(Cleveland) La Québécoise Catherine Raîche s’est souvenue d’avoir entendu des soupirs d’exaspération lors d’un entretien téléphonique après avoir déclaré qu’elle était recruteuse dans les rangs universitaires pour la NFL.

Lors de son premier mandat avec les Eagles de Philadelphie en 2019, Raîche devait appeler régulièrement des institutions aux quatre coins des États-Unis afin d’obtenir des informations sur certains espoirs. Très souvent, ses requêtes se butaient à des réponses perplexes de ses interlocuteurs.

« On m’a demandé d’envoyer une photo de ma carte d’affaires parce qu’on ne croyait pas que j’étais recruteuse, s’est souvenue Raîche, qui est présentement l’adjointe au directeur général des Browns de Cleveland et vice-présidente de leurs opérations football. C’est arrivé un tas de fois, et ça n’est pas comme si ça c’était produit il y a une décennie. »

Aujourd’hui, heureusement, ces conversations malaisantes et ces réactions perplexes surviennent beaucoup moins souvent.

Raîche, la femme qui occupe le plus haut poste de direction dans l’histoire de la ligue, est l’une des pionnières qui aident maintenant d’autres femmes à se tailler des postes de choix dans une ligue qui était traditionnellement réservée aux hommes. Après des années passées à progresser à pas de tortue, la ligue la plus puissante aux États-Unis compte maintenant un nombre record de femmes dans ses rangs.

Cependant, malgré les avancées spectaculaires enregistrées depuis moins d’une décennie, la NFL n’est toujours pas parvenue à atteindre la parité homme-femme, et le circuit Goodell est confronté à de nombreuses allégations allant de la discrimination basée sur le sexe à des environnements de travail toxiques.

Les Browns, qui font partie des organisations les plus progressistes de la ligue en matière d’équité, ont aussi été vertement critiqués l’an dernier pour avoir consenti un lucratif contrat – qui est totalement garanti – au quart Deshaun Watson, en dépit des nombreuses allégations d’inconduite sexuelle et de harcèlement formulées par plus d’une vingtaine de femmes.

Bien qu’il ait écopé d’une suspension de 11 matchs en lien avec ces allégations, plusieurs enjeux sérieux restent à être réglés.

« Nous venons à peine d’égratigner la surface, mais quand on passe la situation sous le microscope et qu’on analyse les progrès que la NFL a réalisés au cours des sept dernières années par rapport au siècle précédent, alors on constate des progrès prodigieux », a dit Sam Rapoport, la directrice de la diversité, de l’équité et de l’inclusion de la NFL, et une force motrice dans les efforts de la ligue pour atteindre la parité.

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Sam Rapoport, directrice de la diversité, de l’équité et de l’inclusion de la NFL

Ces dernières années, de plus en plus de femmes ont obtenu des postes clés aux quatre coins de la ligue, qui ont contribué à remodeler la hiérarchie dans le football professionnel.

Et ça n’est pas seulement au sommet de la pyramide. Partout, du personnel de bureau, aux entraîneuses, en passant par les arbitres, les responsables de l’équipement et les thérapeutes du sport, la ligue a finalement commencé à être un miroir de la société. Les postes réservés traditionnellement aux hommes sont maintenant accessibles aux femmes également.

Cette saison, 223 femmes travaillent à temps plein au sein du personnel d’entraîneurs ou des opérations football de la NFL, une hausse modeste par rapport aux 199 enregistrées l’an dernier – mais un bond grandiose de 141 % depuis 2020. Dix femmes occupent des postes à temps plein au sein du personnel d’entraîneurs, soit le plus haut total dans l’histoire de la ligue, et 11 clubs comptaient sur des entraîneuses pendant leur camp d’entraînement estival, un autre sommet.

Selon l’Institute for Diversity and Ethics in Sport, la représentativité féminine moyenne dans les bureaux de la NFL était de 41,3 % en 2022, un record, et une hausse considérable par rapport au taux de 29,6 % en 2014.

Il aura fallu beaucoup de temps, mais les femmes, qui composent un peu plus de la moitié de la population américaine et près de la moitié du public cible de la NFL – estimé à environ 80 millions – commencent à obtenir plus d’opportunités d’embauche.

Rapoport a dirigé le premier forum féminin de la NFL en 2017, ayant comme objectif de mettre en contact plus de femmes avec des équipes du circuit. Tout comme Raîche, elle a toujours été irritée par le fait que les femmes ne pouvaient aspirer à faire carrière dans un sport qu’elles adorent.

« Il n’y avait aucune femme dans le personnel d’entraîneurs, a rappelé Rapoport, qui a grandi au Canada, tout comme Raîche, en adorant le football professionnel. Il n’y avait aucune femme dans les équipes de recrutement, et plusieurs d’entre nous avons dit : “Ça doit changer ». »