(Hamilton) Comment faire pour bien saisir la signification d’un match de championnat tout en essayant d’en faire abstraction ?

La question peut paraître banale, mais à quelques heures de la Coupe Grey, ce dilemme occupe l’esprit des joueurs des Alouettes.

C’est devenu un classique, presque un cliché, mais avant de jouer pour un titre, chaque athlète dira que le match décisif sera un match comme les autres. Il dira que la routine reste la même et que l’enjeu, si immense soit-il, ne change rien à son approche ou à sa préparation.

D’un autre côté, dans les jours ou les heures précédant ledit match, tout est amplifié. La couverture médiatique, l’intérêt des amateurs et la demande d’énergie sont sans commune mesure avec ce que les joueurs auront vécu au cours de la saison régulière.

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Marc-Antoine Dequoy

Marc-Antoine Dequoy a réfléchi à cette intéressante dichotomie dans les derniers jours. Et le maraudeur a été le joueur le plus sollicité cette semaine, sans surprise.

« On en parle tous les jours et les paroles ont un poids. Et j’ai réalisé que lorsqu’on dit que c’est une grosse semaine, tu te crées toi-même de l’importance », raconte-t-il sur les lignes de côté après l’entraînement.

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James Tuck (40) et Cody Fajardo (7) à leur arrivée sur le terrain à Hamilton

Mais si les paroles ont un poids, pour reprendre les mots du Québécois, il peut aussi être possible, à l’inverse, de se répéter que même s’il est à la veille de jouer le match le plus important de sa vie, ça demeure juste un autre match de football. Comme il en a joué des centaines dans sa vie auparavant.

« À force de te le dire, c’est la meilleure façon de parvenir à y croire, parce que la réalité, c’est que ce n’est pas une semaine normale. Ce n’est pas un match comme les autres. Alors tu fais ton possible pour agir comme si c’était un match normal. »

Garder les mêmes habitudes

« Il faut garder la routine le plus possible », estime David Côté.

Les Alouettes ont atteint la Coupe Grey contre toute attente, et ce n’est pas par hasard.

« Il faut faire les mêmes choses qui font en sorte que ça va bien depuis 23 semaines. Évidemment, il y a plein de trucs comme les médias, les banquets, toutes ces choses-là. Et c’est cool, tu apprécies et c’est normal. Mais une fois que le coup de sifflet est donné et que le premier botté est fait, tu es dans ton match et c’est un match comme un autre, rendu là. »

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Le botteur David Côté (15) à l'entraînement avec son coéquipier Joseph Zema (36), vendredi

Le botteur a raison lorsqu’il dit que les règlements restent les mêmes, que le terrain est inchangé et que les joueurs ne sont pas plus ou moins bons. Seule l’ampleur de la finalité changera.

Cependant, « si tu commences à penser à l’enjeu, tu es fait, pense Dequoy. Tu te concentres ! C’est facile à dire, mais c’est plus dur à faire ».

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L’entraîneur Jason Maas

L’expérience

Dequoy et Côté, comme la majorité de leurs coéquipiers, en seront à une première présence en finale de la Coupe Grey.

Or, Luc Brodeur-Jourdain est un de ceux qui ont goûté à l’élixir suprême, en 2009 et 2010, avec les Alouettes.

Il est donc bien placé pour savoir ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas lors d’une semaine comme celle-là.

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Luc Brodeur-Jourdain

« C’est de se concentrer sur ce qu’on a fait tout au long de la saison, raconte-t-il. Quelle est notre routine ? Comment travaillait-on ? Et maintenant, il faut pallier les petits imprévus qui viennent avec une semaine de la Coupe Grey. »

Il cite les installations, l’horaire, les entrevues et le transport comme les principaux impondérables. Sinon, « la façon de se préparer pour le match, de dessiner nos jeux et de travailler avec les gars sur le terrain reste dans la même dynamique ».

Le but étant de contrôler tous les éléments, le plus possible, « mais ça reste un défi », jure-t-il.

Plaisir et pression

La normalité demeure malgré tout une denrée rare dans ce genre d’environnement. Les joueurs ne sont pas dupes. Ils ont beau s’entêter à se répéter que tout est normal, « tu sais que c’est exceptionnel », admet l’entraîneur de la ligne offensive.

En fin de compte, l’équipe qui gagnera ce dimanche soir sera celle qui aura réussi à transformer l’extraordinaire en ordinaire.

Plus tu gardes les choses habituelles, moins tu deviens stressé.

Luc Brodeur-Jourdain, entraîneur de la ligne offensive

Et aucun plan de match, aucune statistique et aucune analyse vidéo ne peut parvenir à conforter une équipe dans ses ambitions de normaliser un tel contexte. La meilleure équipe sera celle qui sera arrivée à s’en convaincre le mieux.

Ce sentiment passe principalement par le plaisir, aussi cliché soit-il. Kristian Matte est le seul joueur de la dernière conquête de 2010 à toujours évoluer pour les Alouettes.

Ses coéquipiers et lui veulent profiter du moment et mordre dans chaque seconde depuis qu’ils sont arrivés lundi, car Matte sait que 13 ans d’attente, c’est long.

« C’est spécial, être à la Coupe Grey. Donc on s’amuse. Et à nos pratiques, on éprouve toujours du plaisir, mais cette semaine, on en a un peu plus, il faut l’admettre », a souligné le joueur de ligne offensive sur le podium de la salle des médias.

PHOTO NATHAN DENETTE, LA PRESSE CANADIENNE

Sean Jamieson joue au frisbee sur le terrain, samedi

À quelques heures de l’affrontement pour lequel les Alouettes travaillent d’arrache-pied depuis leur camp d’entraînement à Trois-Rivières à la mi-mai, les cœurs sont légers et les joueurs sont en mode émerveillement. Ils ont bossé trop dur pour ne pas en profiter.

Samedi après-midi, l’équipe s’est présentée sur le terrain pour prendre des photos de groupe, se lancer le frisbee et simuler quelques jeux. Aucun joueur ne portait d’épaulettes, mais tous portaient en eux le sentiment de vivre une expérience privilégiée, parce que c’est le cas.

En rafale

  • Il s’agit de la première Coupe Grey opposant les Alouettes aux Blue Bombers.
  • Les Bombers disputent leur quatrième finale d’affilée (2-1), une marque d’équipe.
  • Outre le secondeur Adam Bighill, le receveur Dalton Schoen représente un cas douteux pour ce dimanche. Une décision sera prise avant la rencontre.
  • Onze des 15 dernières Coupes Grey se sont décidées dans les trois dernières minutes de la rencontre.
  • Les Alouettes ont mené la LCF avec neuf touchés défensifs cette saison et en ont ajouté deux autres contre Toronto en finale de l’Est. Il n’y a pas eu de touché défensif à la Coupe Grey depuis 2017.
  • La LCF rendra hommage au chanteur des Cowboys Fringants, Karl Tremblay, mort mercredi, en faisant jouer la chanson Ici-bas lors de l’avant-match.

Le match de la 110Coupe Grey se mettra en branle vers 18 h, ce dimanche.