa théorie en route vers le campus, samedi matin.

« C’est parce qu’il y a de vrais enjeux » pour les joueurs, explique le sympathique Samba, qui fait des allers-retours entre le centre-ville et l’Ohio Stadium depuis quelques heures.

PHOTO JOSEPH MAIORANA, USA TODAY SPORTS

Les Buckeyes réunis devant la foule à l’Ohio Stadium

« Dans la NFL, tout est lié à l’argent [it’s all about money]. Les joueurs ont déjà réussi. Ici, ils ont encore des choses à prouver. Leur famille et leurs amis sont là pour les encourager. »

Les hélicoptères militaires aussi, semble-t-il.

Le calme avant la frénésie

Il y avait deux Columbus, samedi matin. À quatre kilomètres au sud de l’université, on a été témoin de sa version paisible, endormie, presque déserte… mais aussi pittoresque, particulièrement sur la magnifique promenade de la rivière Scioto.

PHOTO JEAN-FRANÇOIS TÉOTONIO, LA PRESSE

La magnifique rivière Scioto

Plus d’une heure et demie avant le match, on voyait au loin les bannières accrochées aux avions survolant le campus. Mais le son ne nous parvenait pas. Seuls le souffle et les pas des coureurs amateurs venaient percer le silence poétique de l’endroit.

Ça détonnait, particulièrement à l’aube d’une journée sportive particulièrement occupée dans cette ville de l’Ohio.